Souvent considérée comme un état pathologique, la vieillesse n’est pourtant qu’un « facteur de fragilisation qui va amplifier les conséquences d’un événement traumatique »[1]. Il s’agit d’une vulnérabilité qui sera révélée, voire aggravée par un fait dommageable dont la personne âgée serait victime.

L’enjeu en présence d’un fait générateur extérieur à l’individu est de distinguer ce qui découle directement de ce dommage et ce qui relève de l’état de vieillesse. C’est surtout à l’occasion d’une expertise médicale, organisée à la suite d’un dommage, que cet enjeu va se révéler crucial dans la mesure où l’indemnisation financière des préjudices de la personne dépendra de l’imputabilité de la responsabilité au fait dommageable. Le rôle de l’expert sera déterminant en ce qu’il aura pour mission de distinguer l’état de santé du sujet âgé avant et après le dommage.

Par ailleurs, l’âge avancé d’une personne ne doit pas influer sur le principe de la réparation intégrale des préjudices nés d’un dommage. Ici, l’expert aura pour mission de personnaliser au mieux l’évaluation des préjudices puique l’âge avancé, et par conséquent la vulnérabilité de la personne, aura un impact certain sur cette évaluation[2].

Dés lors, l’expertise médicale du sujet âgé présente des particularités dues à cette vulnérabilité. Ainsi, l’âge avancé du sujet expertisé entraîne des conséquences à la fois sur l’imputabilité de la responsabilité (I), mais aussi sur l’évaluation des préjudices (II).

 

1. Les conséquences sur l’imputabilité de la responsabilité.

 

Bien qu’il soit de jurisprudence contante que la responsabilité ne peut être engagée que pour un dommage directement et certainement lié à une faute, la Cour de cassation a régulièrement pris position en affirmant qu’il existe une présomption d’imputabilité du fait dommageable, peu importe que le sujet présente un état antérieur ou des prédispositions[3]. Dés lors, l’état antérieur caractérisé par la vieillesse ne saurait remettre en cause la part de responsabilité du dommage sur les preéjudices, et par conséquent, leur indemnisation[4]. Néanmoins, face à un sujet âgé, il est évident que l’ensemble des préjudices ne sauraient être imputé au seul fait dommageable. Dans ces conditions, l’état antérieur doit être pris en compte par l’expert dés le stade de l’imputabilité des responsabilités.

Pour ce faire, l’expert doit avoir une connaissance complète de l’état antérieur de la personne expertisée, tant en ce qui concerne ses antécédents médicaux, que ses capacités fonctionnelles et son niveau d’autonomie avant le fait générateur. De même, ses traitements en cours devront être connus de l’expert. Ainsi, avant tout examen du dossier médical et de la personne, l’expert se doit de décrire de manière circonstanciée la situation de la personne agée avant, puis après le fait dommageable. Ceci permettra une comparaison objective de l’état de santé de la personne avant le dommage, et facilitera les constatations médicales directement et certainement liées avec le fait générateur. L’expert pourra alors distinguer le fait dommageable des autres causes.

Par ailleurs, en présence d’un sujet âgé, il est tout à fait possible qu’un événement entraîne des conséquences sur son état de santé, provoquant un enchaînement de pathologies dont l’origine doit être déterminée. Il appartiendra à l’expert de déterminer à nouveau ce qui relève du fait dommageable de la vieillesse, et de l’état antéreur y découlant. De la même manière que l’expert devra établir si les conséquences du fait dommageable sur un sujet âgé sont normales, anormales ou encore prévisibles eu égard à l’état de santé. De son côté, la personne âgée aura à charge de démontrer par le biais d’examens, de certificats ou tout autre document l’absence d’un état antérieur ou encore son degré d’autonomie.

 

Une fois en possession de l’ensemble de ces éléments, l’expert pourra rédiger son rapport et procéder à l’évaluation des préjudices, lesquels seront évaluer en considération de l’âge du sujet expertisé.

