La promesse unilatérale de vente est un contrat par lequel une personne, appelée promettant, s’engage à vendre un bien à une autre personne, appelée bénéficiaire, qui dispose d’un délai pour accepter ou refuser l’offre. Ce contrat est très utilisé dans les opérations de cession de titres sociaux, c’est-à-dire de parts ou d’actions d’une société.

Pendant longtemps, la jurisprudence a considéré que le promettant pouvait se rétracter avant que le bénéficiaire n’ait levé l’option, c’est-à-dire exercé son droit d’achat. Dans ce cas, le bénéficiaire ne pouvait obtenir que des dommages et intérêts pour réparer le préjudice causé par la rupture du contrat.

Cette solution a été remise en cause par la réforme du droit des contrats de 2016, qui a introduit l’article 1124 du code civil. Selon ce texte, la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis. Autrement dit, le promettant ne peut plus se rétracter une fois qu’il a consenti à la promesse, sauf stipulation contraire.

Cette réforme a entraîné un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation, qui a décidé d’appliquer le principe de l’inefficacité de la rétractation du promettant, non seulement aux contrats conclus après l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2016, mais aussi aux contrats antérieurs.

L’arrêt commenté, rendu par la chambre commerciale le 15 mars 2023 (Com. 15 mars 2023, n°21-20.399), illustre ce revirement et ses conséquences pour les parties à une promesse unilatérale de cession de titres sociaux.

Faits et solution

Le litige portait sur un protocole d’accord signé en 2012 entre deux sociétés, prévoyant la cession progressive d’une filiale de l’une à l’autre en trois étapes. La deuxième étape consistait en une promesse unilatérale de cession de 13 % des actions de la filiale, que la société bénéficiaire devait lever dans les six mois suivant l’approbation des comptes de l’exercice 2015. La troisième étape était une promesse synallagmatique de cession du solde des actions, sous condition suspensive de la réalisation des deux étapes précédentes.

La société promettante a rétracté sa promesse unilatérale le 8 mars 2016, avant l’ouverture du délai d’option. La société bénéficiaire a néanmoins levé l’option le 28 juin 2016, au lendemain de l’assemblée générale ayant approuvé les comptes 2015. Elle a ensuite assigné la société promettante en exécution forcée de la promesse et en paiement de dommages et intérêts.

La cour d’appel a rejeté ses demandes, en se fondant sur la jurisprudence antérieure à la réforme de 2016, selon laquelle la levée de l’option postérieure à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés de vendre et d’acquérir. Elle en a déduit que la promesse synallagmatique de la troisième étape était également nulle, faute de réalisation de la condition suspensive.

La Cour de cassation a cassé cet arrêt, en appliquant le principe de l’inefficacité de la rétractation du promettant, issu de l’article 1124 du code civil. Elle a estimé que la promesse unilatérale de vente était un contrat préalable au contrat définitif, qui contenait, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviraient à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire. Elle a ajouté que le promettant s’obligeait définitivement à vendre dès la promesse et ne pouvait pas se rétracter, même avant l’ouverture du délai d’option, sauf stipulation contraire.

Elle a rejeté les arguments de la société promettante, qui invoquait une atteinte à la sécurité juridique, au droit à un procès équitable et au droit au respect des biens, garantis par la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a considéré que la société promettante ne disposait pas d’un droit acquis à une jurisprudence constante, ni d’une espérance légitime de ne pas être condamnée à l’exécution forcée du contrat. Elle a souligné que le revirement n’était pas imprévisible, compte tenu de l’évolution du droit des obligations et de la réforme de 2016. Elle a estimé que les conséquences du revirement n’étaient pas disproportionnées, dès lors que la société promettante aurait dû, en tout état de cause, payer des dommages et intérêts pour sa faute.

Conclusion

L’arrêt commenté confirme le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation sur l’efficacité des promesses unilatérales de vente, en l’étendant aux contrats conclus avant la réforme de 2016.

L’arrêt apporte également des précisions sur les conditions et les limites de ce revirement, en admettant la possibilité d’une clause contraire autorisant la rétractation du promettant, et en écartant les griefs tirés des droits fondamentaux du promettant.

L’arrêt illustre enfin l’importance pratique de ce revirement pour les opérations de cession de titres sociaux, qui reposent souvent sur des promesses unilatérales. Il renforce la sécurité juridique des parties, en garantissant la réalisation forcée de la vente en cas de rétractation illicite du promettant, mais il crée aussi un risque de rigidité, en limitant la faculté de renonciation du promettant, sauf stipulation contraire.

Guillaume Lasmoles

Avocat en droit des affaires 

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