Lors de la Nuit du Droit 04 octobre 2023

Faculté de droit et de sciences économiques de LIMOGES

J’ai eu l’honneur d’intervenir pour le Barreau de LIMOGES et partage avec vous le texte de mon intervention.

LES MINEURS ET LE HARCELEMENT NUMERIQUE

 

Le Mineur auteur / victime

Le rôle de l’avocat

Pourquoi faire appel à un avocat,

Quel est son rôle ?

 

Tout d’abord il faut faire la chasse aux idées reçues

1° l’avocat n’est pas inaccessible

Le Barreau de LIMOGES est en pointe dans la défense des droits des mineurs depuis plus de 25 ans avec l’association AVO DROITS LES JEUNES.

Elle regroupe des avocats volontaires, spécifiquement formés.

Ils assurent le mercredi de chaque semaine une permanence gratuite à la Maison de l’Avocat de 14 H 30 à 16 H 00, sans rendez-vous.

Un avocat reçoit le mineur, seul, et de façon anonyme.

Il s’agit d’écouter, de conseiller et de répondre aux interrogations des mineurs.

En cas d’urgence, un avocat est de permanence sur la semaine et peut être contacté

2° l’avocat ne va pas vous ruiner en honoraires

Si les parents doivent consulter un avocat, il existe des consultations gratuites ouvertes par l’intermédiaire de l’Ordre.

Si les parents engagent un avocat son intervention est encadrée par une convention d’honoraires.

Le médiateur de la profession et le Bâtonnier veillent aux bonnes conditions de cette intervention.

3° l’avocat ne met pas le feu aux poudres

L’avocat est un professionnel qui aura un regard neutre sur la situation.

Cet avocat n’a aucun intérêt personnel et son intervention n’aggravera pas la situation.

4° l’avocat est utile

L’avocat connait les dispositions applicables et ses réponses en droit seront appropriées à la situation.

La législation évolue très rapidement et les réponses sur internet ne sont pas toujours pertinentes ou à jour ;

La liste, non exhaustive, de dispositions concernant le cyberharcèlement que j’ai préparé révèle la complexité de la matière.

L’avocat pourra vous conseiller ainsi que votre enfant et vous proposer des solutions et au besoin des voies d’action

Dans une situation de harcèlement numérique le mineur peut être l’auteur ou la victime, mais également le témoin

Comment faire face à chacune de ces situations, Quels sont les bons réflexes, Que faut -il éviter de faire ?

  • Lorsque le mineur est la victime du harcèlement numérique

Procéder par étapes :

Conserver les preuves :

Vous pensez que votre enfant est victime d’un harcèlement, conservez les messages.

On verra ensuite si on peut qualifier pénalement les faits de harcèlement.

Certains réseaux n’ont qu’une durée très faible de conservation des messages.

Il faut faire des captures d’écran, sauvegarder les messages ou vidéos lorsque c’est possible.

On peut faire appel à un Commissaire de Justice (nouvelle profession des anciens huissiers) pour faire établir un constat des messages.

Constat médical

Le harcèlement a souvent des conséquences sur la santé du mineur.

Un certificat médical descriptif sera utile.

Dépôt de plainte

Le cyber harcèlement est une infraction.

Le ou les parents doivent aller déposer plainte de préférence avec le mineur.

Si le mineur est seul, il peut aller au commissariat ou à la gendarmerie.

Il ne peut pas déposer plainte mais une main courante sera établie afin de recueillir les faits dont il est victime.

Selon le Plan d’action gouvernement tout signalement de harcèlement fera l’objet d’une saisine du Procureur

Les parents devront ensuite se constituer partie civile.

En cas d’inaction des parents, un administrateur ad ’hoc pourra être désigné pour le mineur.

Signaler les faits à l’établissement scolaire de votre enfant

Le ou les auteurs du cyber harcèlement peuvent être scolarisés dans le même établissement, ou non.

Les faits doivent être signalés à l’établissement et éventuellement au rectorat.

En cas de problèmes dans la gestion du harcèlement scolaire au sein de l'Éducation nationale, vous pouvez contacter le Défenseur des droits.

