C'est ce qu'a décidé la cour administrative d'appel de Lyon, dans un arrêt du 6 juin 2013, avec, toutefois, la précision selon laquelle cette renonciation doit être justifiée par '' l'intérêt général qui s'attachait aux économies ainsi réalisées tant pour les usagers que pour le syndicat".

C'est une application de la jurisprudence du Conseil d'Etat (30 décembre 2009, n° 305287 Société Estradera).

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COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON

N° 12LY01822   

Inédit au recueil Lebon

4ème chambre - formation à 3

M. du BESSET, président

M. Marc DURSAPT, rapporteur

Mme VINET, rapporteur public

HDLA AVOCATS, avocat

lecture du jeudi 6 juin 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 juillet 2012, présentée pour la société Peduzzi bâtiment, dont le siège est 36 rue des ormes à Fresse-sur-Moselle (88160) ;

La société Peduzzi bâtiment demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002097 et 1002130 du 12 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à ce que le syndicat intercommunal des eaux et de l'assainissement (SIEA) de Ruffey-lès-Echirey soit condamné à lui verser la somme de 241 547 euros ;

2°) de condamner le SIEA de Ruffey-lès-Echirey à lui payer la somme de 241 547 euros, augmentée des intérêts moratoires au taux légal à compter du 30 décembre 2009, capitalisés ensuite ;

3°) de mettre à la charge de SIEA de Ruffey-lès-Echirey la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Peduzzi bâtiment fait valoir que ce n'est qu'un an après l'attribution annoncée par courrier du maître d'oeuvre du 9 avril 2008 du marché pour l'extension de la station d'épuration, que, par courrier du 31 mars 2009, le syndicat a informé la société Saur, mandataire du groupement constitué avec elle, de l'abandon du projet ; que le syndicat, qui savait que la subvention pouvait être refusée par le département, avait pourtant donné l'ordre oral dès la fin du premier semestre 2008 de commencer la préparation du chantier ; que par ce comportement fautif le syndicat a donné l'assurance que l'exécution des travaux débuterait effectivement en septembre 2008 et que le marché allait être prochainement notifié ; qu'il a commis une autre faute résultant de la mauvaise appréhension de ses besoins et de ses capacités financières en escomptant une subvention du département qui n'était pas de droit et qui a été refusée ; que la décision d'abandon de la procédure du 31 mars 2009 est irrégulière par défaut de motivation ; que le syndicat a encore commis une faute, non seulement en n'avertissant pas l'entreprise pendant plus de quatre mois du risque d'abandon du projet comme le Tribunal s'est borné à le retenir, mais surtout en ne l'informant pas, en amont de la procédure, que la signature du marché était nécessairement subordonnée à l'obtention d'une subvention du département ; qu'elle a subi un préjudice correspondant au bénéfice escompté sur le marché, à 10 % du coût des études et plans " béton armé / essais béton ", à ses frais généraux et au coût des études du dossier de réponse à l'appel d'offres ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2012, présenté pour le SIEA de Ruffey-lès-Echirey qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Peduzzi bâtiment à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il fait valoir qu'il n'a commis aucune faute dès lors que sa renonciation à passer le marché repose sur la circonstance qu'il n'a pas obtenu le financement du département et qu'une solution technique beaucoup moins onéreuse s'est finalement révélée envisageable ; qu'il n'est pas exact qu'il aurait ordonné de procéder à la préparation du chantier alors même qu'il avait déjà connaissance du refus du département ; que la requérante ne précise pas les mesures qu'elle auraient prises à cet effet ni leur coût précis ; qu'il n'a pas non plus fait une mauvaise appréhension de ses besoins et capacités financières en montant un projet de financement de l'opération selon le mode opératoire alors applicable alors que ce n'est qu'en juin 2008 que le département a modifié sa méthode d'attribution des subventions jusque là automatique ; que le refus d'attribution de la subvention n'est pas la seule cause de l'abandon du projet initial dès lors qu'il a seulement incité à repenser ce projet et que c'est bien après qu'a été prise la décision de retenir un projet alternatif ; que la décision de renoncer à la signature du marché a été clairement exposée aux sociétés SAUR et Peduzzi au cours de la réunion du conseil syndical du 26 mars 2008 et maintes fois rappelée ensuite, comme le projet alternatif, qui a permis d'économiser 1 465 000 euros et de faire diminuer la facture des usagers ; que c'est surtout cette perspective d'économies qui a motivé l'abandon du projet initial ; que la requérante ne peut utilement invoquer un défaut d'information sur la subordination de la signature du marché à l'obtention de la subvention du département dont le refus n'impliquait pas nécessairement la renonciation au projet initial ; que cette renonciation n'est devenue certaine qu'après qu'a été confirmée en janvier 2009, la faisabilité du raccordement à la station de Longvic et après avis favorable du conseil syndical ; que la requérante n'est pas fondée à invoquer nouvellement un défaut d'information en amont de la procédure dès lors que ce n'est qu'au mois de juin 2008 que le département a profondément modifié le système d'attribution de ses subventions, ce que lui-même ne pouvait pas prévoir ; qu'en l'absence de toute faute sa responsabilité ne saurait être engagée ; qu'au demeurant seules les dépenses utiles exposées par l'entreprise pourraient faire l'objet d'une indemnisation à l'exclusion du bénéfice escompté ; qu'en l'espèce la requérante ne justifie pas de dépenses utiles ;

