Dans un important arrêt du 14 juin 2023, 1ère chambre civile, n° 22-17.520 la Cour de cassation modifie le point de départ de la prescription de l’article 2225 du code civil.

Ce revirement de jurisprudence par rapport à la solution adoptée par la décision du 14 janvier 2016 par la 1ère chambre civile, n° 14-23.200, va sans doute conduire els avocats à modifier leurs pratiques.

Dans la décision du 14 janvier 2016, le point de départ du délai de prescription était le prononcé de la décision juridictionnelle.

Cela signifiait qu’il suffisait de se référer à la date de la décision pour comptabiliser le délai ;

Dans l’arrêt du 14 juin 2023, la cour de cassation considère que le point de départ de la prescription est l’expiration du délai de recours contre la décision rendue, ou, précision importante, à moins que les relations aient cessé avant cette date entre le client et son avocat.

Cette décision va poser, en pratique, de nombreuses interrogations.

  • Quel est le délai en l’absence de signification de la décision ?
  • Devra-t-on systématiquement faire signifier les décisions rendues pour faire courir le délai de prescription ?
  • Comment devra-t-on procéder lorsqu’aucune des parties ne prend position sur la décision rendue (fréquent en matière de Juge aux Affaires Familiales par exemple) ?  

La cour de cassation a invoqué d’office un moyen et donne une large publicité à cette décision qui sera publiée au bulletin et dans la lettre d’information.

« Sur le moyen relevé d'office (…)

Vu l'article 2225 du code civil, l'article 412 du code de procédure civile et l'article 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat :

4. Selon le premier de ces textes, l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant assisté ou représenté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.

5. Il résulte du deuxième que la mission d'assistance en justice emporte pour l'avocat l'obligation d'informer son client sur les voies de recours existant contre les décisions rendues à l'encontre de celui-ci.

6. Selon le troisième, l'avocat conduit jusqu'à son terme l'affaire dont il est chargé, sauf si son client l'en décharge ou s'il décide de ne pas poursuivre sa mission.

7. La Cour de cassation juge que l'action en responsabilité contre un avocat se prescrit à compter du prononcé de la décision juridictionnelle obtenue (1re Civ., 14janvier 2016, pourvoi n° 14-23.200, Bull. n° 14).

8. Si cette jurisprudence permet de fixer un point de départ unique à la prescription de l'action en responsabilité formée contre un avocat, elle se concilie toutefois difficilement avec d'autres dispositions, telles que celles des deux derniers textes précités.

9. Il y a lieu de déduire désormais de la combinaison des textes précités que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date. »

Une grande vigilance va s’imposer à nos cabinets afin d’éviter une quasi imprescriptibilité de notre responsabilité.

Décision jointe