Introduction 

 

L’ordre public règne en matière de toute liquidation d’entreprise, qu’elle soit judiciaire ou amiable, et pour cause : la disparition définitive de la société inspire la protection de ses créanciers.

Les articles L 237-1 et suivants du Code de commerce concernent les sociétés commerciales en période de liquidation.[1]

I - La liquidation amiable est une solution pratique

La liquidation amiable reste à ce jour d’une très grande liberté pour les associés.

La loi ne leur impose que le respect de l’objectif, une fois la société dissoute : la réalisation de l’actif aux fins d’apurement du passif (éventuellement suivi de la reprise des apports et le partage des bonis de liquidation).

Il s’agit donc d’une procédure adaptée à toute société souhaitant se retirer du marché pour des raisons financières, personnelles ou autres.

Il faut rappeler deux préalables :

 

  • La liquidation amiable n’est pas ouverte aux sociétés unipersonnelles car elle engendre automatiquement la transmission universelle du patrimoine à son seul actionnaire.
  • Elle est interdite après la cessation de paiement : l’article L 621-1 du Code de Commerce définit la cessation de paiement comme « l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible »

    Ainsi, la liquidation amiable est exclue, l’objectif (faire face au passif avec son actif) paraissant hors de portée.

La liquidation amiable est, par ailleurs, une procédure à éviter s’il reste un actif immobilier important, car le partage de l’actif serait soumis à une cascade d’impositions désavantageuses.

 

II - La liquidation amiable : la fin discrète des difficultés financières, de marchés évolués ou perdus, ou des problèmes entre actionnaires.

Là où la liquidation judiciaire constitue une dissolution imposée de la société qui est en cessation de paiement, la liquidation amiable est précédée d’une dissolution avec nomination d’un liquidateur amiable et impose formellement le règlement du passif après dissolution.

De premier abord, cette solution de liquidation amiable ne paraît donc pas convenir à une société en difficultés financières.

Tenant compte, cependant, que le passif est négociable – surtout au moment où les créanciers savent que la société est en voie de dissolution mais pas en redressement judiciaire – une solution amiable peut constituer une sortie à l’avantage de tous qui, de plus, permet aux associés de rester en partie maître jusqu’à la fin de la procédure de liquidation.

La société surendettée sans actif n’échappera pas facilement à la liquidation judiciaire.

Avant donc de se trouver dans une telle situation, la liquidation amiable reste ouverte à condition que la société ne se trouve pas encore, du moins formellement,  en cessation de paiement.

Tant que – comptablement - ceci n’est pas encore le cas, (ceci notamment si la société a suffisamment de débiteurs douteux faisant partie de l’actif) l’entrepreneur peut donc participer à une fin négociée par la liquidation amiable et aider activement à la bonne fin de l’opération.

Les filiales françaises de sociétés étrangères, qui s’implantent sur le marché français et qui ont mal évalué l’ensemble des impératifs du marché ou qui – autant que leurs collègues français – périssent lentement à cause de l’évolution du marché, d’un développement technique ou informatique ou l’innovation spectaculaire d’un concurrent, peuvent ainsi « quitter le marché français » en évitant des répercussions trop négatives sur l’image du groupe.

De la même façon, une société étrangère qui décide de « fermer » une filiale pour continuer son activité sur le marché français par Internet exclusivement, peut avoir un recours avantageux à la liquidation amiable.

La liquidation judiciaire est vécue comme un échec, subie dans la majorité des cas, les associés ou directeurs sont en règle générale mis à l’écart de l’entreprise en faveur de professionnels de la gestion de l’entreprise, qui sont alors aperçus comme « plus compétents ».

Une telle situation nuit nécessairement à l’image des responsables et actionnaires.

Les entrepreneurs qui ne sont pas en fin de carrière, stigmatisés par cet état, pourraient en souffrir ultérieurement : la confiance de la clientèle et des fournisseurs sera nécessairement sinon compromise, du moins largement ébranlée. Ceux qui sont en fin de carrière ne chérissent pas non plus une fin qui, vue de l’extérieur, est considérée très souvent comme un échec.

Ainsi, si vous ne trouvez pas de repreneur pour votre société ou fonds de commerce, ou si l’actif comptable de la société est suffisant pour couvrir le passif mais que la réalité des faits s’avère différente, un liquidateur amiable paraît comme une sortie honorable de la situation.

En prenant les devants, au moment où la société est encore in bonis, les acteurs paraissent plus crédibles en annonçant une liquidation amiable à leurs créanciers avec la nomination d’un « chef d’orchestre », qui sera amené à négocier les dettes à leur place, ce qui constitue tout l’avantage de cette formule.

De plus, l’initiative d’une liquidation amiable laisse aux associés la possibilité, en nommant un chef d’orchestre, de garder un pouvoir de décision important sur les questions qu’ils considèrent essentielles, là où l’article L 622 -9 du Code de Commerce dispose que :

« Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de cette date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens, même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit, tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée (…) ».

Bien que le liquidateur amiable reste le chef d’orchestre de la procédure avec le pouvoir d’agir au nom de la société en lieu et place des associés et gérants initiaux, les associés peuvent conditionner – dans l’acte de dissolution nommant le liquidateur – les pouvoirs du liquidateur amiable.

