Un salarié, analyste financier, bénéficiait, comme ses collègues de travail, d' une prime variable, qualifiée par l' employeur, de "prime exceptionnelle", "prime de résultats" ou "bonus", et fixée discrétionnairement par celui-ci.

Mais à la différence de ses collègues, ce salarié vit sa prime diminuer progressivement d' année en année avant qu' elle soit finalement supprimée par l' employeur.

Ayant été licencié, il saisit un conseil de prud' hommes en soutenant avoir été victime d' une discrimination.

La cour d' appel a rejeté sa demande de paiement d' arriérés de primes au motif, d' une part, qu' en raison du caractère discrétionnaire de cette gratification, il était vain de chercher à appliquer le principe "à travail égal, salaire égal " et, d' autre part, que le salarié ne rapportait pas la preuve d' avoir été victime d' une discrimination salariale.

Cette décision est cassée sur avis conforme de l' avocat général, par un arrêt du 30 avril 2009 (n° W 07 40527) de la chambre sociale de la Cour de cassation qui, après avoir rappelé qu' il appartenait à l' employeur d' établir que la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail était justifiée par des éléments objectifs et pertinents, a considéré que l ' employeur ne pouvait opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à cette obligation.

Par cet arrêt, la chambre sociale décide sans ambiguïté que le seul fait qu ' une prime soit laissée à la libre appréciation de l' employeur, n' est pas de nature, en soi, à justifier, au regard du principe " à travail égal, salaire égal " , une différence de rémunération.

Cette décision est importante et a mérité de la part de la Cour de cassation un communiqué dans les termes ci-dessus rappelés. Cet arrêt insiste une nouvelle fois sur le fait que seule une différence objective dans la situation de salariés placés dans une situation identique permet une rémunération distincte. Mais cette fois-ci, la Cour de cassation précise qu'il doit s'agir d'une différence objective et pertinente.

Jean-Philippe SCHMITT

Avocat à DIJON (21)

Spécialiste en droit du travail

03.80.48.65.00

Soc. 30 avril 2009, pourvoi 07-40.527

---------------------------------------------------------------------------------

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. P... X...,

contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2006 par la cour d'appel de Paris (21e chambre, section C), dans le litige l'opposant à la société Nobel,

défenderesse à la cassation ;

La société Nobel a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 1er octobre 1993 en qualité d'analyste financier, par la société Nobel, M. X... a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée du 16 avril 2002 ; qu'estimant être moins bien rémunéré que plusieurs salariés travaillant dans la même société, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement de rappels de salaire et de prime, de congés payés afférents, de complément d'indemnités de préavis et de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Nobel :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le pourvoi principal de M. X... :

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'un rappel de salaire fondée sur la disparité de rémunération existant entre lui et plusieurs de ses collègues de travail, outre les congés payés afférents et l'incidence sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés, alors, selon le moyen :

1/ que les augmentations individuelles doivent correspondre à des critères objectifs et vérifiables ; que M. X... avait rappelé que sa rémunération globale en 1999 (1 100 000 F), comparable à celle de MM. Y... et Z... (1 220 000 F et 1 190 000 F), avait ensuite été réduite (950 000 F en 2000 et 600 000 F en 2001) tandis que celle de MM. Y... et Z... augmentait (respectivement 1 520 000 F et 1 530 000 F en 2000, 1 630 000 F et 1 530 000 F 2001), et avait soutenu que rien ne justifiait "le blocage de salaire au cours de la période considérée de 1999 à 2002" ; que la cour d'appel n'a ni recherché ni caractérisé quel élément objectif justifiait, sur cette période, cette différence d'évolution, la participation de MM. Z... et Y... au comité Nobel n'étant pas susceptible de l'expliquer objectivement puisqu'elle était déjà effective "depuis plusieurs années ainsi que cela ressort de compte-rendus de réunions pour les années 1999, 2000 et 2001" (manque de base légale au regard des articles L. 140-1 et L. 122-45 du code du travail et du principe "à travail égal, salaire égal") ;

2/ que lorsque le salarié qui se prétend victime d'une discrimination soumet au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement, il incombe à l'employeur de justifier la différence de traitement par des éléments objectifs ; qu'après avoir constaté, par motifs adoptés, que M. X... comparait sa situation avec celle de M. A..., "également analyste financier", ayant "une ancienneté moindre", et dont la "situation a évolué rapidement alors que celle de M. X... a stagné au cours des années 2001 et 2002", les juges du fond ne pouvait émaner (?) que "le principe "à travail égal, salaire égal" n'exige pas une égalité stricte qui priverait l'employeur de toute marge d'appréciation individuelle", sans examiner si la société Nobel justifiait cette différence de situation par des éléments objectifs (violation des articles L. 140-1 et L. 122-45 du code du travail et du principe "à travail égal, salaire égal" ;

Mais attendu qu'appréciant les éléments objectifs de nature à justifier la différence de rémunération, s'agissant du montant du salaire brut annuel des salariés avec lesquels M. X... se comparait, la cour d'appel a retenu que les responsabilités de MM. Z... et Y..., étaient plus importantes que celles exercées par M. X..., et que, s'agissant de la situation de M. A..., aucun élément précis n'avait été produit ; qu'elle a pu en déduire que le principe "à travail égal, salaire égal" n'était pas méconnu ;

Mais sur le second moyen :

Vu le principe "à travail égal, salaire égal" ;

Attendu qu'il appartient à l'employeur d'établir que la différence de rémunération constatée entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, est justifiée par des éléments objectifs et pertinents que le juge contrôle ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre de la prime annuelle variable et de ses incidences sur les congés payés et l'indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que le caractère discrétionnaire de la prime ou bonus étant effectif, il est vain de chercher à appliquer le principe "à travail égal, salaire égal" ; que M. X... ne présente aucun élément de fait laissant supposer une discrimination salariale à son endroit eu égard aux situations différentes des salariés concernés, en particulier MM. Z... et Y... et qu'il n'allègue ni ne démontre que l'employeur ait assorti son versement de conditions précises et vérifiables, notamment quant à des résultats de la société Nobel ou de l'intéressé, en l'absence de dispositions contractuelles ou de preuve de l'existence d'un engagement unilatéral ou d'un usage en ce sens ; qu'il s'ensuit que la prime litigieuse avait le caractère d'une gratification laissée en conséquence à la libre appréciation de l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier de façon objective et pertinente, une différence de rémunération, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de prime, de complément d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 12 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Nobel aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;