Madagascar, Cour suprême, Chambre administrative, 18 oct 2000

Numéro d'arrêt : 110/94-ADM;122/94-ADM;49/99-ADM;54/99-ADM;71/99-ADM

Numéro NOR : 175662 

Identifiant URN:LEX : urn:lex;mg;cour.supreme;arret;2000-10-18;110.94.adm 

 

Parties :

 

Demandeurs : RAMANAMIHAJA Andriamahefa J. = et autres

Défendeurs : ETAT MALAGASY

 

Texte :

 

Vu l'ordonnance n° 60.048 du 22 Juin 1960 fixant la procédure à suivre devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême modifiée par l'ordonnance n° 62.073 du 29 Septembre 1962 ; 

Vu les dispositions de l'article 02.02.04 du Code Général des Impôts annexé à la loi n° 00.005 du 22 Décembre 1977 portant Loi des Finances pour 1978 ; 

Vu la loi n° 61.013 du 19 Juillet 1961 portant création de la Cour Suprême modifiée par l'ordonnance n° 62.091 du 1er Octobre 1962 et par la loi n° 65.016 du 16 Décembre 1965 ; 

Vu la requête présentée par le Sieur RAMANAMIHAJA Andriamahefa Jean, Directeur de l'Entreprise «ALL INFO» B.P 1484, Fianarantsoa 301, élisant domicile en l'étude de son Conseil Maître RASOAVELOSON Célestin, Avocat à la Cour, lot VG 48 à Amparibe, ANTANANARIVO 101, ladite requête enregistrée au Greffe de la Chambre Administrative de la Cour Suprême le 26 Août 1994 sous le n° 110/94-ADM et tendant à ce qu'il plaise à la Cour condamner l'Etat Malagasy à lui payer 179.229.860 FMG (cent soixante dix neuf million deux cent vingt neuf mille huit cents francs 

malagasy) à titre de dommages-intérêts ; 

.................... 

Après en avoir délibéré conformément à la loi ; 

 

Considérant que les Sieurs RAMANAMIHAJA Andriamahefa Jean, RABEMANANTSOA Olivier Bruno, ANDRIANTSOA Guy Georges HOLAM, et la Société «TODISOA» 

et les époux RAZAFINTSALAMA Emmanuel/RASOANIRINA Victorine demandent qu'il plaise à la Cour condamner l'Etat Malagasy leur payer respectivement 

les sommes de : 

- 179.229.500 FMG pour le Sieur RAMANAMIHAJA A.J 

- 31.665.79 FMG pour le Sieur RABEMANANTSOA B 

- 600.000.000 FMG pour le Sieur ANDRIANTSOA G.G. 

- 15.000.000.000 FMG pour la Société «TODISOA» ; 

- 1.500.000.000 FMG pour les époux RAZAFINTSALAMA 

à titre d'indemnisation pour les préjudices qu'ils ont subi à la suite de l'opération menue contre les bandits « BOB et CARTER » par les forces 

de l'ordre sous la Direction de l'Organisation Mixte de Conception (O.M.O) à Fianarantsoa ; 

SUR LES FAITS ET PROCEDURES : 

Considérant que lorsque l'opération sus-dite laquelle s'était déroulée le 4-5 Décembre 1993 à Ampasambazaha Fianarantsoa, les requérants sus-nommé avaient subi des préjudices considérables du fait de l'incendie provoqué par les prenades incendiaires utilisées par les forces de l'ordre, et qui avait ravagé les immeubles leur appartenant ou dans lesquels ils logeaient ainsi que les biens et marchandises qui s'y trouvaient ; 

Considérant que saisi de l'affaire par la Société «TODISOA», en particulier le Tribunal de 1ère Instance de Fianarantsoa avait condamné l'Etat Malagasy à indemniser ladite Société de la somme de 7.801.776.434 FMG (Sept milliards huit cent un millions sept cent soixante seize mille quatre cent trente quatre francs malagasy ) suivant jugement n° 999 du 19 Septembre 1995, confirmé en toutes ses dispositions par la Cour d'Appel de Fianarantsoa par son arrêt n° 66 du 21 Avril 1997 ; 

qu'à la suite du pourvoi en cassation formé par l'Etat Malagasy contre l'arrêt n° 66 du 21 Avril 1998 précité la Formation de Contrôle de la Cour Suprême a cassé sans renvoi l'arrêt en question pour incompétence des juridictions judiciaires au profit de la Chambre Administrative de ladite Cour suivant arrêt n° 66 du 14 Juillet 1998 ; 

