L'implantation irrégulière d'ouvrages publics sur les propriétés de personnes privées ou de personnes publiques n'est pas sans poser difficulté. Le Conseil d'Etat avait déjà procédé à une explication du régime contentieux en 2019 (Conseil d'État, 29 novembre 2019, n°410689).

L'office du juge est désormais précisé (Conseil d'État, 27 septembre 2023, n°466321). En première approche, il doit rechercher si une régularisation est possible. A défaut de régularisation possible, il doit vérifier que la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général, en tenant compte de l'écoulement du temps et des inconvénients de cette mauvaise implantation de l'ouvrage pour le propriétaire lésé, ainsi que des conséquences de la démolition pour l'intérêt général.

"Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, en tenant compte de l'écoulement du temps, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général" (Conseil d'État, 27 septembre 2023, n°466321).

Dans cette affaire, ENEDIS (distributeur d'électricité) avait irrégulièrement implanté une ligne électrique sur la propriété des requérants. Le juge va cependant refuser la démolition au motif que les inconvénients pour le propriétaire privé lésé sont limités, celui-ci se plaignant uniquement d'une gêne visuelle. Le juge tient également compte du temps qui s'est écoulé, le propriété privé lésé n'ayant demandé la suppression de l'ouvrage qu'en 2017 en dépit de leur ancienneté. De même, il écarte la gêne invoquée par le propriétaire qui s'est vu refusé l'autorisation d'urbanisme pour l'implantation d'une piscine en raison du risque induit par la présence de cette ligne électrique au motif que la demande d'autorisation était postérieure à la demande de suppression. Enfin, le juge va également refuser toute indemnisation car le requérant se borne à invoquer l'atteinte portée à la jouissance de leur propriété, sans pour autant établir la réalité d'un préjudice.

Autre précision importante, aucun délai de prescription n'est applicable à cette action en cas d'empiètement sur une propriété privée :

"Compte tenu des spécificités, rappelées au point précédent, de l'action en démolition d'un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, ni l'article 2227 du code civil ni aucune autre disposition ni aucun principe prévoyant un délai de prescription ne sont applicables à une telle action" (Conseil d'État, 27 septembre 2023, n°466321).

Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner pour résoudre les difficultés liées à la mauvaise implantation d'une ouvrage public.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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