Lorsqu’une cession de parts sociales est conclue entre des parties, il peut arriver que le prix de cession soit ajusté en fonction de la variation des capitaux propres des sociétés cédées. Mais comment déterminer cette variation ? Quelle méthode comptable appliquer ? Et que se passe-t-il en cas de désaccord entre les parties sur la valeur des droits sociaux ?

Ces questions ont été tranchées par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 janvier 2024 (Com. 17 janvier 2024, n°22-15897), qui a privilégié le respect de la commune intention des parties et le principe de permanence des méthodes comptables.

Les faits et la procédure

Dans cette affaire, des personnes physiques avaient cédé à deux sociétés la totalité des parts qu’elles détenaient dans trois sociétés. L’acte de cession comportait un prix de base et un ajustement de prix calculé après l’arrêté des comptes au 30 avril 2016, égal au montant de la variation des capitaux propres de chacune des sociétés cédées. Cet acte prévoyait également qu’en cas de désaccord sur le prix, un expert serait désigné, à défaut d’accord, par le président du tribunal de commerce, conformément à l’article 1843-4 du Code civil.

Les cédants ont notifié une demande de complément de prix aux cessionnaires, qui ont contesté le calcul de l’expert. Les cédants ont alors saisi le tribunal de commerce, qui a condamné les cessionnaires à payer le complément de prix. Les cessionnaires ont fait appel, puis se sont pourvus en cassation.

La solution de la Cour de cassation

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi des cessionnaires et confirmé la décision de la cour d’appel. Elle a rappelé que l’expert désigné en application de l’article 1843-4 du Code civil devait respecter les règles et modalités de détermination de la valeur des droits sociaux prévues par la convention liant les parties, et que le juge devait interpréter, s’il y a lieu, la commune intention des parties à la convention.

Elle a précisé que l’expert pouvait, afin de ne pas retarder le cours de ses opérations, retenir différentes évaluations correspondant aux interprétations de la convention respectivement revendiquées par les parties, à charge pour le juge, après avoir procédé à la recherche nécessaire de la commune intention des parties, d’appliquer l’évaluation correspondante, laquelle s’impose alors à lui.

En l’espèce, la Cour de cassation a constaté que la commune intention des parties à la convention de cession avait été de ne pas modifier les principes appliqués de façon permanente lors de la comptabilisation des produits constatés d’avance par les sociétés cédées pour calculer la variation du prix de cession. Elle a donc approuvé la cour d’appel d’avoir condamné les cessionnaires à payer aux cédants le complément de prix fixé par l’expert en application de la méthode comptable correspondante.

Que faut-il retenir ?

  • L’article 1843-4 du Code civil permet de désigner un expert pour déterminer la valeur des droits sociaux en cas de désaccord entre les parties à une cession de parts sociales.
  • L’expert doit appliquer les règles et modalités de détermination de la valeur des droits sociaux prévues par la convention liant les parties, et le juge doit interpréter, s’il y a lieu, la commune intention des parties à la convention.
  • L’expert peut retenir différentes évaluations correspondant aux interprétations de la convention respectivement revendiquées par les parties, à charge pour le juge, après avoir procédé à la recherche nécessaire de la commune intention des parties, d’appliquer l’évaluation correspondante, laquelle s’impose alors à lui.
  • La Cour de cassation privilégie le respect de la commune intention des parties et le principe de permanence des méthodes comptables, même si cela implique de ne pas tenir compte de la réglementation en vigueur.

Guillaume Lasmoles

Avocat en droit des affaires 

www.lasmoles-avocat.com