Par un arrêt en date du 11 avril 2022, le Tribunal des conflits s’est prononcé une nouvelle fois sur la répartition des compétences entre juge administratif et juge judiciaire en matière d’expropriation.
Les faits de cette affaire sont relativement anciens puisqu’ils concernent directement le dossier ayant conduit la Cour de cassation à prononcer un arrêt très commenté (Cour de cassation, Chambre civile 3, 27 février 2013, 12-11.995, Publié au bulletin) au terme duquel elle avait jugé que l’absence de proposition de relogement aux occupants expropriés, en application des dispositions de l’article L. 314-2 du code de l’urbanisme, empêchait le prononcé d’une mesure d’expulsion dès lors que la cour d'appel n'avait pas « caractérisé une renonciation claire et non équivoque des expropriés à leur droit au relogement ».
En pratique, l’exproprié ne peut renoncer implicitement à son droit au relogement et l’absence de demande en ce sens dans le cadre d’une fixation judiciaire de l’indemnité d’expropriation ne présume pas d’une telle renonciation.
Par un arrêt du 25 juin 2014, la cour d'appel de Bordeaux, statuant sur renvoi après cassation, avait en conséquence rejeté la demande d’expulsion au motif que les expropriés n'avaient pas bénéficié d'une proposition régulière de relogement préalablement à la fixation de l'indemnité d'expropriation.
C’est dans cet état du droit que se trouvent aujourd’hui les expropriants qui ont l’obligation, pour tout occupant, qu’il soit propriétaire ou non, de proposer deux offres de relogement alors même que la procédure de fixation judiciaire de l’indemnité serait définitive.
Dans cette affaire, les expropriés avaient quitté les lieux avant le prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation. Ils ont ainsi sollicité la condamnation de l’expropriant en paiement de sommes au titre du coût de déconstruction de leurs habitations, de leurs frais de relogement et de leur préjudice moral devant le Tribunal judiciaire de Bordeaux qui s’est déclaré incompétent.
Portant la même demande devant le Tribunal administratif de Bordeaux, celui-ci a renvoyé l’affaire au Tribunal des conflits.
La Haute juridiction a jugé qu’il appartenait à la seule juridiction judiciaire de connaître ce litige pour la « réparation des préjudices de toutes natures résultant de cette faute » dès lors que « l'inobservation de l'obligation d'adresser aux expropriés une proposition de relogement n'est pas détachable de la phase judiciaire de la procédure d'expropriation » et ce, nonobstant « le dessaisissement du juge de l'expropriation ».
Tribunal des conflits, 11 avril 2022, n°C4245, mentionné au tables du recueil Lebon
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