 

2. Les conséquences sur l’évaluation des préjudices.

 

Dans le but de respecter le principe de la réparation intégrale, l’expert a pour mission d’établir un rapport circonstancié, prennant en considération l’état de santé avant le fait dommageable, pendant la prise en charge de ce dommage, puis l’évolution et rétablissement de la personne, et enfin l’état de santé après rémission complète du fait générateur[5]. Selon l’âge du sujet expertisé, les postes de préjudices pris en considération par l’expert vont varier.

Ainsi, pour un sujet âgé, les préjudices seront différents de ceux d’un enfant ou encore d’un adulte de trente ans. Dés lors, certains postes de préjudices sont exclus en raison de l’âge avancé du sujet. À titre d’exemple, une personne âgée ayant subi un dommage ne pourra pas se prévaloir du poste de préjudice de l’incidence professionnelle car a priori, cette personne est retraitée. De la même manière qu’elle n’aura pas de préjudice d’établissement puisqu’une personne âgée ne saurait être considérée comme étant en âge de fonder une famille. Certains auteurs ont précisé que l’âge interferait avec la nomenclature Dintilhac amenant une réuction de certaisn postes, voire une exlcusion et enfin une majoration d’autres postes[6].

En l’occurrence, des postes de préjudices vont être nécessairment plus importants en raison de l’âge avancé d’une personne puisque certains éléments de sa santé vont être plus durement touchés. Que ce soit ses capacités fonctionnelles, son dégré d’autonomie ou encore les troubles cognitifs, il s’agit d’éléments typiquement liés à la vieillesse, mais pouvant également apparaîtrent à la suite d’un dommage. Ainsi, le poste d’assistance d’une tierce personne sera plus important puisque par principe, l’autonomie d’une personne âgée est moins élevée que celle d’une personne adulte de trente ans. De même, le fait dommageable peut aggraver les capacités fonctionnelles d’une personne, ce qui correspond au poste de préjudice du déficit fonctionnel. L’expert aura pour mission de préciser et de déterminer cet aspect d’aggravation voire de création de préjudices par le seul fait dommageable. Dés lors, il existe une personnalisation de l’évaluation des préjudices[7].

Enfin, l’expert devra prendre en considération l’espérance de vie de la personne âgée dans son évaluation. Toutefois, il existe ici aussi une présomption d’espérance de vie qui contraint l’expert à ne pas limiter dans le temps la durée de l’indemnisation, et ce conformément à la lecture téléologique du principe de la réparation intégrale des préjudices.

 

Même si l’état antérieur né de l’âge avancé du sujet âgé expertisé conduirait à minimiser ses préjudices, l’expert doit rester vigilant et prendre en compte la situation du sujet avant le fait dommageable, ce qui impactera à la fois sur l’imputabilité du fait générateur, et sur l’évaluation des préjudices. Sur ce dernier point, les modifications sociétales, tel que le prolongement d’une activité professionnelle pour un senior, imposent désormais une prise en compte au cas par cas, et ce dans l’optique de respecter le principe de la réparation intégrale et de replacer l’individu au plus près de sa situation antérieure au dommage.

 

 


[1] Gazette du Palais, « Colloque », du 8 au 9 avril 2011, page 1323.

[2] Jean-Baptiste PREVOST, « L’âge et la blessure : vieillesse et dommage corporel », Gazette du palais, 7 juin 2014, n°158.

[3] Cour de cassation arrêt en date du 13 janvier 1982 n°80-15.897 ou encore en date du 27 mars 2014 n°12-22.339.

[4] Sylvie VERNASSIERE, « L’évaluation du besoin en tierce perosnne de la perosnne âgée », Gazette du Palais éditionspécialisée du 6 et 7 juin 2014, n°157 à 158.

[5] Idem, page 1324.

[6] Gazette du Palais, « Colloque », du 8 au 9 avril 2011, page 1323.

[7] Jean-Baptiste PREVOST, « L’âge et la blessure : vieillesse et dommage corporel », Gazette du palais, 7 juin 2014, n°158.