L’ordonnance n° 2020-405 du 8 avril 2020 portant diverses adaptations des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif est publiée au Journal Officiel le 09/04/2020.

Certaines dispositions mises en place par l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 sont modifiées.

Avant d’examiner les modifications apportées, il est utile de rappeler les modifications apportées par l’ordonnance du 25 mars 2020.

 

L’ordonnance du 25 mars 2020 avait pour objet d’organiser le fonctionnement des juridictions administratives pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 22 mars 2020.

Tout d’abord l’ordonnance prévoyait la possibilité pour les formations de jugement des Tribunaux Administratif et des Cours Administrative d'Appel de pouvoir délibérer en se complétant, d'un ou plusieurs magistrats en activité au sein de l'une de ces juridictions, ou des magistrats honoraires.

 

Cette ordonnance élargit aux magistrats ayant le grade de conseiller et une ancienneté minimale de deux ans le pouvoir de statuer par ordonnance dans les conditions prévues à l'article R. 222-1 du code de justice administrative, après désignation par le Président de la juridiction.

Pour rappel il s’agit des ordonnances constatant un désistement ou qu’il n’y pas lieu à statuer, rejetant une requête ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, ou manifestement irrecevable lorsque la juridiction n’est pas tenue d’inviter leur auteur à la régulariser, statuer sur les requêtes ne présentant plus que la demande sur l’article L 761-1 du CJA ou la charge des dépens.

Mais il s’agit aussi des ordonnances permettant de statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision devenue irrévocable, à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'Etat en application de l’article L113-1 et, pour le tribunal administratif, à celles tranchées ensemble par un même arrêt devenu irrévocable de la cour administrative d'appel dont il relève ;

Et des ordonnances de rejet, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Les règles formelles imposées aux juridictions administratives sont assouplies puisque les modalités de communication des pièces, actes et avis aux parties peut être effectuée par tout moyen.

 

Concernant l’organisation des audiences, le président de la formation de jugement peut décider que l'audience aura lieu hors la présence du public ou que le nombre de personnes admises à l'audience sera limité.

Les audiences peuvent se tenir en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle. Ce moyen doit permettre de s'assurer de l'identité des parties et garantir un échange et la confidentialité des entretiens entre les parties et l’avocat.

En cas d'impossibilité technique ou matérielle le juge peut, par décision insusceptible de recours, décider d'entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique, permettant de s'assurer de leur identité et de garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges.

Lorsqu'une partie est assistée d'un conseil ou d'un interprète, il n'est pas requis que ce dernier soit physiquement présent auprès d'elle.

Le président doit veiller au bon déroulement des débats et le greffe dresse le procès-verbal des opérations effectuées.

 

Le président peut dispenser le rapporteur public de présenter ses conclusions

 

Les requête en référé peuvent être jugées sans audience, les parties en sont informées, ainsi que de la date de clôture et de l’audience

Les ordonnances rendues sans débat, lorsque la demande relève de l’article L 521-1 du CJA est susceptible d’appel

 

Le président peut statuer sans audience publique sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 du même code : il s’agit des demandes d’arrêt de l’exécution provisoire en cas d’appel d’un jugement qui a annulé une décision administrative

Cette décision peut être rendue publique par mise à disposition, signée par le seul président et la transmission à l’avocat de la partie vaut notification.

 

Les jugements relatifs aux mesures d'éloignement prise à l'encontre des étrangers placés en centre de rétention ne sont pas prononcés à l'audience.

 

Des dispositions particulières relatives aux délais de procédure et de jugement ont été instaurées.

Les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire sont applicables aux procédures devant les juridictions de l'ordre administratif. (Voir notre précédent article sur cette ordonnance)

Les mesures de clôture d'instruction dont le terme vient à échéance au cours de la période d’état d’urgence sont prorogées de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la fin de cette période, à moins que ce terme ne soit reporté par le juge.

Toutefois des exceptions sont apportées à ces suspensions, et n’en bénéficient pas :

1° les recours contre les obligations de quitter le territoire français, recours devant la CNDA, décision de transfert (procédure de détermination de l’état responsable de l’examen de la demande d’asile, et demande d’aide juridictionnelle devant la CNDA le point de départ du délai de recours est reporté au lendemain de la cessation de l'état d'urgence sanitaire au lieu du délai d’un mois

Les procédures accélérées suite au placement en rétention de l’étranger qui a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire,

2° Les délais applicables aux procédures prévues à l'article L. 213-9 (refus d’entrée sur le territoire pur présenter une demande d’asile) et au premier alinéa du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas l'objet d'adaptation ;

3° Les réclamations et les recours mentionnées à l'article R. 119 du code électoral peuvent être formées contre les opérations électorales du premier tour des élections municipales organisé le 15 mars 2020 au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour, fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020 dans les conditions définies au premier alinéa du III de l'article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 susvisée ou, par dérogation, aux dates prévues au deuxième ou troisième alinéa du même III du même article.

Le délai dont dispose le juge pour rendre sa décision dans ces domaines ne fait pas l’objet d’une prolongation

 

Quelles sont les modifications apportées par l’ordonnance du 08 avril 2020 ?

L’article 1er de cette nouvelle ordonnance modifie l’article 1er de la précédente.

La formulation devient :

« Sauf lorsqu'elles en disposent autrement, les dispositions de la présente ordonnance sont applicables à l'ensemble des juridictions de l'ordre administratif. »

Au lieu de

« Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables à l'ensemble des juridictions de l'ordre administratif sauf lorsqu'elles en disposent autrement »

L’article 2 de l’ordonnance du 08 avril 2020 prévoit :

En premier le rôle des audiences peut être publié sur le site de la juridiction

En second, lorsque la partie n’avait pas d’avocat, la notification de la décision peut lui être faite par tout moyen sous réserve de permettre d’attester sa réception

Les dispositions relatives à la clôture sont modifiées et il est ajouté un 1er alinéa :

« Lorsque l'affaire est en état d'être jugée ou que l'urgence le justifie, le juge peut, pour une mesure d'instruction, fixer un délai plus bref que celui qui résulterait de l'application de ces dispositions. Il précise alors que ces dernières ne s'appliquent pas au délai ainsi fixé. » ;

 

Et les dispositions sont complétées par un autre article :

« Toutefois, le juge peut, lorsque l'urgence ou l'état de l'affaire le justifie, fixer une date de clôture d'instruction antérieure à la date résultant du report prévu à l'alinéa précédent. Son ordonnance mentionne alors que celui-ci ne s'applique pas à la date ainsi fixée. »
 

Une dernière modification est apportée dans la formulation

Au lieu de la rédaction initiale dans l’ordonnance du 25.03.2020 qui était : « le point de départ des délais impartis au juge pour statuer »

La nouvelle rédaction devient « Lorsque les délais impartis au juge pour statuer courent ou ont couru en tout ou partie durant la période mentionnée à l'article 2, leur point de départ (…) »