Alors que le liquidateur se concentre sur l’exercice de voies de recours contre les débiteurs et créanciers, qu’il vérifie et récupère les créances, qu’il administre et gère la liquidation et les éventuels licenciements avec les organes internes et publics concernés par la procédure, les actionnaires peuvent garder un droit de décision (par l’AG) avant toute réalisation de certains actifs, conditionner certains actes de dispositions, d’hypothèques ou de nantissements, si l’intérêt de la liquidation ne parait pas imposer de tels actes.

Ils peuvent également tenter de préserver un apport fait à la société, bien évidemment à condition que le passif soit réglé au moment du partage, ou autrement influer sur la répartition des fonds encore disponibles lors de la clôture des opérations. Ce pouvoir – dont les associés sont dépourvus lors d’une liquidation judiciaire –paraît fort précieux dans certaines situations.

Même si quelques auteurs paraissent réservés sur le sujet, la loi n’interdit nullement la préservation d’un pouvoir, même important, des associés en cours de liquidation amiable de leur société, pourvu qu’il soit exercé à bon escient[2] .

Le liquidateur, qui surveille scrupuleusement de telles opérations, se trouve très aidé dans le déroulement de la procédure et garde son pouvoir d’approbation ou d’opposition si un règlement proposé était contraire aux besoins de la liquidation.

 

III - La liquidation amiable : une solution « juste et économique »

Loin de moi de vouloir prétendre qu’une liquidation judiciaire ne serait pas « juste », même si les privilèges de l’État et des banques peuvent paraître disproportionnés par rapport à la détresse individuelle de certains créanciers (qui se trouvent à leur tour en difficulté).

La liquidation judiciaire privilégie certains créanciers qui sont réglés en fonction de leur priorité : le Trésor, l’URSSAF et les instances sociales prioritaires trouvent ainsi leur compte avant les créanciers clients et même les salariés dans certaines circonstances.

Or, même si un liquidateur amiable doit respecter les obligations fiscales sociétaires, sa marge de manœuvre est considérable.

En effet, rien n’interdit de régler les créances au fur et à mesure où celles-ci se présentent.

Rien n’interdit, par exemple, le remboursement d’une attribution préférentielle ou un compte courant associés, sauf la mauvaise foi ou une convention statutaire ou extrastatutaire l’interdisant.

Bien que tout liquidateur amiable sérieux s’oblige à commencer sa mission par un état liquidatif, l’absence de procédure collective lui permet de tenir compte des besoins immédiats des salariés avant même l’URSSAF, CREPA et autres caisses, qui se prêtent bien plus facilement à la négociation quand ils ne connaissent pas la situation financière exacte de la société.

D’autre part, en comparaison avec un redressement judiciaire qui finit par un plan de remboursement sur 10 ans (rarement respecté jusqu’au bout !), les créanciers de la liquidation amiable sont réglés immédiatement en fonction de l’actif réalisé et de la dette négociée.

Alors que les créanciers non privilégiés dans une liquidation judiciaire pêchent en règle générale du mauvais côté du filet, les créanciers de la liquidation amiable, avec un liquidateur amiable qui fait des efforts en ce sens, se voient en règle générale bien mieux lotis.

Une autre différence notoire : quel que soit la forme de liquidation, elle impose la révocation des dirigeants.

Mais alors que la résiliation du contrat de travail d’un dirigeant nécessite la déclaration de l’indemnité de révocation (et donc le risque de non-paiement) dans le cadre d’une liquidation judiciaire, on ne peut absolument pas reprocher au liquidateur amiable d’attribuer cette indemnité dès le départ formel de ce dirigeant… ou d’en négocier la hauteur avec lui, au même titre que les autres créanciers de l’entreprise.

Il ne me parait pas logique que ces différences perdurent, mais c’est encore le cas aujourd’hui.

Cela fait quelques sérieuses raisons pour réfléchir à cette alternative, surtout si l’entreprise veut bien de son conseil habituel pour jouer le rôle de liquidateur amiable.

J’étais un peu longue, mais cette matière est si peu connue !

 


[1] Décret d’application de la loi du 04 janvier 1978.

Les sociétés civiles sont soumises aux articles 1844-8 du Code Civil et aux articles 8 et suivants du décret du 3 juillet 1978 en la matière. L’article fait donc également abstraction des exceptions prévues à l’article 1844 – 8 du Code Civil.

[2] J’ai ainsi pu engager des liquidations amiables avec des associés gardant la maîtrise des règlements bancaires sous mon contrôle, et même de la comptabilité tenue par l’une des associés (à l’étranger, comptabilité Anglo-saxonne) !

N.B: Cet article se concentre sur les sociétés exerçant à titre commercial, le régime général n’étant pas applicable aux sociétés à forme commerciales exerçant une profession libérale lesquelles répondent à des impératifs plus contraignants.

[1] Décret d’application de la loi du 04 janvier 1978.

Les sociétés civiles sont soumises aux articles 1844-8 du Code Civil et aux articles 8 et suivants du décret du 3 juillet 1978 en la matière. L’article fait donc également abstraction des exceptions prévues à l’article 1844 – 8 du Code Civil.