Vous pouvez faire une saisine sur le site internet : https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/saisir

Bloquer le correspondant et / ou se désabonner du réseau

Un rapport de 2021 constatait que l’activité sur certains réseaux sociaux se déroule en réalité, en tout ou partie, via des messageries privées protégées par le secret des correspondances, réseaux dont le siège n’est pas situé en France, ni même en Europe

A FAIRE :

En se rendant sur la page  https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32239

Il existe des liens de redirection vers les principaux réseaux sociaux (twitter devenu X, Facebook, Instagram, Snapchat, et TikTok) afin de demander la suppression du contenu ou de bloquer une personne :

Le site PHAROS pour signaler les contenus malveillants

Les numéros d’appel 30 18 pour le cyber harcèlement et le 30 20 pour le harcèlement

Le 30 18 permet de faire supprimer comptes et contenus préjudiciables des principaux réseaux sociaux, sites et plateformes, car il a le statut de « signaleur de confiance »

Le numéro de : e-enfance : 0800 200 000

NE PAS FAIRE

Banaliser les faits

Vouloir régler le problème en se faisant justice soi-même

Entrer dans la surenchère en répondant

  • Lorsque le mineur est l’auteur du harcèlement numérique

Les parents informés d’une accusation de cyber harcèlement portée contre leur enfant doivent la prendre au sérieux en raison des conséquences potentielles de cette accusation.

Cela ne signifie pas que votre enfant est coupable, mais simplement que le problème ne doit pas être traité à la légère.

Les parents ont une obligation d’éducation de leurs enfants et sont civilement responsables des conséquences dommageables de leurs actes.

Cela veut dire que vous pouvez être condamnés à verser des dommages et intérêts à une victime si votre enfant est reconnu coupable.

La première chose à faire est de vérifier la véracité des accusations dont votre enfant fait l’objet, en lui posant la question et éventuellement en contrôlant son activité sur internet.

Le mineur va devoir répondre de ses agissements sur le plan pénal et peut-être sur le plan disciplinaire dans son établissement scolaire

Deux hypothèses :

Soit les faits sont reconnus et vous nous demandez de défendre votre enfant.

Soit les faits ne sont pas reconnus et vous allez demander à l’avocat de vous aider à contester les accusations.

Sans rentrer dans les détails, la 1ère chose à faire sera de contrôler les conditions dans lesquelles votre enfant aura été identifié.

Ensuite il faut analyser le contenu des échanges pour vérifier si leur teneur est délictuelle.

Le mineur auteur encourt une sanction pénale. Madame le Juge des Enfants vous présentera son intervention et son rôle.

Le mineur encourt également une sanction sur le plan disciplinaire dans son établissement et cela même si la victime est scolarisée dans un autre établissement.

Deux décrets 2023-782 et 2023 - 783 du 16 août 2023 sont parus.

Désormais il est possible de changer d’école un élève de maternelle et de primaire sans l’accord de ses parents quand son maintien dans un établissement représente un risque pour la santé ou la sécurité d'autres élèves.

Le directeur académique des services de l'éducation nationale peut demander au maire de procéder à la radiation de l'élève de son école.

Cette mesure ne sera prise qu’après l’échec de mesures éducatives comme un renvoi d’une durée maximum de 5 jours

Pour les collégiens et les lycéens, une procédure disciplinaire (blâme, exclusion temporaire ou définitive…) pourra désormais être mise en œuvre en cas d’actes de harcèlement, notamment de cyberharcèlement, y compris à l'encontre d'élèves scolarisés dans un autre établissement que le leur. C. éduc., art. R 421-10, 5°, d.

Les sanctions disciplinaires peuvent aller jusqu’à l’exclusion, et une telle sanction disciplinaire reste dans le dossier jusqu’en terminale.

Les sanctions disciplinaires peuvent empêcher un accès à certaines formations ou grandes écoles.

A FAIRE

Selon la gravité des actes :

Supprimer le contenu afin de stopper le dommage.

Inviter le mineur à réfléchir et présenter des excuses.

Si les faits sont plus sérieux, rencontrer l’équipe enseignante et préparer avec le mineur un éventuel conseil de discipline.

Prendre un avocat pour le mineur qui pourra être entendu par les enquêteurs si une plainte est déposée.

