Par 5 arrêts du 30 juin 2021 la chambre sociale de la Cour de cassation est venue préciser quels sont les délais de prescription des demandes en faisant une distinction selon la nature de la créance.

Il s’agit des décisions suivantes (en annexe à cet article)

  • Cassation chambre sociale du 30-6-2021 n° 18-23.932
  • Cassation chambre sociale du 30-6-2021 n° 19-10.161
  • Cassation chambre sociale du 30-6-2021 n° 19-14.543
  • Cassation chambre sociale du. 30-6-2021 n° 20-12.960
  • Cassation chambre sociale du 30-6-2021 n° 19-16.655

Le délai de prescription est le délai au-delà duquel une demande ne sera plus recevable.

Il faut rappeler que les délais de prescription en droit social sont différents des délais de prescription du droit civil.

Plusieurs questions se posent, quel est le point de départ de la prescription et quel délai de prescription doit être appliqué.

Par ces arrêts la Cour de cassation vient apporter des réponses et précisions.

L’arrêt de la Cassation chambre sociale du 30-6-2021 n° 18-23.932:

Les faits concernaient un salarié (DRH) qui demandait le paiement d’heures supplémentaires en invoquant l’inopposabilité de la convention de forfait en jours.

La question qui se posait était de savoir si cette demande était soumise à la prescription de l’action en contestation d’une convention de forfait en jours (deux ans) ou l’action en rappel de salaire (trois ans).

La réponse de la Cour de cassation est la suivante :

« 5. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'un rappel de salaire fondée sur l'invalidité d'une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail.

6. Après avoir retenu que la convention de forfait en jours était inopposable au salarié, la cour d'appel, qui a constaté que ce dernier sollicitait un rappel d'heures supplémentaires exécutées en 2013, 2014, 2015 et durant les trois années précédant la saisine du conseil de prud'hommes, a exactement décidé que la demande n'était pas prescrite. »

L’arrêt de la Cassation chambre sociale du 30-6-2021 n° 19-10.161

Une salariée demandait des rappels de salaire en raison d’une requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps complet.

Elle est déboutée de sa demande car la Cour d'Appel considère que le délai de prescription devant être retenu est le délai de deux ans, applicable aux demandes concernant l’exécution du contrat de travail.

La salariée quant à elle soutenait que sa demande devait se voir soumise au délai de prescription de trois ans, délais pur les rappels de salaire.

La réponse de la Cour de cassation est la suivante :

« Vu l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article L. 3245-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

8. Aux termes du premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Selon le second, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

9. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

10. Pour déclarer l'action de la salariée irrecevable comme étant prescrite, l'arrêt retient que les demandes en paiement de sommes résultent de son action en requalification de son contrat de travail à temps complet en sorte qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, dès lors que ses réclamations pécuniaires sont la conséquence de ses prétentions en requalification à temps complet de son contrat de travail.

11. L'arrêt ajoute que la salariée ne peut pas valablement prétendre que sa demande ne repose pas sur un fait unique mais sur une situation qui a perduré jusqu'à son placement en maladie et que c'est la prescription triennale qui s'applique, aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dès lors que cet article ne concerne que l'action en paiement du salaire qui ne peut trouver ici à s'appliquer.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, par fausse application du premier et refus d'application du second. »

L’arrêt de la Cassation chambre sociale du 30-6-2021 n° 19-14.543

Les demandes concernaient le versement de la gratification au titre de la médaille du travail, ainsi que la monétisation du compte épargne temps, et une demande indemnitaire pour résistance abusive de l’employeur, demandes présentées par un salarié retraité

En ce qui concerne la première question, il s’agissait de déterminer si le délai de prescription est celui applicable à la contestation de l’exécution du contrat de travail (deux ans) ou celui concernant les demandes liées aux discriminations (cinq ans).

La réponse de la Cour de cassation est la suivante :

«  Vu l'article L. 1134-5 du code du travail :

5. Selon ce texte, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Les dommages-intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

6. Pour déclarer irrecevable la demande de versement de la gratification afférente à la médaille du travail, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, retient que cette action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, ce dont il déduit que le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale le 5 mai 2015, la demande en versement de la gratification afférente à la médaille du travail en raison de ses trente-cinq ans d'activité dans l'entreprise (acquis en 2007) est prescrite.

7. En statuant ainsi, alors que l'action engagée le 5 mai 2015 était fondée sur des faits de discrimination allégués commis en application d'un accord collectif conclu le 24 janvier 2011, de sorte qu'elle était soumise à la prescription quinquennale et que l'action n'était pas prescrite à la date de la saisine de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Pour la deuxième question il s’agissait de déterminer si la demande relevait de l’exécution du contrat de travail (délai de deux ans) ou d’une demande de nature salariale (délai de trois ans).

La réponse de la Cour de cassation est la suivante :

« Vu l'article L. 3151-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l'article L. 3245-1 du même code :

9. Aux termes du premier de ces textes, le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie de périodes de congé ou de repos non prises, ou de sommes qu'il y a affectées.

10. Pour déclarer irrecevable la demande de monétisation d'un certain nombre de jours épargnés sur le compte épargne-temps, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, retient que cette action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit et que le salarié reconnaît dans ses écritures avoir sollicité le paiement en 2008 et en 2010 d'un certain nombre de jours sur son compte épargne-temps, ce dont il déduit que le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale le 5 mai 2015, la demande est prescrite.

11. En statuant ainsi, alors que l'action relative à l'utilisation des droits affectés sur un compte épargne-temps, acquis en contrepartie du travail, a une nature salariale, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Concernant la troisième demande la Cour de cassation répond que cette demande étant liée aux deux premières, elle est en conséquence recevable.

L’arrêt de la Cour de cassation chambre sociale du. 30-6-2021 n° 20-12.960

Il s’agit d’une demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée de différents contrats de mission intérimaire.

La question posée concerne le point de départ de la prescription

La Cour répond :

« 4. Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

5. Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

6. Selon l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat de mission à l'égard de l'entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats de mission, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

8. La cour d'appel a constaté que le terme du dernier contrat de mission de l'intéressé au sein de l'entreprise utilisatrice était le 29 juillet 2016. Elle a relevé, par motifs propres et adoptés, que le salarié avait introduit, le 21 novembre 2016, une action en requalification des contrats de mission souscrits à compter du 9 janvier 2012 en un contrat à durée indéterminée en soutenant que la conclusion successive de quatre-vingt-treize contrats de mission avait pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

9. Elle en a exactement déduit que cette action n'était pas prescrite et que le salarié pouvait demander que la requalification produise ses effets au premier jour de sa mission, soit le 9 janvier 2012. »

L’arrêt de la Cassation chambre sociale du 30-6-2021 n° 19-16.655

Deux procédures sont jointes. Il s’agit de salariés qui ont présenté une demande de rappels de salaires pour inégalité de traitement.

La question posée est de savoir si le rappel de salaire doit se voir appliquer la prescription de trois ans ou, si cette demande pouvait relever d’une discrimination (délai de cinq ans)

La réponse de la Cour de cassation est la suivante :

« 5. Lorsque le salarié invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance objet de sa demande.

6. La cour d'appel, qui a constaté que la demande de rappel de salaire était fondée non pas sur une discrimination mais sur une atteinte au principe d'égalité de traitement, a exactement décidé que cette demande relevait de la prescription triennale »