L’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable depuis la loi « ALUR » du 24 mars 2014, impose au titulaire du droit de préemption dont la décision de préemption a été annulée ou déclarée illégale, de proposer l’acquisition du bien en priorité à l’ancien propriétaire et, à défaut d’acceptation de sa part dans un délai de trois mois, « à la personne qui avait l’intention d’acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration » d’intention d’aliéner.

Par un arrêt en date du 28 septembre 2020, le Conseil d’Etat juge désormais que l’acquéreur évincé pourtant non mentionné dans une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) est recevable à saisir le juge administratif afin que ce dernier enjoigne la collectivité de lui proposer l’acquisition du bien, après l’annulation de la décision de préemption.

Le Conseil d’Etat se défend de toute interprétation contra legem puisqu’il indique que les dispositions précitées se bornent à définir « ainsi les mesures qu'il incombe à la collectivité titulaire du droit de préemption de prendre de sa propre initiative à la suite de la décision du juge administratif ».

La Haute Juridiction ajoute qu’elles « n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que le juge, saisi de conclusions en ce sens par l'acquéreur évincé, alors même que son nom ne figurait pas sur ce document, enjoigne à cette collectivité de lui proposer l'acquisition du bien. »

Le Conseil d’Etat ouvre ainsi la possibilité à tout acquéreur évincé, dont le nom ne serait pas inscrit dans la DIA de saisir le juge administratif sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative afin qu’il enjoigne à la collectivité, à la suite de l'annulation de la décision de préempter et de la renonciation de l'ancien propriétaire, de proposer à l’acquéreur évincé d'en faire l'acquisition.

Compte tenu de cet arrêt, les titulaires du droit de préemption sont invités à proposer l’acquisition du bien préempté à l’acquéreur évincé en cas d’annulation de la décision, alors même que celui-ci ne serait pas mentionné dans la DIA afin de ne pas être confrontés à des acquéreurs évincés qui pourraient saisir le juge administratif tardivement.

Il sera également intéressant d’observer les conséquences de cette décision sur le régime de rétrocession du bien préempté à l’issue du délai de cinq ans tel que défini à l’article L. 213-11 du code de l’urbanisme. En effet, le mécanisme est identique et contraint le titulaire du droit de préemption à proposer l’acquisition du bien d’abord à l’ancien propriétaire puis à l’acquéreur évincé étant précisé que là encore le « titulaire du droit de préemption n'est tenu de respecter cette procédure que lorsque le nom de l'acquéreur était inscrit dans la déclaration » d’intention d’aliéner. Dans ces conditions, la purge du droit de rétrocession auprès de l’acquéreur évincé, pourtant non mentionné dans la DIA, pourrait être également envisagée.

Conseil d’Etat, 28 septembre 2020, n°432063, mentionné aux tables du recueil Lebon