Dans un arrêt de rejet prononcé le 13 septembre 2018, (17-20.966) la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation s'est prononcée sur la question de savoir si toute demande en justice est de nature à interrompre la prescription extinctive du droit d’agir et à l'égard de qui.

Répondant par la négative, les juges du droit ont rappelé à juste titre : « que pour être interruptive de prescription une demande en justice doit être dirigée contre celui qu'on veut empêcher de prescrire »

En l’espèce, la demande avait été faite devant la CIVI, instance à laquelle l’adversaire n’était pas partie, de sorte que cette demande ne pouvait interrompre la prescription à l’égard de ce dernier.

Les termes de la décision sont les suivants :

« Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 juillet 2016), que le 23 mars 1997, Mme Y... s'est blessée en sautant d'une fenêtre de son appartement, situé au deuxième étage ; que le 26 mars 2009, elle a déposé plainte devant les services de police contre M. X..., avec lequel elle avait entretenu une relation amoureuse, exposant que le jour des faits, il l'avait agressée et qu'elle s'

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était défenestrée pour tenter de lui échapper ; que sa plainte a fait l'objet d'un classement sans suite en raison de la prescription de l'action publique ; que Mme Y... a saisi, le 21 août 2009, une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) ; que sa demande a été déclarée forclose par un arrêt du 2 novembre 2011 ; qu'elle a alors assigné M. X..., par acte du 17 juin 2013, en responsabilité et indemnisation des conséquences dommageables de sa chute, en présence des organismes sociaux ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de dire son action prescrite, de la débouter de toutes ses demandes à l'encontre de M. X... et de la condamner à payer à ce dernier une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :

1°/ que si en principe l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions quoique ayant des causes distinctes tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; que l'action intentée par Mme Y... devant la CIVI et celle intentée sur le fondement de la responsabilité délictuelle à l'encontre de M. X... ont pour but commun la réparation du préjudice corporel qu'elle a subi ; qu'il s'ensuit que l'action diligentée devant la CIVI a interrompu la prescription de son action à l'encontre de M. X... ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2234 du code civil ;

2°/ que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la force majeure ; qu'en l'espèce, comme l'avait rappelé Mme Y... dans ses conclusions d'appel, il résultait des conclusions catégoriques du professeur B..., expert près la Cour de cassation, lors de l'expertise médicale de Mme Y... en date du 29 décembre 2014, confortant les conclusions du docteur C... que cette dernière est sous emprise, ce qui est un élément suffisamment fort pour que les personnes arrivent à avoir, au plus profond d'elles-mêmes, un déni de la réalité d'agressions répétées ou de violences volontaires provenant d'un proche et qu'il peut être retenu chez Mme Y... une amnésie psychogène post-traumatique ; que cette réalité médicale est aujourd'hui du domaine de l'exceptionnel et doit reposer sur des éléments précis, sur une anamèse, sur une symptomatologie, ce qui est le cas dans la situation de Mme Y..., qui avait un état antérieur dont il faudra tenir compte dans le cadre de son indemnisation puisqu'une anorexie mentale avait été détectée tôt ; qu'il existe un certain nombre de présomptions graves précises et concordantes permettant d'aller dans le sens d'une amnésie psychogène post traumatique ; en affirmant péremptoirement que si Mme Y... présente actuellement des troubles mnésiques rien n'autorise à dire qu'elle en aurait souffert depuis 1997 et jusqu'en 2009, et encore moins qu'ils auraient constitué une impossibilité pour elle d'agir sans examiner les conclusions du professeur B..., démontrant que Mme Y... avait été dans l'impossibilité absolue d'agir par suite d'un empêchement résultant de la force majeure, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2234 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir exactement rappelé que pour être interruptive de prescription une demande en justice doit être dirigée contre celui qu'on veut empêcher de prescrire, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que l'action engagée le 21 août 2009, par Mme Y... devant la CIVI en vue de son indemnisation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), ne pouvait avoir interrompu la prescription à l'égard de M. X... qui n'était pas partie à cette instance ;

Et attendu, ensuite, qu'ayant relevé que dans sa déposition devant les services de police, Mme X... relatait très précisément que les faits de mars 1997 lui étaient parfaitement restés en mémoire et qu'elle n'avait pas su ou voulu se renseigner utilement sur les voies de droit qui lui étaient alors ouvertes, puis constaté que l'expert judiciaire n'avait mis en évidence aucune amnésie post-traumatique susceptible de constituer une impossibilité d'agir, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la deuxième branche du moyen unique annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi […] »

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence , du 7 juillet 201

(Source : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000037424990&fastReqId=328098945&fastPos=65&oldAction=rechJuriJudi)

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