Considérant que saisie à son tour de la même affaire avec les autres spécifiées ci-dessus, la Cour de Céans afin d'être fixée tant sur sa compétence que sur la solution à donner auxdits affaires a ordonné suivant arrêt avant dire droit n° 87 du 14 Juin 2000 ; 

- la jonction des cinq procédures sus-spécifiés, 

- une descente sur les lieux (à Fianarantsoa) aux fins d'enquêtes, vérification et constatation sur place ; 

 

SUR LA JONCTION : 

Considérant que les procédures n°s 110/94-ADM, 122/94-ADM, 49/99-ADM, 54/99-ADM et 71/99-ADM tendent à faire juger des mêmes faits et à 

présenter un même problème de droit ; qu'il échet de les joindre afin d'y être statué par une seule et même décision ; 

 

SUR LA COMPETENCE : 

Considérant qu'il résulte de l'instruction et des pièces versées aux dossiers qu'il est constant que les forces de l'ordre sous la Direction de l'Organisation Mixte de Conception du Faritany de Fianarantsoa avaient utilisé des armes puissantes, comme les grenades incendaires, lors de l'opération menée contre les bandits «BOB et CARTER» ; qu'elles avaient quadrillé et fait évacuer le quartier censé abriter les deux bandits sus-nommés pour pouvoir, au besoin le «raser afin d'obtenir la reddition desdits bandits sinon leur élimination pure et simple ; qu'il s'agissait ainsi, non pas de procéder à l'arrestation des mêmes bandits que dessus pour les livrer ensuite à la justice, mais de les empêcher de nuire définitivement ; que la décision de les neutraliser ou de les éliminer ainsi, «quel qu'en fût le prix à payer», était venue-tel qu'il ressort des enquêtes menées par la Cour lors de la descente sur les lieux effectuée par quelques uns de ses membres à Fianarantsoa du 20 au 22 Juin 2000 du plus haut responsable de la sécurité nationale de l'époque lui-même qui les considérait comme «des ennemis de la Nation» et non comme des vulgaires bandits, que l'intention réelle des Autorités était alors de débarasser une bonne fois pour toutes la Société de ces deux bandits ; 

Considérant qu'il appert de ce qui précède que l'opération menée par les forces de l'ordre contre les bandits «BOB et CARTER» à Ampasambazaha, Fianarantsoa-ville les 4 et 5 décembre 1993 déborde du cadre dit «d'activités de police judiciaire» pour rentrer dans celui dit «d'activités de police administrative» ; 

qu'ainsi, la compétence pour connaître des présentes affaires est bien administrative ; 

 

SUR LA RESPONSABILITE DE L'ADMINISTRATION : 

 

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort également de ce qui est développé précédemment que l'opération menée contre les bandits BOB et CARTER avait été entreprise pour le compte de la Nation Malagasy toute entière, donc de l'Administration, et non dans l'intérêt du seul Faritany de Fianarantsoa quoique ladite opération avait été effectuée sous la Direction de l'O.M.C de Fianarantsoa laquelle du reste, avait été épaulée par quelques éléments de la Brigade Anti-Gang venus d'Antananarivo ; 

Considérant en second lieu, que la neutralisation ou l'élimination des deux bandits BOB et CARTER dont la triste renommé n'était plus à démontrer visées par ladite opération profitaient à tous les autres membres de la Société malagasy eu égard aux dangers permanents que représentaient ces deux bandits pour ces derniers ; 

