Par une décision sur deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) en date du 11 juin 2021, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution l’article L. 322-2 du code de l’expropriation et plus précisément les termes « s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée ».

La disposition en cause prévoit en effet l’obligation pour le juge de l’expropriation de fixer le montant de l’indemnité d’expropriation au regard de la valeur des biens expropriés à la date de la décision de première instance. Par ailleurs, il doit prendre en considération l'usage effectif du bien exproprié à une date de référence antérieure à cette date. Le dernier alinéa de l’article L. 322-2 exclut également la prise en compte par le juge de l'expropriation des changements de valeur subis par le bien depuis la date de référence, lorsqu'ils résultent de certaines circonstances.

Ces circonstances sont celles qui étaient contestées devant le Conseil constitutionnel. Elles interdisent au juge de tenir compte des changements de valeur du bien exproprié lorsqu'ils sont provoqués par l'annonce des travaux ou des opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée par l'expropriant. La hausse de la valeur vénale du bien exproprié résultant d'une telle circonstance n'a pas vocation à être prise en compte dans le calcul de l'indemnité due à l'exproprié, alors même que l'expropriant entend céder le bien à un prix déjà déterminé et incluant cette hausse.

C’était la question soumise par la Cour de cassation qui interrogeait le Conseil sur la conformité de ces dispositions avec l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 « en tant qu'elles ne distinguent pas selon que le bien exproprié a vocation à demeurer dans le patrimoine de l'autorité publique expropriante, ou qu'il est déjà avéré que ce bien exproprié sera revendu par l'expropriant au prix du marché, dans des conditions déjà connues lui permettant de réaliser une plus-value substantielle certaine au détriment des expropriés ? »

Le Conseil constitutionnel rappelle tout d’abord que « l'expropriation d'un bien ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée, sous le contrôle du juge administratif ».

Par ailleurs, il estime qu’en interdisant au juge de l'expropriation de tenir compte des changements de valeur subis par le bien exproprié lorsqu'ils sont provoqués par l'annonce des opérations justifiant l’expropriation, « les dispositions contestées visent à protéger ce dernier contre la hausse de la valeur vénale du bien résultant des perspectives ouvertes par ces travaux ou opérations. »

Le Conseil constitutionnel juge donc que « le législateur a ainsi entendu éviter que la réalisation d'un projet d'utilité publique soit compromise par une telle hausse de la valeur vénale du bien exproprié, au détriment du bon usage des deniers publics. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général. »

Enfin, il est précisé que pour « assurer la réparation intégrale du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation, le juge peut tenir compte des changements de valeur subis par le bien exproprié depuis la date de référence à la suite de circonstances autres que celles prévues au dernier alinéa de l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique », ce que le Conseil constitutionnel considère implicitement comme une garantie pour l’exproprié puisqu’il rappelle que la prise en compte de l'évolution du marché de l'immobilier peut être effectuée jusqu’à la date de la décision du Juge de l’Expropriation.

En conclusion, la Haute juridiction juge qu’aucune atteinte à l’article 17 de la Déclaration de 1789 n’est caractérisée.

Conseil constitutionnel, Décision n° 2021-915/916 QPC du 11 juin 2021