  • L’enfant témoin d’un cyber harcèlement

Un mineur peut être témoin de harcèlement numérique parce qu’il appartient à un groupe WhatsApp par exemple, et qu’il reçoit les messages ;

Comment réagir ?

Aller voir un ou plusieurs adultes de confiance

Signaler les faits 3018

Ne pas rester passif, le silence est un encouragement pour le ou les auteurs

Ne pas diffuser ou reposter ou liker le message

Il faut savoir que ne rien faire peut constituer une non-assistance à personne en danger.

Reposter ou liker peut-être de la co-action ou de la complicité.

C'est à dire que le mineur, même s’il n’est pas l’auteur du message initial, participe au harcèlement numérique et devient à ce titre responsable sur le plan pénal ;

Conclusion

Il n’existe pas de réponse infaillible et le droit suit les avancées technologiques.

La loi du 7 juillet 2023 donne une définition du réseau social, instaure une majorité numérique à 15 ans, ajoute le harcèlement à la liste des infractions à la répression desquelles les sites doivent concourir.

Cette loi n’entrera en vigueur qu’après un avis de la Commission européenne

En plus de la rapidité de l’évolution des technologies, et du décalage avec le temps de réaction du droit, on se heurte à des difficultés liées aux localisations de certains acteurs du monde cyber à l’étranger.

Enfin la lutte contre le cyberharcèlement doit respecter plusieurs grands principes du droit :

  • Liberté expression (article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales)
  • Le respect de la vie privée (article 8 Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales)
  • Le secret de la correspondance
  • Présomption d’innocence (article préliminaire Code de Procédure Pénale)

POUR TOUS LES PARENTS

FAIRE :

  • Familiariser votre enfant aux usages numériques, comme la liberté d’expression et ses limites, les dangers de l’effet de groupe sur les réseaux sociaux, ;
  • Apprendre à votre enfant que les propos tenus sur Internet ont des conséquences réelles sur le plan pénal en plus de porter atteinte à la victime ;
  • Installer le contrôle parental sur les appareils numériques de votre enfant, et contrôler régulièrement ses comptes sur les réseaux sociaux et les messageries.

NE PAS FAIRE

Considérer que ce sont des histoires de gamins, de cours d’école et banaliser la situation.

Considérer que les faits sur les réseaux sociaux sont moins graves que les violences physiques

Penser que les réseaux sociaux permettent d’agir impunément, il n’y a pas d’anonymat sur internet (sauf VPN)

Faire l’autruche en se disant que cela va passer : le délai de prescription est de 6 ans.

Quelques textes :

  • Le délit d’envoi réitéré de messages ou d’appels malveillants : article 222-16 du code Pénal (1 an / 15.000 e amende)
  • Harcèlement sexuel : article 222-33 code pénal (2 à 3 ans et 30.000 à 45.000 €)
  • Injure publique : loi du 29 juillet 1881 article 33 (12.000 €)
  • Exhibition sexuelle article 222-32 code pénal (1 an / 15.000 €)
  • Revenge porn délit d’atteinte à la vie privée article 226-2-1 du code pénal 2 ans et 60.000 €
  • Harcèlement scolaire : selon la durée de l’ITT jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 150.000 € d’amende

Décret n° 2023-782 du 16 août 2023 relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires relevant du ministre chargé de l'éducation nationale

Le décret a pour objet de donner les moyens aux directeurs d'école et aux chefs d'établissement d'apporter une réponse appropriée à certains comportements de la part des élèves, notamment en cas de harcèlement.

Ainsi, dans les écoles, lorsque le maintien d'un élève constitue un risque pour la santé ou la sécurité d'autres élèves malgré la mise en œuvre des mesures arrêtées par le directeur d'école après examen de la situation de l'élève par l'équipe éducative, le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) peut demander au maire de procéder à la radiation de l'élève de son école.

Après l'admission de l'élève dans sa nouvelle école, le directeur d'école veille à mettre en place un suivi pédagogique et éducatif renforcé de l'élève au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire en cours.

Dans les collèges et lycées, le décret étend le champ de la procédure disciplinaire aux cas dans lesquels des élèves commettent des actes de harcèlement à l'encontre d'élèves situés dans un autre établissement.

