La durée d’exécution d’un marché privé relatif à la construction d’un immeuble est bien souvent stipulée sous la menace de pénalités ou de dommages et intérêts en cas de retard.

Il s’agit pour l’entrepreneur d’une obligation de résultat.

Il se pose dès lors la question de savoir si le retard imputable au covid-19, ainsi qu’à toute autre situation sanitaire de même ampleur, peut être sanctionné.

En effet, la crise sanitaire actuelle impacte le bon avancement des chantiers, soit parce que les constructeurs ont temporairement cessé leur activité, soit parce qu’ils travaillent en équipe réduite afin de respecter autant que possible les mesures d’hygiène et de distanciation préconisées.

De facto, les jours de retard vont s’accumuler pendant toute la période de confinement, mais aussi au cours de la période qui suivra en raison de la mise en place des gestes barrières sur le chantier.

Il est certain que la responsabilité des acteurs du chantier en cas de retard devra être appréciée au cas par cas.

Seront notamment pris en compte, d’une part, le respect des obligations en matière de sécurité et de protection de la santé par chacun des acteurs (1) et, d’autre part, les modalités mises en œuvre pour la poursuite des travaux et du chantier (2).

 

1. L’obligation de sécurité et protection de la santé des acteurs du chantier

1.1. Les obligations incombant au maître de l’ouvrage

Il incombe au maître de l’ouvrage, avec le cas échéant à son délégué, de s’assurer que les personnes qu’il fait intervenir sur le chantier peuvent travailler en toute sécurité et sans atteinte possible à leur santé.

Cette obligation vaut de la phase de conception, à l’étude et l’élaboration du projet, et pendant toute la durée de la réalisation de l’ouvrage.

A défaut, il engage sa responsabilité.

Le maître de l’ouvrage n’a aucune obligation d’interrompre le chantier ou de proroger les délais initialement prévus.

Mais, cette obligation de prévention des risques sera certainement déterminante dans son choix de poursuivre ou arrêter la réalisation de l’ouvrage qu’il a commandé.

Dans le cas du covid-19 que connaît la France, la responsabilité du maître de l’ouvrage pourrait être engagée s’il refusait de prendre en compte les conséquences qu’implique cette pandémie dans l’exécution de l’ouvrage (difficulté d’approvisionnement en matières premières, mise en place de règles de distanciation et des gestes barrières, etc.).

Si le maître de l’ouvrage ne respecte pas cette obligation ou s’il le fait de manière tardive, il aura donc personnellement concouru au retard accumulé sur le chantier et devra donc en assumer les conséquences à concurrence de sa négligence.

 

1.2. Les obligations propres à chaque intervenant

Les obligations qui pèsent sur le maître de l’ouvrage n’exonèrent pas les autres acteurs du chantier de leurs propres obligations en matière de sécurité et de préservation de la santé.

Chaque intervenant doit personnellement s’assurer que les règles de sécurité attendues et appropriées ont été définies, de l’efficacité de leur mise en œuvre et de leur respect par l’ensemble des co-intervenants sur le chantier.

Chacun doit également s’assurer – en tant qu’employeur – qu’il est en mesure d’apporter tous les moyens nécessaires à garantir la sécurité et à préserver la santé de ses salariés (équipements de protection, solutions de désinfection, etc.).

Dans le cas contraire, l’entrepreneur engage sa responsabilité, tant à l’égard de son équipe qu’à celui des autres acteurs de la construction.

En ce sens, l’OPPBTP recommande aux entreprises de respecter « strictement ces préconisations pendant toute la période de confinement décidée par les autorités et, à défaut de pouvoir le faire, stoppez votre activité. », par référence à son guide de préconisations de sécurité sanitaire en période d’épidémie de coronavirus Covid-19 (pour en savoir plus, veuillez cliquer ici).

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Conseils :

Il est indispensable d’informer l’ensemble des acteurs du chantier (maître de l’ouvrage, maître d’œuvre, fournisseurs, etc.) de l’arrêt du chantier et de sa cause (manque de matières premières, manque de moyens suffisants pour assurer la sécurité des équipes, manque de personnel qualifié pour assurer telle tâche), ainsi que de préciser les noms et numéro de téléphone à contacter en cas d’urgence. 

Cette information peut également être affichée à l’entrée du chantier. 

Il est tout aussi nécessaire de conserver des traces précises et écrites de la raison de l’impossibilité de poursuivre le chantier et la réalisation de l’ouvrage, car à défaut cela pourrait être qualifié d’abandon de chantier et l’entrepreneur risquerait de se voir infliger une sanction pécuniaire. Il convient également de rappeler que l’entrepreneur doit laisser un chantier protégé et sécurisé (accès au chantier, échafaudages, engins, matériaux et outils, eau/gaz/électricité, etc.) !

 

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2. Mise en œuvre des mesures garantissant la sécurité et la préservation de la santé

La mise en œuvre des gestes barrières et des mesures de distanciation sur le chantier, pendant la période de confinement mais aussi au cours de la période qui suivra, va nécessairement allonger les délais d’exécution du chantier.

Afin de restreindre les regroupements de personnes et respecter le principe d’éloignement d’un mètre sur les chantiers exécutés en co-activité, il faudra certainement envisager de reporter certaines tâches et réorganiser le calendrier d’exécution initialement établi.

Puisque nous sommes en matière contractuelle, l’ensemble des parties au chantier et, en premier chef, le maître de l’ouvrage devra s’accorder sur les conséquences de la mise en œuvre des règles et précautions nécessaires à assurer la sécurité et la santé des différents acteurs.

Il en va de la responsabilité de chacun.

Il est très probable que la carence de l’un d’entre eux à ce stade sera appréciée à son détriment lorsqu’il s’agira de faire les comptes en fin de chantier et, en particulier, si un juge était finalement saisi. 

Le plan de continuation du chantier ou l’avenant qui sera négocié devra nécessairement être signé par tous pour leur être pleinement opposable.

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Conseils 

Il est indispensable qu’à cette occasion, la question des délais d’exécution et de la sanction pécuniaire y afférente soit réglée. 

Si « Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet » cela ne vaut – au jour de parution de cet article – que si ce délai a expiré pendant la période allant du 12 mars 2020 et à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020)

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Il doit être précisé que depuis l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, les délais sont désormais les suivants :  » Si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée. » (article 4, alinéa 2 de l’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020)

Passé ce délai, le cours des clauses pénales et des sanctions indemnitaires reprendra.

Pour autant, il est plus que probable que les mesures d’hygiène et de distanciation soient toujours d’actualité.

Même en considérant qu’en l’absence de renégociation des délais d’exécution, le planning initialement fixé se déclarerait d’autant de temps qu’aura duré la période de confinement généralisée, il est certain qu’en pratique le respect des gestes barrières ralentira la cadence.

Qui dit retard, dit pénalités !

Ne pas reprendre les négociations sur ce point, reviendrait à laisser un juge trancher la situation pour eux.

Tous s’exposeraient alors aux aléas d’une procédure judiciaire et à l’engagement financier qu’une telle action représente.

Cela étant, chaque situation est à apprécier au cas par cas et les précautions prises ne peuvent exclure définitivement le risque d’un contentieux judiciaire.

D’où, la nécessité de conserver des éléments écrits et de se faire accompagner !

N’hésitez pas à me contacter si vous avez des questions, des remarques ou des suggestions. Je me tiens à votre disposition !