Dans un arrêt remarquable du 12 décembre 2023 (CAA Lyon, 1ère chambre, n°21LY04307), la Cour administrative d'appel de Lyon ouvre une voie originale quant à la preuve de l'affichage régulier d'un permis de construire sur un terrain. Traditionnellement, la preuve de cet affichage, essentielle pour déclencher le délai de recours contentieux des tiers, est apportée par un constat d'huissier effectué sur place. Toutefois, dans la présente affaire, les bénéficiaires du permis n'avaient pas initialement fait réaliser ce constat, et se sont trouvés confrontés à la nécessité de prouver rétroactivement l'affichage.

Une situation juridique originale

L’originalité de la décision réside dans l’admission par les juges d’une preuve fondée sur la combinaison d’un coffre-fort numérique sécurisé (« Digiposte »), comportant des photographies de l’affichage prises en 2017, et d’un constat réalisé seulement en 2019 par un commissaire de justice, attestant à la fois l'existence des photographies archivées numériquement, leur date certaine de dépôt et la géolocalisation précise de l'affichage.

Cette approche est d’autant plus innovante que la Cour reconnaît explicitement la fiabilité du coffre-fort numérique, en raison notamment de l’impossibilité technique de modifier les dates de dépôt des documents.

Une jurisprudence susceptible d'inspirer d'autres pétitionnaires

Cette solution jurisprudentielle pourrait inspirer d'autres bénéficiaires de permis de construire, notamment ceux ayant omis initialement de faire constater l'affichage par un commissaire de justice. La reconnaissance par les juges d'une preuve numérique sécurisée constitue une avancée notable et ouvre la porte à une diversification des modes de preuve acceptés par le juge administratif en matière d’urbanisme.

Conseils pratiques aux pétitionnaires et à leurs conseils

En corollaire, cette jurisprudence invite les praticiens à recommander aux bénéficiaires d'autorisations d'urbanisme :

  • d’anticiper et de sécuriser systématiquement la preuve de l'affichage du permis en recourant dès l'origine à un constat de commissaire de justice sur le terrain ;

  • en cas d'omission ou de retard dans la réalisation de ce constat, de recourir immédiatement à des outils numériques sécurisés, tels que des coffres-forts numériques certifiés, pour déposer des photographies horodatées et géolocalisées de l'affichage ;

  • d’assurer une traçabilité numérique rigoureuse afin de renforcer la valeur probante des éléments déposés, et ce, dès la mise en place du panneau réglementaire.

Toutefois, il convient de rester prudent : si cette solution est accueillie favorablement par la juridiction administrative lyonnaise, rien ne garantit encore son adoption généralisée. Par conséquent, la sécurité juridique commande toujours, autant que possible, d’établir dès l’origine un constat d'affichage par commissaire de justice.

Cette jurisprudence innovante, en ouvrant une nouvelle voie de preuve, pourrait ainsi modifier durablement les pratiques en matière d’urbanisme.