La Cour de cassation, dans un arrêt Chambre civile 2, du 7 juillet 2022, n° 21-11.484, Publié au bulletin rappelle que la caisse d'allocations familiales dispose d’un droit de communication de documents ou renseignements détenus par des tiers mais que l’usage de ce droit doit faire l’objet d’une information de la personne concernée.

De quoi s’agit-il ?

Dans le cadre de sa mission de contrôle la caisse d'allocations familiales s’est vu accorder par les dispositions de l’article L114-19 du Code de la Sécurité sociale un droit d’accès à des informations détenues par un tiers.

Il peut s’agir de relevés bancaires, de relevés téléphoniques, ou de tout autres renseignements détenus par des opérateurs tiers et pouvant établir une éventuelle fraude (emploi, vie commune, caractère inexact de la mention d’une personne à charge etc.)

Article L114-19 du code de la Sécurité Sociale :

« Le droit de communication permet d'obtenir, sans que s'y oppose le secret professionnel, les documents et informations nécessaires :

1° Aux agents des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites ou l'authenticité des pièces produites en vue de l'attribution et du paiement des prestations servies par lesdits organismes ;

2° Aux agents chargés du contrôle mentionnés aux articles L. 243-7 du présent code et L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime pour accomplir leurs missions de contrôle définies aux mêmes articles et leur mission de lutte contre le travail dissimulé définie aux articles L. 8271-7 à L. 8271-12 du code du travail (1) ;

3° Aux agents des organismes de sécurité sociale pour recouvrer les prestations versées indûment ou des prestations recouvrables sur la succession.

Le droit prévu au premier alinéa peut porter sur des informations relatives à des personnes non identifiées, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Les données ainsi obtenues peuvent faire l'objet d'une interconnexion avec les données des organismes mentionnés à l'article L. 213-1 au titre de l'accomplissement de leurs missions de contrôle et de lutte contre le travail dissimulé. Les modalités de l'interconnexion sont définies par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Le droit prévu au premier alinéa s'exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents et peut s'accompagner de la prise immédiate d'extraits et de copies.

Les documents et informations sont communiqués à titre gratuit, par voie dématérialisée sur demande de l'agent chargé du contrôle ou du recouvrement, dans les trente jours qui suivent la réception de la demande.

Le silence gardé ou le refus de déférer à une demande relevant du premier alinéa du présent article est puni d'une pénalité de 1 500 € par cotisant, assuré ou allocataire concerné, sans que le total de la pénalité puisse être supérieur à 10 000 €.

Le silence gardé ou le refus de déférer à une demande relevant du cinquième alinéa du présent article est puni d'une pénalité de 5 000 €. Cette pénalité s'applique pour chaque demande, dès lors que tout ou partie des documents ou renseignements sollicités n'est pas communiqué.

Ces montants sont doublés en cas de récidive de refus ou de silence gardé du tiers dans le délai de cinq ans à compter de l'expiration du délai de trente jours octroyé au tiers pour faire droit à la première demande de l'organisme de sécurité sociale. »

Cependant lorsque ce droit a été mis en œuvre l’organisme a l’obligation de communiquer, avant la mise en recouvrement, la teneur et l’origine des renseignements obtenus.

Il s’agit de l’article L 114-21 du code de la Sécurité sociale :

« L'organisme ayant usé du droit de communication en application de l'article L 114-19 est tenu d'informer la personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d'une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s'est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande. »

Cette communication doit être formelle et pas seulement verbale.

Le non-respect de cette formalité conduit à l’annulation du contrôle.

Dans l’arrêt de la 2ème chambre civile du 07 juillet 2022 le débat portait sur le moyen d’information employé par la caisse d'allocations familiales envers la personne contrôlée.

La caisse d'allocations familiales indiquait avoir procédé à une information verbale avant la demande de renseignements, puis toujours verbale après avoir reçu les informations.

La réponse de la Cour de cassation est donnée dans le 6ème considérant de sa décision :

« 6. Cette obligation d'information constitue une formalité substantielle dont le non-respect entraîne la nullité de la procédure de contrôle. Il doit y être satisfait avec une précision suffisante pour mettre la personne contrôlée en mesure de disposer d'un accès effectif, avant la mise en recouvrement de l'indu, à ces informations et documents »

La cour reprend les faits et les conditions de la communication verbale de l’information pour conclure que ces modalités ne respectent pas cette formalité.

« 7. Pour rejeter la demande de l'allocataire tendant à l'annulation de la procédure de contrôle, l'arrêt énonce qu'il ressort du rapport d'enquête établi par l'agent chargé du contrôle que l'allocataire a été informé, lors d'un premier entretien à son domicile, que le contrôleur aurait recours au droit de communication auprès des banques pour obtenir les relevés bancaires qu'il refusait de lui fournir, que lors d'un entretien téléphonique ultérieur, il a été informé qu'il ne pouvait être considéré comme locataire au regard de divers éléments (absence de mouvements bancaires permettant de confirmer le versement d'un loyer, virements réguliers sur le compte du propriétaire ne correspondant pas au montant du loyer mais permettant de retenir une situation de vie commune, existence de divers virements provenant d'un compte en Suisse sur le compte de l'allocataire à la banque postale), et qu'enfin, il a été informé plus globalement de la faculté pour la caisse de mettre en œuvre le droit de communication prévu aux articles L. 114-9 et suivants du code de la sécurité sociale et de son droit à obtenir la communication des documents obtenus des tiers, et ce oralement lors d'un entretien. Il constate que l'allocataire n'a sollicité la communication d'aucun document obtenu des tiers et retient que celui-ci a été informé de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès des tiers sur lesquels la caisse s'est fondée pour prendre sa décision.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. »

Cette décision est importante car en pratique l’information n’est pas donnée par écrit, mais simplement verbalement, ce qui ne permet pas de savoir si elle a ou non été correctement fournie.

La sanction est la nullité du contrôle.

Arrêt de la Cour de cassation en pièce jointe