En matière d’exercice d’une activité professionnelle, qu’il s’agisse du secteur privé ou du secteur public, l’employeur a l’obligation de s’assurer de la sécurité et de la protection de la santé physique et mentale des travailleurs sous son autorité.

A l’inverse, il incombe à chaque travailleur de prendre soin de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes qui sont impactées, directement ou indirectement par son travail.

Ainsi, dans des situations extrêmes, un travailleur peut cesser son travail, mais uniquement en cas de danger imminent pour sa vie ou sa santé, jusqu’à ce que son employeur ait mis fin au danger ou ait mis les moyens de prévention suffisant pour le prévenir.

Toutefois, ce droit est juridiquement et strictement encadré afin de ne pas faire l’objet d’une utilisation dévoyée.
En effet, il ne doit pas être invoqué à tort et à travers par des travailleurs qui souhaiteraient finalement le détourner de son objectif premier, la sécurité au travail.

Ce droit de retrait existe aussi bien en droit commun de travail qu’en droit de la fonction publique.

I. Une définition commune

Que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public et à quelque exception près, le danger permettant le recours au droit de retrait est défini de la même façon au regard d’une double condition cumulative.

La situation à laquelle le travailleur est exposée doit présenter un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Il n’est pas question d’un risque simple lié aux conditions de travail, mais il doit être susceptible de porter une atteinte à la vie du travailleur.

Le danger doit être grave, c’est-à-dire qu’il doit être une menace sérieuse et réelle pour la vie ou la santé du salarié.

Le danger doit être imminent, c’est-à-dire qu’il doit être susceptible de survenir dans un délai très proche.
De plus, la réalisation du dommage doit être suffisamment sérieuse et prévisible.

En tout état de cause, il importe peu que le dommage se réalise immédiatement ou progressivement, du moment qu’il puisse être envisagé dans un délai proche.

De plus, le travailleur doit avoir une croyance raisonnable en l’existence d’un danger grave et imminent.

Ainsi, au-delà d’une appréciation objective de l’existence d’un danger grave et imminent pour sa santé et sa sécurité, une approche subjective est prise en compte même en l’absence d’un danger répondant aux conditions de la loi.

Il suffit que le travailleur ait pu penser raisonnablement que la situation l’exposait à un tel danger pour que son refus de continuer le travail ou d’accomplir la tâche demandée puisse être validé.

Cependant, la prudence doit être de mise en la matière.

La notion de « danger grave et imminent » n’est pas définie par un texte.

Si elle relève de l’appréciation du travailleur et de l’employeur, son contrôle relève au final au juge qui, décision après décision, tente d’en cerner les contours autant que possible.

La Cour de cassation considère que les conditions du droit de retrait sont remplies « si le salarié justifiait d’un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé » (Cass., soc., 28 nov. 2000, pourvoi n° 98-45.048).

Par ailleurs, il convient de noter que l’appréciation du danger dépend du poste occupé et de la mission assumée par le travailleur.

Ainsi, la notion de danger sera plus restrictive pour un sapeur-pompier ou un agent de sécurité que pour un travailleur occupant un emploi administratif.

II. La mise en œuvre

Que ce soit dans le secteur privé ou le secteur public, le droit de retrait est une faculté et non une obligation.

En droit du travail

Le droit de retrait dans le secteur privé est organisé par les articles L. 4131-1 et suivants du code du travail.

Cet article prévoit que « Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d’une telle situation.
L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection ».

La loi ne fixe aucune formalité particulière pour exercer son droit de retrait.

Le salarié doit seulement informer sans délai, même oralement, son employeur du danger.
Il est cependant recommandé, dans la mesure du possible, d’informer son employeur par écrit, ainsi qu’un représentant du personnel.

Il doit aussi s’assurer que l’arrêt de son travail n’aura pas pour conséquence de créer un danger pour ses collègues.

Il doit être souligné que le salarié qui fait jouer son droit de retrait doit rester à la disposition de son employeur qui a alors la possibilité de l’affecter temporairement sur un autre poste en fonction de ses compétences.

Une fois exercée, aucune sanction ou retenue de salaire ne peut être infligée aux salariés dans la mesure où il avait un motif raisonnable de penser que la situation présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Le contrôle de la légitimité du droit de retrait s’effectue a posteriori, ce qui peut poser des difficultés dans la prise de décision.
Soit le droit de retrait fondé et l’employeur ne pourra agir en aucune façon à l’encontre de son salarié.
Soit le droit de retrait n’est pas fondée et l’employeur pour apprendre une sanction, ainsi que des retenues de salaire.

En droit de la Fonction publique

Le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 modifié a introduit le dispositif du droit de retrait dans la fonction publique d’État, assurant ainsi la transposition de la directive-cadre n° 89/391/CEE du 12 juin 1989 relative à la protection de la santé et de la sécurité au travail.

En ce qui concerne la fonction publique territoriale, il convie de se rapporter au décret n° 85- 603 du 10 juin 1985 et l’article 108-1 de la loi n° 84-453 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

Bien évidemment des dispositifs similaires existent pour la fonction publique hospitalière, notamment dans la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

L’agent qui estime se trouver dans une situation appelant à l’exercice de son droit de retrait doit en avertir sans délai son supérieur hiérarchique.

Il peut aussi informer un représentant du personnel au CHSCT qui en alerte immédiatement le chef de service et consigne l’événement dans un registre spécial tenu, sous la responsabilité du chef de service.

Le chef de service procède immédiatement à une enquête, s’il y a lieu avec le représentant du CHSCT qui lui a signalé le danger, et prend les dispositions nécessaires pour y remédier.

Il informe le CHSCT des décisions prises.

En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, le CHSCT est réuni dans les 24 heures. L’inspecteur du travail est informé de cette réunion et peut y assister.

L’administration décide des mesures à prendre après avis du CHSCT. En cas de désaccord entre l’administration et le CHSCT, l’inspecteur du travail est obligatoirement saisi.

Aucune sanction et aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un agent ou d’un groupe d’agents qui se sont retirés d’une situation de travail qui présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé.

L’administration ne peut pas demander à un agent de reprendre son activité si un danger grave et imminent persiste, notamment en raison d’une défectuosité du système de protection.

Conclusions

La question de l’exercice du droit de retrait, quel que soit le secteur d’activité, se pose en ces périodes de pandémie.

Cependant, les réponses à y apporter dépendent fortement du poste occupé ou encore des moyens mis en œuvre par l’employeur pour protéger les travailleurs.

Notre cabinet se tient à votre disposition pour échanger sur votre situation.