Sauf abus de droit, l’inutilité ne peut justifier la suppression d’une servitude conventionnelle de passage. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 24 mai 2017.

En vertu de l’article 703 du code civil, une servitude conventionnelle de passage s’éteint lorsque son exercice est devenu impossible. De même, en application de l’article 706 de ce code, une telle servitude est éteinte par le non-usage trentenaire.

En revanche, le fait qu’une servitude devienne inutile, notamment en raison de l’existence d’un autre chemin d’accès plus commode ou moins dommageable, n’est pas suffisant pour entraîner son extinction.

C’est toute la différence entre une servitude légale et une servitude conventionnelle.

Mais la jurisprudence a ouvert une autre voie pour sanctionner l’exercice d’un droit de passage devenu inutile. Si l’inutilité n’a en principe pas d’incidence sur le maintien de la servitude, l’exercice d’une servitude inutile peut toutefois caractériser un abus de droit engageant la responsabilité civile délictuelle de son auteur.

Heureusement pour les bénéficiaires des servitudes de passage, l’abus de droit est apprécié strictement par la Cour de cassation.

Dans son arrêt du 24 mai 2017, rendu au visa des articles 1240 et 703 du code civil, la haute juridiction judiciaire considère que le maintien d’une servitude dont l’utilité pour le fonds dominant est limitée et incommode n’est pas constitutif d’un abus de droit.

Cour de cassation, 3e civ., 24 mai 2017, n° 16-14.663

« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 janvier 2016), que Mme X...a assigné M. et Mme Y...en suppression de la servitude de passage conventionnelle instituée sur sa propriété au profit du fonds de ceux-ci ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt constate que M. et Mme Y... ont recomposé les voies d'accès à leur propriété et ont manifesté leur volonté de mettre les choses en un état tel qu'il ne leur était plus indispensable d'utiliser l'ancien passage et retient que le maintien d'une servitude dont l'utilité pour le fonds dominant est désormais limitée et incommode pour la circulation des véhicules constitue un abus de droit de la part de ses titulaires ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser l'existence d'une faute faisant dégénérer en abus l'exercice d'une servitude conventionnelle dont l'inutilité ne peut justifier la suppression du droit de l'exercer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; »