Antérieurement, la demande de pièce complémentaire adressée par le service instructeur avait pour effet de prolonger le délai d'instruction, par l'effet combiné de deux décisions du Conseil d'Etat :

  • Dans le cadre d'une déclaration préalable, une décision de non-opposition à déclaration préalable naît un mois après le dépôt de celle-ci, en l'absence de notification d'une décision expresse de l'administration ou d'une demande de pièces complémentaires. Dans ces conditions, la demande de pièce complémentaire permettait de proroger le délai d'instruction (Conseil d'État, 08/04/2015, 365804).
  • Une demande de pièces complémentaires faisant naître une décision tacite de refus en l'absence de production des pièces demandées, elle constitue une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours. Cependant, si elle n'est pas justifiée ou illicite, l'annulation d'une décision de demande de pièces complémentaires prise en application de  ne fait pas disparaître la décision tacite d'opposition (Conseil d'État, 08/04/2015, 365804).
  • En outre, si l'illégalité d'une demande de l'administration au pétitionnaire tendant à la production d'une pièce complémentaire qui ne peut être requise est de nature à entacher d'illégalité la décision tacite d'opposition, elle ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d'une décision implicite de non-opposition (Conseil d'État, 09/12/2015, 390273).

En d'autres termes, la demande de pièces complémentaires, même illégale ou injustifiée, produisait tous ses effets et retardait d'autant l'intervention d'une décision de non-opposition.

Par une décision remarquée, le Conseil d'Etat a abrogé cette jurisprudence (voir en ce sens l'analyse publié par la documentation du Conseil d'Etat) et fixé un nouveau cadre.

Désormais, le délai d'instruction n'est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier de demande par une pièce qui n'est pas exigée par la réglementation. En outre, une décision de non-opposition tacite nait à l'expiration du délai d'instruction, sans qu'une telle demande de pièce complémentaire illégale ne puisse y faire obstacle :

"5. Il résulte de ces dispositions qu'à l'expiration du délai d'instruction tel qu'il résulte de l'application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de l'urbanisme relatives à l'instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir, naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. En application de ces dispositions, le délai d'instruction n'est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction, sans qu'une telle demande puisse y faire obstacle." (Conseil d'État, 9 décembre 2022, n°454521).

Ce nouveau régime n'est pas dénué d'intérêt pratique, comme le décrit très justement le rapport public dans cette affaire :

"En pratique, on pourra ainsi imaginer que l’intéressé conteste au contentieux la demande de pièce, en assortissant son recours d’une demande de suspension, de manière à provoquer une clarification rapide sur le régime applicable à sa demande. Qu’il le fasse ou non, il pourra également, une fois le délai d’instruction expiré et s’il estime que la pièce demandée était hors liste, faire valoir le permis tacite ou la non-opposition implicite dont il se considère titulaire en demandant à l’administration de lui en délivrer certificat en application de l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme, et contester un éventuel refus. Enfin, dans le cas où serait  finalement prise une décision expresse de refus ou d’opposition, il pourra en demander l’annulation au motif qu’elle constitue en réalité le retrait de la décision implicite favorable – et l’obtiendra si le retrait n’était pas légalement possible." (Conseil d'État, 9 décembre 2022, n°454521, Conclusions de M. RANQUET).

Le cabinet est à votre écoute :

  • Pour vous aider à prévenir, mesurer et éviter les risques induits dans le cadre de votre projet ;
  • Pour vous accompagner dans le traitement des difficultés ou litiges liés aux demande de pièces complémentaires ;
  • Plus globalement, sécuriser juridiquement votre projet en identifiant, évaluant et prévenant les risques juridiques et indemnitaires.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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