Dans deux arrêts, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation est venue apporter des précisions concernant l’application de clauses d’exclusion de garantie.

Arrêt n° 1 : Civ. 3ème 16 mars 2022 n° 18-23.954

Arrêt n° 2 : Civ. 3ème 20 avril 2022 n° 21-16.297

Ces deux arrêts sont disponibles en pièces jointes.

Le principe est que les parties déterminent le contenu du contrat d’assurance, sauf en matière d’assurance obligatoire.

Dans les faits, dans la majorité des cas, l’assuré se contente de signer un contrat préparé à l’avance par l’assureur.

Afin de protéger le futur assuré, le code des assurances prévoit dans deux articles, L113-1 et L 112-4 des conditions précises concernant la rédaction et la présentation des clauses d’exclusion de garantie.

Ces clauses doivent être apparentes, leur rédaction ne doit pas être ambiguë et elles ne doivent pas vider le contrat d’assurance de sa substance.

Ces impératifs ne s’appliquent pas, par contre, aux clauses définissant le risque ou conditionnant la garantie.

De même les règles de preuves pour la prise en charge d’un sinistre ne sont pas la même selon que la clause est une clause d’exclusion de garantie (la charge de la preuve incombe à l’assureur) ou une clause définissant le risque ou conditionnant la garantie (la charge de la preuve incombe à l’assuré).

Or il existe parfois une difficulté pour qualifier la nature de la clause opposée par l’assureur.

La distinction entre clause d’exclusion et clause définissant le risque garanti n’est pas toujours simple.

Ces deux arrêts de la Cour de cassation apportent, en matière d’assurance construction, des précisions utiles.

La Cour de cassation rappelle que « la clause qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque constitue une clause d'exclusion de garantie » (arrêt n° 2)

La cour de cassation rappelle également que « le contrat d'assurance ne peut déroger aux règles qui encadrent les clauses d'exclusion de garantie au moyen d'exclusions indirectes » (arrêt n° 1)

Enfin la Cour de cassation rappelle un principe propre aux assurances dites dégât des eaux.

 

L’assureur est tenu de garantir lorsque le sinistre a lieu pendant la période de validité du contrat.

Le simple écoulement des eaux suffit, peu importe que l’origine du dommage soit antérieure à la souscription du contrat.

La notion de fait générateur est écartée.

Enfin, on notera que l’arrêt n° 1 a estimé que « le juge ne peut rejeter la demande formée contre l'assureur sans rechercher, lorsque les parties l'y invitent, si l'exclusion figure dans le contrat selon les formes prévues pour de telles clauses. »

La cour de cassation précise que « L’exclusion indirecte qui peut résulter de la clause définissant le risque peut être valable si la police la formalise, par ailleurs, conformément aux articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances. »

Quels étaient les faits dans ces deux procédures.

Dans le premier arrêt, du 16 mars 2022, les acquéreurs d’un pavillon et leur assureur sont assignés par les propriétaires d’un pavillon voisin qui leur reproche des d’infiltrations d’eau en raison d’une fuite dans leurs canalisations d’eau enterrées.

L’arrêt de la Cour d'Appel avait écarté la responsabilité de l’assureur des nouveaux propriétaires en considérant que l’origine du dommage était antérieure à l’acquisition du pavillon.

L’arrêt de la Cour d'Appel indiquait « le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage, en l'espèce les fuites sur le réseau des canalisations enterrées de la propriété de M. et Mme [F], dont l'origine remonte à 1997 et 2005, soit antérieurement au 25 janvier 2007, date de prise d'effet de l'assurance multirisques habitation. »

La Cour de cassation censure cette décision et juge que : « En statuant ainsi, alors que, dans les assurances « dégâts des eaux », l'assureur est tenu à garantie, dès lors que le sinistre est survenu pendant la période de validité du contrat d'assurance, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Enfin des clauses contradictoires existaient entre les nouveaux propriétaires du pavillon et leur assureur.

Les conditions particulières du contrat d'assurance stipulaient que l'assureur garantissait la réparation pécuniaire des dommages causés par les « dégâts des eaux » .

Dans les conditions générales étaient expressément garantis les dégâts des eaux provenant de « conduites non enterrées »

Et enfin les exclusions ne mentionnaient pas expressément les dégâts des eaux provenant de conduites enterrées.