Vu l'ordonnance en date du 17 janvier 2013 fixant la clôture d'instruction au 4 février 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er février 2013, présenté pour la société Peduzzi bâtiment qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle fait en outre valoir qu'elle a justifié, par la technique du faisceau d'indices, avoir reçu l'ordre de commencer la préparation du chantier ; qu'elle rapporte notamment la preuve du commencement des pré-études par une attestation de son directeur administratif et financier et par la circonstance que le syndicat n'a jamais contesté les termes de son courrier du 20 mars 2009 lui rappelant qu'il avait demandé oralement la préparation du chantier pour commencer les travaux en septembre et que ses moyens matériels à cet effet étaient mobilisés depuis presque un an ; que le syndicat ne peut invoquer un ancien système d'octroi des subventions du département pour s'exonérer de son imprudence fautive alors qu'une subvention n'est jamais de droit ; que l'argumentation du syndicat consistant à reconnaître que le projet initial ne pouvait plus aboutir sans subvention pour prétendre ensuite que ce refus de subvention l'a invité à repenser ce projet, est contradictoire ; que le syndicat n'a toujours pas justifié d'une motivation en droit et en fait de sa décision de renoncer à passer le marché, ni de la différence de coût financier entre les deux projets ; que si la renonciation à passer un marché n'engage pas nécessairement la responsabilité pour faute de l'administration, tel n'est pas le cas si la procédure a été lancée de manière irréfléchie sans détermination exacte des besoins, ce qui est le cas en l'espèce, le syndicat n'ayant pas recherché une solution technique en adéquation avec sa situation financière, comptant uniquement sur une subvention qui pouvait lui être refusée ; que le défaut d'information des entreprises par le syndicat est double, d'une part en amont de la procédure quant à la subordination de la signature du marché à l'octroi de la subvention, d'autre part à partir de la confirmation du refus de la subvention en novembre 2008, ce qui aurait permis d'arrêter les travaux préparatoires et de limiter le préjudice ; que son préjudice est constitué par l'intégralité de son manque à gagner incluant les frais de présentation de l'offre et les dépenses qui ont été utiles à l'administration ; qu'il est justifié par la production de la décomposition de son prix global et forfaitaire dont les études et plans béton armé ont été réalisés à hauteur de 10 %, selon l'attestation précitée de son directeur administratif et financier et les fiches personnelles des trois membres de la direction ayant travaillé à la présentation de sa candidature et de son offre ;

Vu l'ordonnance en date du 5 février 2013 reportant la clôture de l'instruction au 25 février 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 février 2013, présenté pour le SIEA de Ruffey-lès-Echirey qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; il fait en outre valoir que la requérante ne produit aucun résultat du travail qu'elle prétend avoir effectué, l'attestation confectionnée par ses soins n'étant pas probante ; que la requérante ne justifie toujours pas avoir réalisé 10 % des études ni mobilisé son personnel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2013 :

- le rapport de M. Dursapt,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., représentant la société Peduzzi bâtiment, et de Me A..., représentant le SIEA de Ruffey-lès-Echirey ;

1. Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de la société Peduzzi bâtiment tendant à la condamnation du syndicat intercommunal des eaux et de l'assainissement (SIEA) de Ruffey-lès-Echirey à lui verser la somme de 241 547 euros en réparation de préjudices subis en raison de la renonciation de ce dernier à signer le marché de travaux d'extension et de mise aux normes de la station d'épuration, dont le groupement qu'elle constituait avec la société SAUR avait été déclaré attributaire ;

Sur la responsabilité du SIEA de Ruffey-lès-Echirey :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par courrier du 9 avril 2008 le maître d'oeuvre de l'opération a informé le groupement constitué entre la société SAUR et la société Peduzzi bâtiment de ce que sont offre avait été retenue ; que cette offre a été, peu après, mise au point pour un montant de 1 684 050 euros HT ; que, par délibération du 29 avril 2008, le syndicat a décidé de solliciter une subvention du département de la Côte-d'Or qu'il pensait être de 30 % ; que par courrier du 11 juillet 2008 le département l'a informé de ce qu'il ne lui attribuerait pas de subvention ; qu'en raison des difficultés de financement résultant de cette décision et après avoir recherché pendant plusieurs mois une solution technique moins coûteuse, le SIEA a, par délibération du 26 mars 2009, décidé d'abandonner le projet initial d'extension et de mise aux normes de sa station d'épuration et a opté, après avoir obtenu l'accord des collectivités concernées, pour un raccordement à la station d'épuration du syndicat mixte du Dijonnais ; que par lettre du 31 mars 2009 il a informé le groupement dont faisait partie la société Peduzzi, de l'abandon du projet initial et de ce qu'il ne serait pas donné suite à son offre ;

