Par un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation n° 19-26.152 du 20 octobre 2021, décision publiée au bulletin, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence.

Depuis les arrêts du 26 janvier 1994 (n° de pourvoi 91-05.083) et du 10 juillet 1996 (n° de pourvoi 95-05.027), le Juge des Enfants était «  compétent, à charge d'appel, pour tout ce qui concerne l'assistance éducative [et il pouvait prendre], à ce titre, des mesures qui aboutissent à imposer des modalités différentes, quant à l'exercice de l'autorité parentale, de celles prévues par le juge aux affaires familiales, lorsqu'un fait de nature à entraîner un danger pour l'enfant s'est révélé ou est survenu postérieurement. »

Cette interprétation des textes permettait au Juge des Enfants de prendre une mesure de placement de l’enfant chez l’un de ses parents et de restreindre les droits de visite et d’hébergement fixés par le Juge aux Affaires Familiales.

Dans l’arrêt du 20 octobre 2021, la Cour revient sur cette répartition des pouvoirs des Juge des Enfants et Juge aux Affaires Familiales.

Dans cette affaire, un jugement de divorce avait été prononcé en avril 2018, décision qui fixait la résidence habituelle de l’enfant chez le père et prévoyait un droit de visite et d’hébergement au profit de la mère

Postérieurement à ce jugement une mesure d’assistance éducative st intervenue et le Juge des Enfants avait pris une décision de placement de l’enfant chez le père avec limitation du droit de visite de la mère à un droit médiatisé.

La Cour de cassation rappelle les dispositions de l’article 375-3 du code civil :

« Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier :

1° A l'autre parent ;

2° A un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ;

3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ;

4° A un service ou à un établissement habilité pour l'accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ;

5° A un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé. »

Avant de préciser que lorsque le Juge aux Affaires Familiales a rendu une décision l’intervention du Juge des Enfants et des mesures prévues par l’article 375-3 du Code civil « ne peuvent être prises que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s'est révélé postérieurement à la décision statuant sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ou confiant l'enfant à un tiers. »

La Cour ajoute que cette compétence du Juge des Enfants ne peut pas « faire obstacle à la faculté qu'aura le juge aux affaires familiales de décider, par application de l'article 373-3, à qui l'enfant devra être confié. »

La Cour mentionne les arrêts de 1994 et 1996 qui avaient permis au Juge des Enfants de modifier les modalités d'exercice de ce droit, alors même qu'aucune mesure de placement n'était ordonnée pour revenir sur cette compétence.

Désormais, la Cour de cassation estime dans une motivation très détaillée et reproduite ci-dessous que  

«8. Cependant en cas d'urgence, le juge aux affaires familiales peut être saisi en qualité de juge des référés, par les parents ou le ministère public, sur le fondement de l'article 373-2-8 du code civil, en vue d'une modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale.

9. En conférant un pouvoir concurrent au juge des enfants, quand l'intervention de celui-ci, provisoire, est par principe limitée aux hypothèses où la modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale est insuffisante à mettre fin à une situation de danger, la solution retenue jusqu'alors a favorisé les risques d'instrumentalisation de ce juge par les parties.

10.Par ailleurs, la Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence, en limitant, sur le fondement de l'article 375-7 du code civil, la compétence du juge des enfants, s'agissant de la détermination de la résidence du mineur et du droit de visite et d'hébergement, à l'existence d'une décision de placement ordonnée en application de l'article 375-3 du même code.

11. Ainsi, il a été jugé, en premier lieu, qu'il résulte des articles L. 312-1 et L. 531-3 du code de l'organisation judiciaire, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006, et des articles 373-2-6, 373-2-8, 373-4 et 375-1 du code civil que la compétence du juge des enfants est limitée, en matière civile, aux mesures d'assistance éducative et que le juge aux affaires familiales est seul compétent pour statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et la résidence de l'enfant, de sorte qu'en cas de non-lieu à assistance éducative, le juge des enfants ne peut remettre l'enfant qu'au parent chez lequel la résidence a été fixée par le juge aux affaires familiales (1re Civ., 14 novembre 2007, pourvoi n° 06-18.104, Bull. 2007, I, n° 358), en second lieu, que le juge aux affaires familiales est compétent pour fixer, dans l'intérêt de l'enfant, les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, sauf à ce que juge des enfants ait ordonné un placement sur le fondement de l'article 375-3 du code civil (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-13.390, Bull. 2010, I, n° 130).

12. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît nécessaire de revenir sur la jurisprudence antérieure et de dire qu'il résulte de la combinaison des articles 375-3 et 375-7, alinéa 4, du code civil que, lorsqu'un juge aux affaires familiales a statué sur la résidence de l'enfant et fixé le droit de visite et d'hébergement de l'autre parent, le juge des enfants, saisi postérieurement à cette décision, ne peut modifier les modalités du droit de visite et d'hébergement décidé par le juge aux affaires familiales que s'il existe une décision de placement de l'enfant au sens de l'article 375-3, laquelle ne peut conduire le juge des enfants à placer l'enfant chez le parent qui dispose déjà d'une décision du juge aux affaires familiales fixant la résidence de l'enfant à son domicile, et si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s'est révélé postérieurement à la décision du juge aux affaires familiales.

13. La cour d'appel a retenu à bon droit, d'une part, que, le juge aux affaires familiales ayant fixé, lors du jugement de divorce, la résidence habituelle de la mineure au domicile de son père, le juge des enfants n'avait pas le pouvoir de lui confier l'enfant, l'article 375-3 du code civil, ne visant que « l'autre parent », d'autre part, qu'en l'absence de mesure de placement conforme aux dispositions légales, le juge des enfants n'avait pas davantage le pouvoir de statuer sur le droit de visite et d'hébergement du parent chez lequel l'enfant ne résidait pas de manière habituelle.

14. Elle en a exactement déduit que seul le juge aux affaires familiales pouvait modifier le droit de visite et d'hébergement de la mère de l'enfant. »

En conséquence lorsque le Juge des Enfants intervient après une décision du Juge aux Affaires Familiales (divorce ou décision après divorce ou hors divorce) ses pouvoirs seront les suivants :

  • Non-lieu à assistance éducative : aucune intervention n’est possible (situation inchangée)
  • Assistance éducative : seul le Juge aux Affaires Familiales est compétent pour fixer la résidence de l’enfant et modifier les droits de visite et d’hébergement de l’autre parent,
  • Placement de l’enfant : le placement ne peut se faire que chez l’autre parent que celui qui accueillait l’enfant et le Juge aux Affaires Familiales reste compétent

En conséquence, en cas de danger apparu postérieurement à la décision du Juge aux Affaires Familiales, ce sera ce même Juge aux Affaires Familiales qui sera compétent pour modifier les modalités de résidence et de droit d’hébergement et non le juge des enfants, même en cas d'urgence.