Par un arrêt du 9 octobre 2025 (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 9 octobre 2025, n° 24-12.637, Publié au bulletin), la Cour de cassation opère un nouveau revirement de jurisprudence en matière d’expropriation en clarifiant la possibilité pour le Juge de l’expropriation de statuer au-delà de l’offre de l’expropriant, jusqu’au montant proposé par le Commissaire du gouvernement, alors même que l’exproprié s’est abstenu de notifier une réponse et un montant chiffré.

L’article R. 311-22 du code de l’expropriation fixe les pouvoirs du Juge de l’expropriation en fonction des prétentions de chaque partie à l’instance : « le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant. Si le défendeur n'a pas notifié son mémoire en réponse au demandeur dans le délai de six semaines prévu à l'article R. 311-11, il est réputé s'en tenir à ses offres, s'il s'agit de l'expropriant, et à sa réponse aux offres, s'il s'agit de l'exproprié. Si l'exproprié s'est abstenu de répondre aux offres de l'administration et de produire un mémoire en réponse, le juge fixe l'indemnité d'après les éléments dont il dispose. »

La Cour de cassation interprète désormais cet article à rebours de la pratique répandue par la plupart des juridictions d’expropriation qui considéraient qu’en l’absence de toute réponse de l’exproprié dans la procédure de fixation judiciaire, le Juge de l’expropriation était tenu d’entériner l’offre de l’expropriant sans pouvoir prendre en compte l’évaluation du Commissaire du gouvernement lorsqu’elle était supérieure, ne pouvant ainsi statuer ultra petita.

Dans cet arrêt du 9 octobre 2025, la Cour de cassation rappelle tout d’abord que le Commissaire du gouvernement est véritablement une « partie à la procédure » et que l’objet du litige doit donc être déterminé par les prétentions respectives des parties conformément à l’article 4 du code de procédure civile.

La 3ème chambre civile propose ensuite un véritable modus operandi au Juge de l’Expropriation en distinguant deux hypothèses en fonction de « la participation, active ou non, de l'exproprié à la procédure le concernant » :

  • « lorsque l'exproprié forme une demande, qu'il s'agisse de sa réponse à l'offre de l'expropriant pendant la phase de fixation amiable des indemnités de dépossession, ou du mémoire produit pendant la phase judiciaire, le juge ne peut statuer au-delà du quantum de celle-ci, y compris lorsque la proposition du commissaire du gouvernement lui est supérieure ;
  • en revanche, en l'absence de réponse de l'exproprié aux offres de l'expropriant et de demande formée par mémoire remis dans le délai qui lui est imparti, le juge est tenu de fixer l'indemnité en fonction des éléments dont il dispose, au titre desquels figure la proposition du commissaire du gouvernement, celle-ci serait-elle supérieure à l'offre de l'expropriant. »

En conséquence, la Cour de cassation autorise désormais le Juge de l’expropriation à fixer l’indemnité d’expropriation à un montant supérieur de l'offre de l'expropriant, dès lors qu'elle n'excède pas la proposition du commissaire du gouvernement, alors même que l'exproprié n'a jamais répondu aux offres de l'expropriant ni notifié de mémoire.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 9 octobre 2025, n° 24-12.637, Publié au bulletin