Considérant cependant qu'en provoquant l'anéantissement total des biens meubles et immeubles appartenant aux requérants à cause de l'utilisation par les forces de l'ordre d'armes très puissantes telles les grenades incendiaires, l'Administration avait fait supporter auxdits requérants une charge excédant celles qui leur incombaient normalement devant les services publics ; qu'au demeurant il est patent que l'Administration, en agissant comme elle avait fait, avait commis une lamentable erreur que d'aucuns considéraient alors comme «frisant le ridicule» puisque les deux bandits (ou ce qui devait en rester) qui étaient censés être ensevelis dans les décombres des immeubles incendiés s'étaient volatilisés comme par enchantement ; 

qu'une telle erreur constitue une faute lourde engageant entièrement la responsabilité de son auteur, en l'occurence l'Administration ; 

Considérant qu'en tout état de cause, l'Administration est donc tenue d'indemniser les requérants pour les préjudices que ces derniers en ont subis ; 

 

SUR L'ETENDUE DES PREJUDICES : 

Considérant qu'il résulte de l'instruction et les pièces versées au dossier que l'incendie provoqué par les grenades incendiaires utilisées par les forces de l'ordre avait ravagé complètement les immeubles ainsi que les marchandises et effets personnels qui s'y trouvaient appartenant aux requérants ; que les dégâts causés par ledit incendie avaient été constatés et évalués par exploit d'huissier ou par voie d'expertise effectuée par un Bureau d'Etudes à ce habilité par la loi et sis à Fianarantsoa ; qu'à l'exception des Sieurs RABEMANANTSOA Olivier Bruno et ANDRIANTSOA Guy Georges HO LAM, lesquels étaient respectivement dans l'ordre, locataire et propriétaire de l'un des immeubles détruits par l'incendie en question, les requérants étaient tous des commerçants ou bien exercaient des activités commerciales dans lesdits immeubles ; que pour ces derniers, le ministre avait non seulement détruit leurs biens et marchandises mais avait également mis fin subitement à leurs activités professionnelles ; qu'ainsi ils n'avaient pas pu et ne peuvent pas honorer leurs obligations à temps, lesquelles sont dans ce cas, assorties de pénalités et autres intérêts «moratoires» qui sont même parfois capitalisés à chaque échéance non respectée, et ce jusqu'à parfait paiement de la dette (cas des intérêts bancaires) 

qu'ainsi, plus le temps passe, plus les préjudices qu'ils subissent s'aggravent, sans compter les effets néfastes des dévaluations subies par la monnaie nationale ainsi que l'augmentation croissante des prix des biens et services sur le marché que tout le monde subit sans exception à Madagascar depuis 1994 jusqu'à ce jour ; 

Considérant qu'il sera donc fait cas, toutes proportions gardées, du facteur temps, des fluctuations monétaires et de l'inflation dans la détermination et la fixation des montants des dommages-intérêts demandés respectivement par les requérants ; 

SUR LES MONTANTS DES DOMMAGES-INTERETS : 

 

Considérant au demeurant que dans son mémoire en défense unique du 23 Mars 2000, l'Etat Malagasy ne conteste ni le principe de sa responsabilité dans les présentes affaires, ni celui du réajustement des montants des réparations fait à partir des critères avancés et retenus par les requérants et ci-dessus évoqués ; 

qu'il estime cependant que lesdits requérants «ont fait application abusive du réajustement, notamment en ce qui concerne les dossiers n°s 49/99-ADM et 54/99-ADM ; que concernant le dossier n° 49/99-ADM, en particulier, l'Etat estime qu'il est «plus judicieux de faire procéder à une contre-expertise, en particulier, en ce qui concerne la valeur du stock des marchandises détruites dont se prévaut la Société «TODISOA» et que seule la juridiction de céans est habilitée à ordonner ; 

Considérant que faisant suite aux remarques et sollicitations ainsi formulées par le défendeur, la Cour avait ordonné avant-dire-droit et effectué une descente à Fianarantsoa en vue, notamment de vérifier la réalité de la reconstitution comptable du stock de marchandises détruit faite par l'expert à ce désigné par la Société «TODISOA» à partir des «données fiscales» (bilan de fin d'année -TUT etc...) que cette dernière avait déposées ou déclarées auparavant auprès des Services des Contributions du lieu ; qu'à cet effet, un «rapport de descente» a été fait et versé aux dossiers de procédure ; 

