La loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 du 23 mars 2020 habilite le Gouvernement à prendre dans un délai de trois mois à compter de sa publication, toute mesure relevant du domaine de la loi pouvant entrer en vigueur à compter du 12 mars 2020, afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation du covid-19 et des mesures pour limiter cette propagation.

L’ordonnance n°2020-306 suspend tout azimut les délais de recours, d’instruction et de procédures juridictionnelles ou administratives échus pendant la période d'état d’urgence sanitaire.

 

DUREE DE LA SUSPENSION DES DELAIS 

L’article 1er fixe la limite temporelle de cette suspension, cela concerne « les délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 22 mars 2020 ».

Par dérogation, ces dispositions ne sont pas applicables à certaines matières qui font l’objet de mesures particulières par des ordonnances signées également le même jour : les délais applicables en matière pénale, procédure pénale, ainsi qu'en matière d'élections régies par le code électoral, ceux encadrant les mesures privatives de liberté, les délais concernant les procédures d'inscription à une voie d'accès de la fonction publique ou à une formation dans un établissement d'enseignement, les obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier ainsi que les conventions conclues dans le cadre d'un système de paiement et systèmes de règlement et de livraison d'instruments financiers mentionné à l'article L. 330-1 du même code, ainsi que les délais et mesures aménagés en application de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie.

 

PROROGATION DES DELAIS D’ACTION EN JUSTICE, DE RECOURS ET DE PROCEDURE 

L'article 2 explicite le mécanisme de prorogation du délai.

Pour « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque » qui devaient être réalisés dans la période mentionnée à l'article 1er, les délais sont prorogés à compter de la fin de cette période, pour la durée qui était légalement impartie, mais dans la limite de deux mois.

Il en est de même pour les paiements prescrits par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit. Cependant, semblent exclus les actes prévus par des stipulations contractuelles qui continuent à être régis par le droit commun.

Par conséquent, si un délai de procédure expire dans une période comprise entre le 12 mars 2020 et un terme fixé jusqu’à un mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence, ce délai est prorogé à compter du délai d’un mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, pour la même durée légale, sans excéder une limite de deux mois.

L'article 3 fixe la liste des mesures judiciaires et administratives dont l'effet est prorogé de plein droit pour une durée de deux mois à compter de l'expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire, dès lors que leur échéance est intervenue dans cette période, sauf si elles sont levées ou leur terme modifié par l'autorité compétente entre temps :

« 1° Mesures conservatoires, d'enquête, d'instruction, de conciliation ou de médiation ;

2° Mesures d'interdiction ou de suspension qui n'ont pas été prononcées à titre de sanction ;

3° Autorisations, permis et agréments ;

4° Mesures d'aide, d'accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ;

5° Les mesures d'aide à la gestion du budget familial. »

L'article 4 fixe le sort des astreintes et des clauses contractuelles visant à sanctionner l'inexécution du débiteur.

L'article 5 prévoit la prolongation de deux mois après la fin de la période d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire des délais pour résilier ou dénoncer une convention lorsque sa résiliation ou l'opposition à son renouvellement devait avoir lieu dans une période ou un délai qui expire durant la période définie au I de l'article 1er.

 

SUSPENSION DES DELAIS D’INSTRUCTION ET DE PROCEDURE EN MATIERE ADMINISTRATIVE

Les articles 6 et 7 précisent les dispositions particulières aux délais et procédures en matière administrative

Sont concernés les « administrations de l'Etat, collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs, des organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale. »

Le principe est que les délais de l'action administrative sont suspendus.

Les « délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus » jusqu'à un mois suivant la fin de la période d’urgence sanitaire.

« Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci. »

« Les mêmes règles s'appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction d'une demande ainsi qu'aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public. »

Il convient d’observer que ce délai fait l’objet d’une suspension, contrairement aux délais de procédures indiqués à l’article 2 qui font l’objet d’une prorogation.

Par conséquent, si un délai d’instruction expirait dans une période comprise entre le 12 mars 2020 et un terme fixé jusqu’à un mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, ce délai est suspendu jusqu’à un mois suivant la date de la cession de l’état d’urgence sanitaire.

Si le point de départ d’un délai d’instruction doit commencer à courir durant cette période, le premier jour du délai d’instruction est reporté à un mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

L'article 8 suspend les délais imposés par l'administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature  sont, à compter du 12 mars 2020 jusqu'à la fin du mois suivant la période d'état d'urgence sanitaire, sauf lorsqu'ils résultent d'une décision de justice. Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant cette même période est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci.

L'article 9 pose deux dérogations au principe de suspension de ces délais, un décret pourra fixer les catégories d'actes, de procédures et d'obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l'environnement et de protection de l'enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend. Pour les mêmes motifs, un décret peut, pour un acte, une procédure ou une obligation déterminés, fixer une date de reprise des délais à condition d'en informer les personnes concernées.

 

SUSPENSION DES DELAIS DE PROCEDURE EN MATIERE FISCALE

L'article 10 est spécifique au domaine fiscal. En matière de contrôle fiscal, le 1° du I suspend les délais de prescription du droit de reprise qui arrivent à terme le 31 décembre 2020 pour une durée égale à celle de la période comprise entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la fin de l'état d'urgence sanitaire. Le 2° du I suspend en outre, pendant la même période, tant pour le contribuable que pour les services de l'administration fiscale, l'ensemble des délais prévus dans le cadre de la conduite des procédures de contrôle et de recherche en matière fiscale, sans qu'une décision en ce sens de l'autorité administrative ne soit nécessaire. La suspension des délais concerne également ceux applicables en matière de rescrit.

SUSPENSION DES DELAIS DE PROCEDURE EN MATIERE DE RECOUVREMENT ET CONTESTATION DES CREANCES PUBLIQUES

L'article 11 dispose que les délais applicables en matière de recouvrement et de contestation des créances publiques prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité ou déchéance d'un droit ou d'une action sont suspendus pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire augmentée de trois mois. Ces dispositions concernent l'ensemble des créances dont le recouvrement incombe aux comptables publics.

 

ADAPTATION DES DELAIS EN MATIERE D’ENQUETE PUBLIQUE

L'article 12 « s'applique à toute enquête publique déjà en cours à la date du 12 mars 2020 ou devant être organisée » jusqu’à un mois suivant la cessation de la période d’urgence sanitaire.

« Lorsque le retard résultant de l'interruption de l'enquête publique ou de l'impossibilité de l'accomplir en raison de l'état d'urgence sanitaire est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent, l'autorité compétente pour organiser l'enquête publique peut en adapter les modalités :

1° En prévoyant que l'enquête publique en cours se poursuit en recourant uniquement à des moyens électroniques dématérialisés. La durée totale de l'enquête peut être adaptée pour tenir compte, le cas échéant, de l'interruption due à l'état d'urgence sanitaire. Les observations recueillies précédemment sont dûment prises en compte par le commissaire enquêteur ;

2° En organisant une enquête publique d'emblée conduite uniquement par des moyens électroniques dématérialisés.

Lorsque la durée de l'enquête excède la période définie au I de l'article 1er de la présente ordonnance, l'autorité compétente dispose de la faculté de revenir, une fois achevée cette période et pour la durée de l'enquête restant à courir, aux modalités d'organisation de droit commun énoncées par les dispositions qui régissent la catégorie d'enquêtes dont elle relève.

Dans tous les cas, le public est informé par tout moyen compatible avec l'état d'urgence sanitaire de la décision prise en application du présent article. »

Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période