A la suite du grenelle sur les violences conjugales, des déclarations ont été faites concernant les enfants obligés de payer une pension à des parents qui auraient été auteur de violences sur l’autre parent et de la préparation d’un texte pour mettre un terme à cette situation injuste.

Ces déclarations ont fait réagir les avocats sur les réseaux sociaux.

En effet il existe déjà dans le code civil une disposition qui permet de décharger les enfants de toute obligation alimentaire ou de les décharger partiellement de cette obligation en cas de manquements graves des parents à leurs obligations.

Il s’agit de l’exception d’indignité.

Il existe également des dispositions relatives à l’autorité parentale qui peuvent être prises par les juridictions pénales.

 

Ce premier billet va s’intéresser à l’exception d’indignité.

L’exception d’indignité, Qu’est-ce que c’est ?

Le Code Civil contient un certain nombre de règles qui régissent les droits et obligations des parents envers leurs enfants et des enfants envers leurs parents.

Lorsque l’enfant est mineur les règles de l’autorité parentale prévoient que chaque parent, y compris lorsque les parents sont séparés, doit contribuer à l’entretien et l’éducation de son enfant.

Cette contribution ne cesse pas lorsque l’enfant est majeur.

Article 371-2 du Code Civil

« Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.

Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur. »

 

Article 373-2-2 du Code Civil

« En cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre, ou à la personne à laquelle l'enfant a été confié.(…)

Cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d'une prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant.

Elle peut être en tout ou partie servie sous forme d'un droit d'usage et d'habitation. (…) »

 

Cette obligation pour les parents de contribuer à l’entretien et l’éducation des enfants trouve une contrepartie lorsque les parents ne sont plus en mesure de subvenir à leurs besoins.

Il s’agit des dispositions de l’article Article 205 du Code Civil (Créé par Loi 1803-03-17 promulguée le 27 mars 1803)

« Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. »

Cette obligation n’est pas limitée aux seuls enfants.

Article 206 du code Civil

« Les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leur beau-père et belle-mère, mais cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l'affinité et les enfants issus de son union avec l'autre époux sont décédés. »

 

La mise en œuvre de cette « solidarité familiale » repose sur une idée simple : les parents prennent soin de leurs enfants qui, devenus adultes, prendront à leur tour soins de leurs parents.

Depuis quelques années les demandes de mise en œuvre de l’obligation alimentaire envers les ascendants se multiplient.

Les personnes vivent de plus en plus tard et sont orientées en EHPAD ou maisons de retraites.

Le montant des retraites ne permet pas toujours le financement dans ces établissements.

Des dispositions contenues dans la Code de l’Action Sociale et des Familles prévoient ce recours contre les descendants, qualifiés d’obligés alimentaires d leurs parents.

L’article L 132-6 du Code de l'action sociale et des familles prévoit dans le premier alinéa :

« Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. (…)»

 

Toutefois les rédacteurs du Code civil avaient prévu les hypothèses de parents qui n’ont pas assumer leurs obligations de parents de façon convenable afin de décharger partiellement ou totalement ces enfants de leur propre obligation alimentaire.

Il s’agit de l’exception d’indignité introduite dans le Code Civil dès 1803.

Article 207 du Code civil, Créé par Loi 1803-03-17 promulguée le 27 mars 1803, Modifié par Loi n°72-3 du 3 janvier 1972 - art. 3 JORF 5 janvier 1972 en vigueur le 1er août 1972

« Les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques.

Néanmoins, quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire. »

Cela signifie qu’un descendant pourra s’opposer au paiement d’une obligation alimentaire dans deux cas :

  •  Lorsque le parent n’aura pas assumé son obligation de contribuer à l’entretien et l’éducation de l’enfant concerné
  • Lorsque le parent aura gravement manqué à ses devoirs envers l’enfant

 

Ces dispositions ont été en partie transposées dans le Code de l’Action Sociale et des Familles puisque les alinéas suivants de l’article L 132-6 du Code de l'action sociale et des familles prévoient que :

« (…) Les enfants qui ont été retirés de leur milieu familial par décision judiciaire durant une période d'au moins trente-six mois cumulés au cours des douze premières années de leur vie sont, sous réserve d'une décision contraire du juge aux affaires familiales, dispensés de droit de fournir cette aide.

Cette dispense s'étend aux descendants des enfants susvisés. (…) »

 

Les juridictions appliquent régulièrement ces dispositions pour décharger partiellement ou totalement le descendant de son obligation alimentaire.

Les juridictions vont décider sur la base des preuves qui seront fournies pour prouver le manquement du parent.

Par exemple :

  • Le jugement de divorce des parents qui mentionne les violences commises par un des parents sur l’autre et / ou les enfants
  • Le jugement d’une juridiction pénale qui condamne un des parents pour des faits de maltraitance, d’abandon de famille etc.
  • Des courriers d’huissiers de justice en raison du non-paiement des pensions alimentaires
  • Des décisions du juge des enfants
  • Des témoignages
  • Etc…

La Cour de Cassation rappelle que les juges du fond ont un pouvoir souverain d’appréciation des preuves apportées.