Dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, l'employeur a le choix entre différentes sanctions (avertissement, mise à pied, rétrogradation, licenciement). Toutes sont susceptibles d'être contestées par le salarié devant le Conseil de prud'hommes qui, en fonction des éléments produits par chacune des parties mais aussi de l'ancienneté du salarié, de son statut au sein de l'entreprise..., confirmera ou annulera ladite sanction.

Il est des cas où l'employeur souhaite infliger à un salarié une sanction disciplinaire ayant pour conséquence une modification du contrat de travail (exemple de la rétrogradation qui engendre soit une déclassification et modifie donc la nature du poste occupé, soit une diminution de salaire) ; ici, il faudra que l'employeur obtienne l'accord de l'intéressé. Si le salarié refuse, l'employeur peut alors prononcer une autre sanction, en lieu et place de la sanction refusée, et en se fondant sur les mêmes faits que ceux à l'origine de la mesure de rétrogradation refusée. Mais s'il s'agit d'un licenciement, il appartiendra à l'employeur de respecter la procédure de licenciement pour motif personnel (ou faute grave), c'est-à-dire notifier une nouvelle convocation au salarié à un entretien préalable, recueillir ses explications à l'occasion de cet entretien, puis prendre la décision adéquate (arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 11 février 2009, n° 06-45897).

Mais qu'en est-il si l'employeur met directement en œuvre la rétrogradation sans obtenir préalablement l'autorisation de son salarié, et décide face au refus du salarié de procéder à son licenciement pour les mêmes faits ? Dans cette hypothèse, la chambre sociale de la cour de cassation vient de juger que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

En effet, dans cet arrêt important, il a été précisé que :

- une modification du contrat de travail, y compris à titre disciplinaire, ne peut être imposée au salarié

- en appliquant immédiatement la rétrogradation, l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait pas licencier le salarié pour le même fait, puisqu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

Cass. Soc. 17 juin 2009 pourvoi n° 07-44570

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Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du mercredi 17 juin 2009

N° de pourvoi: 07-44570

Publié au bulletin Rejet

Mme Collomp (président), président

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 septembre 2007) que M. X..., salarié de la société Darty Ouest qui l'employait en qualité de chef des ventes, a fait l'objet le 14 février 2006 d'une mesure de rétrogradation au poste de vendeur-expert, applicable à réception de la notification de cette sanction ; qu'il a contesté cette mesure par lettre du 20 février 2006 avant de saisir le 28 mars 2006 le conseil de prud'hommes pour en obtenir l'annulation ; que par lettre du 11 avril 2006, il a été licencié pour faute grave ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Darty Ouest fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée à payer au salarié diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une modification du contrat de travail, prononcée à titre de sanction disciplinaire, ne pouvant être imposée à un salarié, l'employeur reste en droit, en cas de refus du salarié de la sanction emportant modification de son contrat de travail, de prononcer dans le cadre de son pouvoir disciplinaire une autre sanction, aux lieu et place de la sanction refusée ; qu'il appartient alors aux juges d'examiner le bien-fondé de cette sanction, qui se substitue à celle initialement prononcée par l'employeur ; qu'en l'espèce, la société Darty Ouest, prenant acte de ce que M. X... n'avait pas accepté la rétrogradation disciplinaire qu'elle lui avait notifiée, a retiré cette sanction et prononcé, en ses lieu et place, un licenciement disciplinaire ; qu'en jugeant que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse au seul motif qu'il se "substituait" à la rétrogradation disciplinaire précédemment prononcée, la cour d'appel a violé par fausse application le principe non bis in idem, ensemble les articles L. 122-14-3, L. 122-40, L. 122-41 et L. 122-44 du code du travail ;

2°/ que l'annulation d'un acte emporte son anéantissement, non seulement pour le futur, mais aussi pour le passé ; qu'une fois annulé, l'acte nul est censé n'avoir jamais existé ; de sorte qu'en énonçant que le licenciement prononcé par la société Darty Ouest sanctionnait des faits déjà sanctionnés alors qu'elle annulait dans le même temps la rétrogradation disciplinaire qui constituait la première sanction de ces faits, la cour d'appel a violé, par fausse application, le principe non bis in idem, ensemble les articles L. 122-14-3 et L. 122-43 du code du travail et 1184 du code civil ;

3°/ qu'en vertu de l'article L. 122-44 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que la convocation du salarié à un entretien préalable marque l'engagement de poursuites disciplinaires ; que lorsque le salarié refuse une mesure de rétrogradation disciplinaire notifiée après un premier entretien préalable, l'employeur qui envisage de prononcer un licenciement au lieu de la sanction refusée doit convoquer l'intéressé à un nouvel entretien ; que, dans ce cas, le délai de deux mois pour engager des poursuites disciplinaires a été interrompu par le premier entretien préalable ; qu'en l'espèce, la société Darty Ouest, a convoqué M. X... à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire par lettre du 31 janvier 2006 et, constatant qu'il n'acceptait pas la rétrogradation disciplinaire prononcée, l'a convoqué à un nouvel entretien préalable en vue d'un licenciement par lettre du 27 mars 2006 ; de sorte qu'en jugeant que les faits reprochés à M. X... auraient été prescrits au motif erroné qu'il s'était écoulé plus de deux mois entre le jour où la société Darty Ouest a découvert ces faits et la convocation à l'entretien préalable au licenciement, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 122-44 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'une modification du contrat de travail, y compris à titre disciplinaire, ne peut être imposée au salarié ; que la cour d'appel a constaté que la rétrogradation avait été mise en oeuvre sans l'accord du salarié ;

Attendu, ensuite, qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction ; que l'employeur qui avait épuisé son pouvoir disciplinaire en appliquant immédiatement la rétrogradation, ne pouvait prononcer ultérieurement un licenciement pour le même fait ;

D'où il suit qu'abstraction faite de motifs erronés mais surabondants relatifs à une prétendue nullité de la rétrogradation, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Darty Ouest aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Darty Ouest à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille neuf.