La Cour d'Appel avait considéré que « les conditions générales du contrat d'assurances ne couvrent pas les dommages provenant d'une canalisation enterrée chez l'assuré, qu'il s'agit d'une non-garantie qui n'a pas à répondre au formalisme édicté par l'article L. 112-4 du code des assurances. » et considéré que la garantie n’était pas due par l’assureur.

La Cour de cassation censure l’arrêt en indiquant :

« 19. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les exclusions de garantie mentionnaient expressément les dégâts des eaux provenant de conduites enterrées, à défaut de quoi ceux-ci faisaient l'objet d'une exclusion indirecte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. »

Dans le second arrêt du 20 avril 2022, un architecte avait en charge la maitrise d’œuvre des travaux de restauration d’un château endommagé par un incendie.

Les travaux ont débuté avant l’obtention d’un permis de construire et, à la suite du refus du permis, le propriétaire du château a dénoncé le contrat de maitrise d’œuvre conclu avec l’architecte pour perte de confiance.

Après une expertise le propriétaire du château a assigné les constructeurs et assureurs en réparation de ses préjudices.

La Cour d'Appel avait écarté la garantie de l’assureur de l’architecte en jugeant que le commencement des travaux avant l’obtention du permis de construire, l’architecte « avait exercé son activité dans le cadre, non pas d'une exclusion de garantie, mais d'un risque non couvert par l'assureur le contrat garantissant M. [I] uniquement « contre les conséquences pécuniaires des responsabilités spécifiques de sa profession d'architecte, qu'il encourt dans l'exercice de celle-ci, telle qu'elle est définie par la législation et la réglementation en vigueur à la date de l'exécution de ses prestations»

La Cour d'Appel dans sa motivation ajoutait « 'en commençant les travaux avant l'obtention d'un permis de construire, M. [I] s'est rendu complice d'une infraction pénale, en contravention avec l'article 12 du décret n° 80-217 du 20 mars 1980 devenu le code de déontologie des architectes, de sorte qu'il a exercé son activité dans le cadre, non pas d'une exclusion de garantie, mais d'un risque non couvert par l'assureur. »

La Cour de cassation censure cet arrêt.

La Cour de cassation rappelle :

« Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

14. Il résulte de ce texte que la clause, qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, constitue une clause d'exclusion de garantie. (…)

17. En statuant ainsi, alors que l'exécution des travaux en violation des règles d'urbanisme imposant l'obtention d'une autorisation de construire constituait une circonstance particulière de la réalisation du risque, de sorte que l'assureur invoquait une exclusion de garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Dans un autre moyen de cassation, la Cour a également censuré l’arrêt de Cour d'Appel qui avait rejeté la demande présentée contre l’architecte en considérant que le maître de l’ouvrage n’avait pas engagé un autre maître d’œuvre.

La décision est intéressante. La motivation de la Cour de cassation est la suivante :

« 10. Pour rejeter les demandes d'indemnités formées par M. [P] pour les préjudices causés par l'arrêt du chantier, l'arrêt retient qu'il appartenait au maître de l'ouvrage de contracter avec un nouveau maître d'œuvre après la rupture du contrat par M. [I], ce qu'il n'avait pas fait, générant par cette carence l'arrêt du chantier.

11. Il retient, ensuite, que M. [I] n'était pas chargé d'une mission d'ordonnancement, pilotage et coordination du chantier, qu'il n'avait pris aucun engagement en termes de délais, qu'aucun planning particulier n'avait été mis en place avec les entreprises, qu'il ne résultait d'aucune pièce ou d'aucun échange que M. [P] entendait disposer de l'immeuble reconstruit à une date particulière et que l'expertise avait mis en évidence que l'architecte avait été mis en difficulté par le choix du maître de l'ouvrage de ne consacrer qu'un budget de 400 000 euros à l'opération de rénovation, dont M. [I] avait fini par constater qu'il était insuffisant pour y procéder, alors que le maître de l'ouvrage avait reçu une indemnité d'assurance de 555 467 euros après l'incendie.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'arrêt du chantier n'avait pas pour cause le commencement des travaux par l'architecte avant l'obtention d'un permis de construire, un manque de précision des travaux à réaliser et un manquement de l'architecte à son obligation d'informer le maître de l'ouvrage, avant le début des travaux, de l'inadéquation entre le budget alloué et le projet retenu, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. »