Dans un arrêt du Conseil d'Etat du 15 novembre 2022, n° 461131, il est rappelé que lorsqu’un permis de visite a été accordé à la famille d’un détenu, que ce soit dans le cadre de la détention provisoire ou de l’exécution d’une peine, la suspension ou le retrait de ce permis doit être motivé.

Cela parait évident, mais dans la pratique ce n’est pas toujours le cas.

Le Conseil d'Etat rappelle dans cette décision les principes, même si après avoir censuré la décision du juge du référé qui avait rejeté la demande, l’examen du cas d’espèce aboutit à un rejet de la demande de suspension.

Quelle était la situation ?

Une femme qui est mère d’enfants mineurs, et victime de violences conjugales est restée plusieurs années sans visiter son mari incarcéré.

Elle demande un permis de visite pour elle et ses enfants, permis qui lui est refusé.

Elle saisit le Tribunal Administratif d’une demande de suspension en référé. Le Tribunal Administratif rejette sa demande en considérant que l’absence de motivation de cette décision de refus de délivrance « n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée. »

C’est sur ce point de droit que le Conseil d'Etat censure la décision déférée.

Le Conseil d'Etat motive sa décision en considérant que « en retenant que n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée le moyen tiré de ce qu'elle était entachée d'insuffisance de motivation, le juge des référés a entaché son appréciation sur le caractère sérieux des moyens de dénaturation »

Le Conseil d'Etat sans examiner les autres moyens du pourvoi affirme que la requérante est fondée à demander l’annulation de la décision critiquée.

Le Conseil d'Etat va ensuite examiner les motifs du refus, développés par le garde des sceaux, ministre de la justice en défense.

Le Conseil d'Etat les examine et considère que « la requérante n'établit pas que l'exécution de décision dont elle demande la suspension serait constitutive d'une urgence justifiant la suspension de la décision de retrait du permis de visite. »

En l’espèce les motifs avancés devant le Conseil d'Etat par le garde des sceaux étaient que « la décision est justifiée par les craintes pour les risques auxquels Mme D... pourrait être exposée en cas de visite à M. A..., dès lors que ce dernier a commis, de façon répétée, sur une période de plusieurs années, des actes de violences conjugales d'une extrême gravité et qu'il ne serait pas en mesure de mettre en place des mesures de sécurité telles que les visites pourraient se dérouler sans risques pour la requérante. Les préoccupations mises en avant par le garde des sceaux, tenant à la protection des personnes sollicitant un permis de visite et au maintien du bon ordre au sein de l'établissement pénitentiaire, doivent être prises en compte au titre de l'appréciation globale portée sur l'urgence. D'autre part, la requérante n'a pas souhaité rendre visite à son mari pendant ses premières années d'incarcération, entre 2016 et 2021, et ne fournit pas les raisons particulières qui la conduisent à souhaiter désormais lui rendre visite. Enfin, si elle met en avant l'intérêt pour ses enfants de pouvoir rendre visite à leur père, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que ces enfants ont pu continuer à rendre visite à leur père en dépit de l'absence de permis de visite de leur mère, en étant accompagnés par un autre membre de la famille, et que la requérante pourrait par ailleurs solliciter le concours d'une association à cette fin. »

En conséquence le juge des référés a, à tort, rejeté la requête en considérant que l’absence de motivation de la décision de refus / retrait de permis de visite n’était pas motivée car ce type de décision doit être motivé.

Cependant la demande de suspension de cette mesure de retrait de permis de visite, sous la forme d’une procédure d’urgence, ne justifie pas au regard des motifs invoqués, pour la première fois par le garde des sceaux devant le Conseil d'Etat.

La procédure va donc suivre son cours devant le Tribunal Administratif dans le cadre d’une procédure au fond, qui connaitra une réponse dans plusieurs mois.

Arrêt du Conseil d'Etat en lien avec cet article.