Commencons par la distincition entre fonds de commerce et bail commercial, distinction que certains ont du mal à faire. Vous êtes à nouveau excusés, car les biens immatériels que l'un et l'autre représentent sont rendus opaques par une réalité multiforme.
Vous ressentez en général que le fonds de commerce représente l'ensemble des éléments qui attribuent à une entreprise sa valeur, et que la clientèle, souvent considérée comme l'élément essentiel du fonds, justifie le pas de porte.
C'est juste.
Le bail commercial est un autre élément essentiel du fonds et sa valeur est en lien direct avec l'emplacement du commerce. Mais il y a aujourd'hui de plus en plus de fonds de commerce à haute valeur ajoutée sans bail commercial: le E-commerce a, certes, besoin d'une vitrine, mais celle-ci est immatérielle: pas de bail, mais la création d'un site/domaine qui peut, ou non, appartenir au créateur du fonds.
Dans la majorité des cas, aujourd'hui encore, le fonds de commerce contient également un droit au bail (sauf si l'exploitant du fonds est propriétaire des murs bien sur).
Il s'agit d'un élément distinct du fonds, bien que souvent indispensable et même déterminant pour son succès auprès de la clientèle.
La loi a cherché à protéger le preneur du fonds en imposant au bailleur - une règle d'ordre public dans ce domaine - une durée contractuelle minimale du bail de 9 ans.
A quelques exceptions près, cette règle s'impose systématiquement au bailleur; côté preneur, la liberté contractuelle est plus souple; en absence de clause contractuelle le locataire peut résilier le contrat tous les trois ans.
Les règles sont claires mais en réalité la compatibilité entre la propriété des murs d'une part, et la propriété du fonds incluant un droit au bail d'autre part, provoquent parfois confusion:
vous avez beau être propriétaire des murs et du fonds de commerce, à partir du moment où vous accordez la location du fonds incluant un bail à un tiers, vous êtes lié pendant neuf ans.
Le bailleur choisit cependant son locataire, ce qui pourrait laisser penser qu'il garde une certaine maitrise sur l'exploitation de ce dernier pendant cette période contractuelle.
La réponse est en effet oui, mais cette maitrise est limitée: le bailleur peut interdire ou limiter la cession du bail si celui-ci n'inclut pas en même temps la cession du fonds de commerce, mais c'est à peu près toute la maitrise qu'il garde.
Car son locataire reste parfaitement libre de ceder le fonds incluant le bail commercial à un tiers, et le bailleur ne peut s'y opposer que de facon limitative. Il a ainsi le droit de s'opposer à l'exercice d'une activité commerciale autre que celle prévue dans le bail initial et ceci même s'il avait consenti un bail “tous commerces”. Un bail de ce type ne profite en effet qu'au preneur initial et ne laisse aucune liberté à celui-ci de consentir à un tiers l'exploitation d'une activité autre que celle qu'il exercait lui-même.
Tout nouveau exploitant souhaitant changer d'activité commerciale - même en présence d'un bail commercial initial appelé “tous commerces”- doit passer par la procédure dite de “déspécialisation” dans laquelle l'accord du propriétaire des murs est indispensable.
Mais attention de ne pas extrapoler: le bailleur ne peut pas s'opposer à la cession du bail avec le fonds parce que la tête du successeur ne lui revient pas, et ceci même quand il a des raisons objectives: imaginez-vous le propriétaire d'un petit hôtel deux étoiles qui a trouvé un couple d'exploitants tout à fait “comme il faut”. Ce couple décide de vendre l'activité avec le bail à une personne connue comme ancien trafiquant ou proxénète.
Le bailleur peut-il s'y opposer pour cette raison? Eh bien non! Il a beau justifier que sa décision de céder son exploitation était déterminée par la présentation du petit couple, ca ne lui laisse pas pour autant une liberté de s'opposer à leur successeur: l'exploitant qui cède son fonds, a le droit de céder son bail - toutes clause contraire sans nuances est nulle.
Ceci ne doit pas décourager le bailleur de stipuler pour le moins une clause restrictive imposant l'accord préalable du propriétaire à toute cession du bail, car celle-ci est parfaitement licite. Si cet accord n'est pas sollicité, la cession peut être annulée.
N'empêche qu'il faut trouver de bonnes raisons pour refuser une telle cession non souhaitée, raisons qui se trouvent nécessairement en dehors de la personne du repreneur.
C'est le moment de devenir inventif, de se rappeler que votre fonds se trouve dans un périmètre prévu par le Code d'Urbanisme qui vous autorise à évacuer les lieux pour effectuer des travaux quelque soit le terme écoulé du bail,
ou d'invoquer une clause que vous avez inclus dans le bail stipulant que tous travaux, même de gros oeuvre, sont à la charge du locataire (parfaitement légal dans un bail commercial pourvu qu'il n`y a pas d'abus de droit!) - et de rappeler le repreneur qu'il doit conformer l'hôtel aux dernières normes européennes particulièrement draconiennes.... ou encore de vous rappelez que vous avez conclus un bail de plus de12 ans tout en “oubliant” de publier l'acte authentique obligatoire: c'est le moment de vendre les murs, car l'acquéreur de ceux- ci peut déloger le malvenu à la fin de la période contractuelle sans le moindre indemnité d'éviction...
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