Traditionnellement, la nécessité d’obtenir un avis technique ou de spécialiste dans le cadre d’un litige conduit à une procédure de référé expertise. Une telle procédure suppose une assignation, une audience et une consignation au Tribunal du montant provisoire des honoraires de l’Expert. Cela représente une somme d’environ 5000€ (entre 4000 et 8000€TTC) ; il s’agit d’une dépense significative pour le demandeur aux opérations d’expertise avant même de débuter toute constatation technique.

L’intérêt d’une expertise judiciaire est une certaine garantie du respect du contradictoire sous l’autorité du juge chargé de son contrôle.

L’absurdité d’une telle procédure est que, parfois, le coût cumulé des différentes dépenses engagées (honoraires avocats, temps mobilisés, honoraires d’Expert et sapiteur, frais de procédure...) est supérieur au coût du sinistre ou du litige. Cette situation est très inconfortable pour le Demandeur.

Cependant, le référé expertise n’est pas le seul moyen d’obtenir un avis technique d’un Expert de justice agréé près d’une Cour d’appel. Hors cadre judiciaire, il est possible de solliciter un Expert pour une expertise privée (unilatéralement par une partie) ou amiable (avec la concertation des parties). L’Expert établira un devis pour sa mission comme n’importe quel technicien ou bureau d’études.

 

Les Règles de déontologie de l’Expert judiciaire publiées par le Conseil National des Compagnies d’Expert de Justice précisent le cadre juridique d’une expertise privée (§IV):

Selon l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, toute personne physique et morale a droit à un procès équitable. A cet égard l’assistance d’un technicien compétent peut s’avérer utile. Dans ce contexte, il convient de préciser les conditions dans lesquelles un expert inscrit sur une liste ou sur un tableau peut assister techniquement une partie.

IV - 1) L’expert intervenant comme consultant technique, à titre privé, doit faire en sorte qu’aucune ambiguïté n’existe sur le fait que son avis (en principe écrit) ne constitue pas une expertise de justice. N’étant pas désigné par le juge et ne menant pas ses travaux de façon contradictoire, il doit présenter cependant les mêmes garanties d’objectivité et d’impartialité que l’expert de justice.

IV - 2) L’expert consulté sera tenu de donner son avis en toute liberté d’esprit et sans manquer à la probité ou à l’honneur. Il rappellera explicitement les conditions de son intervention dans son avis.

IV – 3) Il doit, de façon générale, avoir la même relation avec la vérité que s’il était nommé par une juridiction. Il ne peut mentir, fût-ce par omission. Il ne peut « faire le tri » entre les pièces dont il a eu connaissance et dont il doit établir et communiquer un bordereau complet.

 

La Cour de cassation considère que le juge ne peut refuser d’examiner un rapport d’expertise établi à la demande de l’une des parties, régulièrement communiqué et qui a pu faire l’objet, au cours du litige, d’un débat contradictoire (Cass, 2ème civ., 14/09/2006, n°05-14.333). Elle considère aussi qu’un rapport amiable peut valoir à titre de preuve dès lors qu’il est soumis à la libre discussion des parties (Cass, 2ème civ., 24/09/2002, n°01-10.739).

Dans le prolongement d’un arrêt de la Chambre mixte (28 sept. 2012, n° 11-18.710), la Cour de cassation a rappelé récemment que ne viole pas le principe de contradiction, le juge qui se fonde sur le rapport d’expertise établi unilatéralement à la demande d’une partie dès lors que ces éléments ont été soumis à la libre discussion des parties (Cass., 3ème, 15 nov. 2018).

En 2020, la Cour de cassation a précisé que "le juge ne peut pas refuser d'examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d'une partie, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire et corroboré par d'autres éléments de preuve." (Cass. 3e civ., 5 mars 2020, n° 19-13.509, P+B+I : JurisData n° 2020-003265).

La valeur juridique du rapport d’expertise privée est donc réelle.

Pour une telle démarche, il paraît préférable de solliciter en amont un avocat pour la définition de la mission de l’Expert, pour la réalisation des opérations et l’utilisation du rapport d’expertise. Ce rapport a vocation à être dénoncé à l’adversaire (tiers ou contractant défaillant/fautif) et à son assureur. Cette communication du rapport d’expertise permet de cadrer la réclamation du demandeur et d’établir les bases d’une discussion technique contradictoirement.

Quelle que soit la nature de l'expertise (privée, amiable ou judiciaire), l'article 246 du Code de procédure civile précise que "Le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien." Le rapport d'expertise est toujours soumis à la libre appréciation des juges...

L’intérêt d’une expertise privée par Expert de justice est lié à son coût moindre globalement, des délais plus courts pour obtenir le rapport et une certaine autorité des constatations techniques qui y sont contenues.