Participation financière des majeurs protégés percevant l’allocation adulte handicapé

Par un arrêt du 12 février 2020, n° 425138, rendu en chambres réunies, et qui sera mentionné au LEBON le Conseil d'Etat vient de censurer partiellement le décret n° 2018-767 qui prévoyait une participation financière aux frais de leur mesure de protection.

Le décret du n° 2018-767 du 31 août 2018 a modifié les dispositions de l'article R. 471-5-3 du code de l'action sociale et des familles (CASF).

La modification apportée à cet article par l’article 1 du décret était la suivante :

Les majeurs protégés dont les ressources sont inférieures ou égales au montant de l'allocation aux adultes handicapés (819 euros par mois au 1er avril 2018), sont exonérés de toute participation au financement de la mesure de protection les concernant.

En revanche, dès que les ressources du majeur protégé excèdent ce montant un prélèvement de 0,6% était appliqué à l'intégralité de la tranche de revenus correspondant au montant de cette allocation

Dans le recours formé par des associations à l’encontre du décret n° 2018-767 du 31 aout 2018, trois moyens étaient développés.

Les deux premiers qui sont repris ci-dessous sont rejetés.

Par contre le troisième moyen conduit à l’annulation partielle du décret.

Si la censure du décret n’est que partielle elle pose de nombreux problèmes pratiques aux mandataires, et a un impact financier non négligeable sur leurs structures.

Le Conseil d'Etat rejette le premier argument concernant les dispositions de l'article L. 472-3 du code de l'action sociale et des familles.

Le Conseil d'Etat considère que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'en prévoyant que le coefficient fondé sur le montant des ressources pourra avoir, lorsque les ressources du majeur protégé dépassent un certain niveau, un effet multiplicateur plus élevé que celui du coefficient fondé sur la nature des missions, l'arrêté attaqué méconnaîtrait l'article L. 472-3 du code de l'action sociale et des familles.

De même le Conseil d'Etat considère qu’il n’y a pas d’erreur manifeste d'appréciation en retenant, pour apprécier le coût de la mesure de protection exercée par le mandataire judiciaire, des critères tenant à la nature des missions du mandataire judiciaire, au lieu de vie de la personne protégée ainsi qu'aux ressources et au patrimoine de cette personne et en les ayant affectés des coefficients retenus, le décret et l'arrêté attaqués soient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation.

Le Conseil d'Etat rejette le deuxième argument selon lequel que l'article R. 471-5-2 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue du décret attaqué, et l'arrêté pris pour son application seraient entachés d'illégalité

Le Conseil d'Etat rappelle que l'article 1254-1 du code de procédure civile prévoit que le greffier en chef peut solliciter, aux frais de la personne protégée lorsque ses ressources le permettent, l'assistance d'un huissier pour l'examen de vérification des comptes et que le quatrième alinéa de l'article 419 du code civil prévoit qu'en complément de l'indemnité de base prévue par le code de l'action sociale et des familles, le juge des tutelles ou le conseil de famille peut, après avis du procureur de la République, autoriser le versement au mandataire judiciaire d'une indemnité complémentaire, à la charge de la personne protégée, pour l'accomplissement d'un acte ou d'une série d'actes requis par la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, lorsque les sommes perçues au titre de l'indemnité de base s'avèrent manifestement insuffisantes.

Aucun texte ni aucun principe n'impose, pour déterminer le montant de la participation du majeur protégé au coût des mesures de protection juridique, de déduire de son revenu les charges spécifiques susceptibles de lui être imposées en application des dispositions citées au point précédent. Par suite, le moyen tiré de ce en ce qu'ils ne prennent pas en compte de tels frais dans la détermination du montant de cette participation ne peut qu'être écarté.

Le Conseil d'Etat fait droit au troisième moyen.

Les dispositions de l’article R 471-5-3 du CASF avaient été modifiées par le décret et étaient :

Article R471-5-3

« La participation de la personne au financement du coût de sa mesure est calculée sur la base du montant annuel des ressources dont a bénéficié la personne protégée l'année précédente.

Le coût des mesures mentionné à l'article L. 471-5 du présent code n'est pas à la charge de la personne protégée lorsque le montant des ressources annuelles de l'année précédente mentionné à l'article R. 471-5-2 est inférieur ou égal au montant annuel de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l'année précédente.

Dans le cas contraire, la participation de la personne est calculée selon les taux suivants :

1° 0,6 % pour la tranche des revenus annuels égale ou inférieure au montant annuel de l'allocation aux adultes handicapés ;

2° 8,5 % pour la tranche des revenus annuels supérieure au montant annuel de l'allocation aux adultes handicapés et inférieure ou égale au montant brut annuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance ;

3° 20 % pour la tranche des revenus annuels supérieure au montant brut annuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance et inférieure ou égale au même montant majoré de 150 % ;

4° 3 % pour la tranche des revenus annuels supérieure au montant brut annuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 150 % et inférieure ou égale à six fois le montant brut annuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance. »

Ce sont ces dispositions qui sont censurées au motif que « les dispositions contestées prennent ainsi pour seuil à partir duquel est calculée la participation de la personne protégée au financement du coût de sa protection juridique, le montant maximum annuel de l'allocation aux adultes handicapés. Compte tenu de la modicité des ressources des intéressés, le seuil étant en dessous de l'indicateur de pauvreté relative, des conséquences de l'application du taux de 0,6 % sur le montant des revenus annuels des intéressés dès lors qu'ils dépassent ce seuil, en l'absence de tout mécanisme de lissage, la différence de traitement qui en résulte, selon que les personnes protégées sont juste en dessous ou juste au-dessus de ce seuil, est manifestement disproportionnée au regard de l'objet de la mesure, lequel est de les faire participer au financement de leur protection juridique en fonction de leurs ressources. »

 

Le Conseil d’État annule donc le 1° de l’article R. 471-5-3 du Code de l’action sociale et des familles qui pose ce taux de participation de 0,6 % et consacre ainsi l’exclusion de l’AAH dans le calcul de la participation de la personne protégée à sa mesure.

 

A la suite de cet arrêt les services de mandataires et les mandataires privés vont devoir établir de nouveaux comptes pour la prise en charge des frais de gestion.

De même les demandes de financement déposées par les services de mandataires ou les mandataires tenaient compte de ces participations financières des majeurs protégés.

Les demandes sont donc en deça des besoins réels.

Les charges de travail qui pèsent sur les services et les mandataires privés se trouvent donc augmentées avec une incertitude sur l’équilibre budgétaire en cours.

En effet l’article du décret est annulé sur un moyen de légalité interne, et cette annulation est normalement rétroactive.

Les effets sont opposables à tous.

L’article est censé n’avoir jamais existé. Il faut donc remettre les parties en l’état, c'est à dire faire les comptes et rembourser les sommes perçues.

Pour autant les services de mandataires ou les mandataires avaient besoin de ces fonds pour le bon fonctionnement de leur service ou accomplir leur mission.

Il va donc être nécessaire de constituer des dossiers pour modifier les demandes de financement.