3. Considérant, en premier lieu, que jusqu'à sa décision du 26 mars 2009 d'abandonner le projet initial au titre duquel l'offre des sociétés SAUR et Peduzzi bâtiment avait été retenue sans que le marché ne soit encore signé par le SIEA, celui-ci n'était pas tenu de prendre l'initiative d'informer ces société des circonstances susceptibles de remettre en cause la conclusion de ce marché ; que le refus de subvention départementale n'impliquait pas à lui seul que le syndicat renonçât aussitôt à son projet et à la signature du marché ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction qu'il a informé le groupement attributaire de sa décision de renoncer à la passation du marché quelques jours seulement après l'avoir prise ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, il n'a pas commis de faute à ce titre ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 19 du cahier des clauses administratives générales - travaux " 19 1 Délais d'exécution : / 19.11 (...) Sauf stipulation différente du marché, le délai part de la date de la notification du marché. Cette notification vaut alors ordre de commencer les travaux. / (...) Sauf stipulation différente du marché, le délai d'exécution comprend, si elle existe, la période de préparation définie au 1 de l'article 28. " ; qu'il est constant que la société Peduzzi n'a jamais reçu notification du marché sans laquelle elle ne pouvait commencer la préparation du chantier ; qu'elle soutient néanmoins avoir reçu, à la fin du premier semestre 2008, l'ordre oral du SIEA de préparer ce chantier ; que, toutefois, ni les circonstances que le maître d'oeuvre avait informé le groupement le 9 avril 2008 que son offre avait été retenue et que le conseil syndical du 29 avril 2008 souhaitait un début des travaux en septembre 2008, ni l'allégation de la société requérante selon laquelle elle n'aurait pas commencé les travaux de préparation du chantier sans en avoir reçu l'ordre ou sans promesse du SIEA de signer le marché, ne sont de nature à établir que le syndicat l'aurait incitée à débuter la préparation du chantier alors qu'il savait que la subvention demandée au département n'était pas nécessairement acquise ; qu'il n'a donc pas davantage commis de faute à ce titre ;

5. Considérant, en troisième lieu, que, si le SIEA ne justifie pas du caractère quasiment automatique prévalant jusque là, selon lui, dans l'attribution de subventions par le département dans le domaine concerné, il n'a toutefois pas, comme il est dit au point précédent, incité l'entreprise à commencer la préparation du chantier avant de prendre sa décision de renoncer à signer son marché ; que la société Peduzzi ne peut dès lors utilement invoquer une faute de sa part qui résulterait d'une mauvaise appréhension de ses besoins ou capacités financières ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que la société requérante ne peut utilement, devant le juge de plein contentieux, faire valoir que la décision du syndicat d'abandonner la procédure souffrirait d'un défaut de motivation dès lors qu'un tel vice n'est en tout état de cause pas susceptible d'être par lui-même la cause des préjudices qu'elle invoque ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le coût du projet initial s'élevait, selon l'offre du groupement attributaire, à la somme de 1 684 050 euros HT ; que le SIEA n'a pu obtenir du département la subvention qu'il escomptait à hauteur de 30 % de ce montant ; qu'il n'est pas sérieusement contesté par la requérante que le coût du projet envisagé de raccordement à la station d'épuration du syndicat mixte du Dijonnais était estimé à moins de 500 000 euros et qu'il a finalement été arrêté à la somme de 257 528,17 euros HT selon devis de l'entreprise SNCTP accepté par délibération du 23 septembre 2010 ; que dans ces conditions, eu égard à l'intérêt général qui s'attachait aux économies ainsi réalisées tant pour les usagers que pour le syndicat, la décision de renoncer à conclure le marché initial n'était pas illégale et donc pas fautive ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société Peduzzi bâtiment n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat intercommunal des eaux et de l'assainissement de Ruffey-lès-Echirey une somme quelconque au titre des frais exposés par la société Peduzzi bâtiment ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Société Peduzzi bâtiment la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le syndicat intercommunal des eaux et de l'assainissement de Ruffey-lès-Echirey ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Société Peduzzi bâtiment est rejetée.

Article 2 : La Société Peduzzi bâtiment versera au syndicat intercommunal des eaux et de l'assainissement de Ruffey-lès-Echirey la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Peduzzi bâtiment et au syndicat intercommunal des eaux et de l'assainissement de Ruffey-lès-Echirey.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2013, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. Dursapt et MmeC..., premiers conseillers,

Lu en audience publique, le 6 juin 2013.

N° 12LY01822