Dans un arrêt prononcé le 15 novembre 2015 (n°16-16790), la Chambre Commerciale de la Cour de cassation s'est prononcée sur la question de savoir si le banquier est tenu d'apprécier les chances de succès de l'opération projetée et ce, même en l'absence de disproportion manifeste entre les capacités financières de la caution non-avertie et le risque d'endettement né de l'octroi du crédit.

Les juges du droit répondent par l'affirmative et confirment, en droit, le raisonnement de la Cour d'Appel de PAU qui a sanctionné le manquement du banquier à son devoir de mise en garde, par l'allocation de dommages-intérêts. 

 

" Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Pau, 14 décembre 2015), qu’en vue de financer le prix d’acquisition d’un fonds de commerce d’un montant de 60 000 euros, la société Banque populaire Occitane (la banque) a, par un acte du 15 décembre 2010, consenti à la société X..., dont la gérante était Mme X..., un prêt du même montant, garanti par un nantissement et, dans une certaine limite, par le cautionnement solidaire de Mme X...; qu’assignée en paiement, celle-ci a recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde ;

Attendu que la banque fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à Mme X...la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde alors, selon le moyen :

1°/ qu’il résulte de l’article 1147 du code civil que s’il n’existe pas de disproportion manifeste entre les capacités financières de la caution et un risque d’endettement né de l’octroi du crédit, le banquier est dispensé de son devoir de mise en garde ; qu’au cas présent, la cour d’appel qui constate que l’engagement de caution de Mme X...n’était pas manifestement disproportionné et donc que le prêt cautionné était adapté aux capacités financières de Mme X..., ne pouvait décider que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article susvisé ;

2°/ qu’il résulte de l’article 1147 du code civil que le devoir de mise en garde mis à la charge du banquier dispensateur du crédit oblige ce dernier avant d’apporter son concours à vérifier si les capacités financières de la caution sont adaptées au crédit envisagé et à l’alerter sur les risques encourus par un endettement excessif ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait justifier un manquement de la banque à un devoir de mise en garde envers la caution au motif erroné que cette dernière se serait abstenue d’opérer des vérifications élémentaires sur les chances de succès de l’opération projetée et sur les capacités pour la société d’injecter des capitaux dans l’affaire, sans violer l’article susvisé ;

Mais attendu que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque de l’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur ; qu’après avoir constaté que Mme X...n’était pas une caution avertie et retenu que l’opération était vouée à l’échec dès son lancement, la cour d’appel en a, à bon droit, déduit que la banque était tenue à l’égard de Mme X...à un devoir de mise en garde lors de la souscription de son engagement, peu important que celui-ci fût adapté à ses propres capacités financières ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa troisième branche, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi [...] "

Décision attaquée : Cour d’appel de Pau , du 14 décembre 2015

(Source : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000036053011&fastReqId=1575673341&fastPos=1)

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