Il précise également la procédure disciplinaire applicable aux élèves pour les faits portant une atteinte aux valeurs de la République ou au principe de laïcité.

Pour de tels faits, le chef d'établissement est tenu d'engager une procédure disciplinaire. Il peut transmettre au DASEN le dossier disciplinaire d'un élève aux fins que ce dernier ou son représentant prononce une sanction relevant du seul pouvoir disciplinaire du chef d'établissement. Il peut demander au DASEN de désigner une personne en raison de ses compétences pour siéger avec voix délibérative au conseil de discipline ou de présider, lui ou son représentant, ledit conseil.

Enfin, s'il estime que la sérénité du conseil de discipline n'est pas assurée ou que l'ordre et la sécurité dans l'établissement seraient compromis, le chef d'établissement peut saisir le conseil de discipline départemental. Par ailleurs, les dispositions applicables à la procédure devant le conseil de discipline et le conseil de discipline départemental sont clarifiées.

La loi n° 2023-566 du 7 juillet 2023 : les réseaux sociaux devront refuser l’inscription des enfants de moins de 15 ans sauf si l’un des parents a donné son accord.

Un dispositif de contrôle du temps passé en ligne sera mis en place.

Ce texte permettra aux parents ou à l’un d’entre eux de demander la suspension du compte de leur enfant de moins de 15 ans.

Pour les comptes déjà crée un délai de deux ans pour vérifier l’âge du mineur est accordé ;

En cas d’enquête pénale les réseaux sociaux devront répondre aux réquisitions judicaires dans un délai de 10 jours maximum réduit à 8 heures en cas d’urgence résultant d’un risque imminent d’atteinte grave aux personnes.

Cette loi complète la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Cette loi entrera en vigueur dans un délai de trois mois après la réception de l’avis commission européenne concernant la conformité de ce texte au droit de l’Union européenne.

Décret n° 2023-588 du 11 juillet 2023 pris pour l'application de l'article 1er de la loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet qui entrera en vigueur à l’expiration d’un délai de 12 mois à compter de sa publication au Journal Officiel.

Ce décret précise le régime d'obligations applicable aux fabricants d'équipements terminaux concernant les fonctionnalités et caractéristiques techniques minimales que doivent respecter les dispositifs de contrôle parental installés sur leurs équipements.

Ainsi que les informations à mettre à disposition de l'utilisateur final en matière de configuration du dispositif de contrôle parental et concernant les risques inhérents à l'utilisation de moyens d'accès à internet par des mineurs.

Le décret fixe, pour les distributeurs, importateurs et prestataires de services d'exécution des commandes, de nouvelles obligations en vue de la commercialisation de dispositifs de contrôle parental sur les équipements terminaux.

Il vient également élargir les pouvoirs de surveillance de marché de l'Agence nationale des fréquences afin d'intégrer le contrôle de ces exigences sur les terminaux mis sur le marché.

LOI n° 2022-300 du 2 mars 2022 n° 2022-299 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet, applicable au 05 septembre 2022

Les pouvoirs publics ont inscrit dans la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance le « droit à une scolarité sans harcèlement », en tant que composante du droit à l’éducation  

Cette disposition a été étendue aux élèves des établissements privés et aux étudiants par la loi du 3 mars 2022, ainsi qu’aux faits commis « en marge de la vie scolaire ou universitaire ». Elle fait ainsi peser une obligation de moyens sur les établissements d’enseignement scolaires et supérieurs (publics et privés).  

Loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire

Le droit de suivre une scolarité sans harcèlement scolaire, posé par la loi du 26 juillet 2019

Avis du Défenseur des droits n°21-10 du 12 juillet 2021 sur le harcèlement scolaire et cyberharcèlement.

Réseau européen des Défenseurs des enfants (ENOC) Déclaration de principes concernant « Les droits de l'enfant dans l'environnement numérique » Adoptée par la 23e Assemblée générale d’ENOC du 27 septembre 2019 à Belfast

Décision du Défenseur des droits n°2022-049 du 09 mars 2022 relative aux défaillances d’un établissement scolaire et des services académiques dans l’anticipation et le traitement de faits de harcèlements et de violence exercés à l’encontre d’un élève par certains camarades entre 2015 et mai 2018.

En pièce jointe le support graphique de mon intervention