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en tout état de cause, la Cour estime avoir en sa possession assez d'éléments 

d'appréciation lui permettant de ramener à de justes proportions chaque quantum de demande ; 

qu'il échet en conséquence de faire allouer, toutes causes confondues : 

1°)- au Sieur RAMANAMIHAJA A. Jean la somme de 74.000.000 FMG ; 

2°)- au Sieur RABEMANANTSOA O. Bruno, la somme de 25.505.000 FMG ; 

3°)- au Sieur ANDRIANTSOA Guy HO LAM, la somme de 311.176.000 FMG ; 

4°)- à la Société «TODISOA», la somme de 8.301.776.000 FMG 

5°)- aux époux RAZAFINTSALAMA E/RASOANIRINA V. la somme de 547.346.000 FMG ; 

 

P A R C E S M O T I F S, 

 

D é c i d e : 

 

Article premier : Les procédures n°s 110/94-ADM 122/94-ADM-49/99-ADM - 54/99-ADM et 71/99-ADM sont jointes. 

Article 2 : L'Etat Malagasy est condamné à allouer à titre de dommages-intérêts toutes causes confondues : 

1°) - au Sieur RAMANAMIHAJA Andriamahefa Jean, la somme de 74.000.000 FMG (Soixante quatorze millions de francs malagasy), 

2°) - au Sieur RABEMANANTSOA Olivier Bruno, la somme de 25.505.000 FMG (Vingt cinq millions cinq cent cinq mille francs malagasy), 

3°) - au Sieur ANDRIANTSOA Guy Georges HO LAM, la somme de 311.176.000 FMG (trois cent onze millions cent soixante seize mille francs malagasy), 

4°) à la Société « TODISOA », la somme de 8.301.776.000 FMG (Huit milliards trois cent un million sept cent soixante seize mille francs 

malagasy), 

5°) - aux époux RAZAFINTSALAMA Emmanuel/RASOANIRINA Victorine, la somme de 547.346.000 FMG (cinq cent quarante sept millions trois cent 

quarante six mille francs malagasy) 

Article 3 : Les dépens sont mis à la charge de l'Etat Malagasy. 

Article 4 : Expédition du présent arrêt sera transmise à Messieurs le Premier Ministre, Ministre des Finances, le Vice-Premier Ministre chargé du Budget et du Développement des Provinces Autonomes, le Directeur de la Législation et du Contentieux et aux requérants.

 

Origine de la décision

Pays : Madagascar

Juridiction : Cour suprême

Formation : Chambre administrative

Date de la décision : 18/10/2000

Date de l'import : 14/10/2011

 


Comme vous l'avez constaté, ce n'est pas moi qui ai obtenu ces milliards de FMG devant la Haute Juridiction administrative malgache en Octobre 2000.

Il s'agit de Maître Célestin RASOAVELOSON qui, à sa retraite après avoir exercé comme Juge d'instruction au Tribunal de Majunga, Avocat Général de la Cour d'Appel de MADAGASCAR et enfin, Procureur Général affecté au Ministère de la Justice, a ouvert son Cabinet d'Avocat à Antananarivo.

Mes recherches sur Juricaf m'ont permis de remettre au jour cette décision et de rendre un filial hommage à celui qui, avec une autorité constante, a servi l'Etat et veillé au respect du Droit par ses agents qui, depuis quelques décades, s'égarent et réservent aux citoyens d'inquiétantes déconvenues.

Contrairement à Renan devant un cimetière de campagne, je n'ai jamais été envahi par le sentiment de l'oubli. Car, même si les louanges des vivants n'ajoutent rien aux mérites des morts, ceci est une modeste contribution à l'évocation du courage d'un homme qui s'est fait tout seul et d'un père qui s'est tout entier consacré aux siens. 

Enfin, " fugaces labuntur anni ", la soixantaine atteinte, je continue d'oeuvrer résolument pour l'avenir des miens et consacre le meilleur de mes loisirs à défier l'ingratitude du souvenir.