Le droit français a érigé le droit de propriété comme l’un des droits fondamentaux et constitutionnels de notre société.

L’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 dispose en effet : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité »

Mais, en pratique, sa défense s’avère plus complexe.

Certains vont d’ailleurs jusqu’à affirmer que la Loi a été édictée en faveur des squatteurs…

Qu’en est-il en réalité et quelles sont les solutions ouvertes en cas d’occupation illégale de son logement ?

  

Quelles conséquences en cas d’introduction et de maintien illégal dans le logement d’autrui ?

Sur le plan civil, l’occupant sans droit ni titre d’un bien immobilier s’expose à une mesure d’expulsion, avec au besoin le concours de la force publique et d’un serrurier.

En droit pénal, le squat ou « L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » (Article 226-4 du Code pénal).

Cet article ajoute que « Le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines ».


ATTENTION : Il ne faut pas confondre le sens du terme « domicile » employé en droit pénal avec celui donné en droit civil.

Devant le Juge judiciaire, le terme « domicile » concerne exclusivement le lieu d'habitation principal (article 102 du Code civil, alinéa 1er).

Devant le juge répressif, le terme « domicile » est beaucoup plus large. La Cour de cassation considère qu’il désigne « tout lieu où une personne qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux. » (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 23 mai 1995, 94-81.141, Publié au bulletin)

 

Pourquoi parle-t-on souvent d’un délai de 48 heures ?

Il s’agit du délai d’usage dégagé en droit pénal par la jurisprudence. Il correspond au cadre juridique de l’enquête dite de « flagrance ».

Durant les 48 premières heures de l’intrusion, la force publique, sous contrôle du Ministère Public, pourra procéder à l’expulsion sans qu’il soit nécessaire d’en référer préalablement à un juge.

Cependant, dans bien des cas, l’occupation illégale est constatée après l’expiration de ce délai de 48 heures.

Il est à noter que la preuve du délai d’occupation illégal peut être rapportée par tous moyens. Un ticket de livraison à domicile pourra par exemple faire l’affaire.


L’expulsion du domicile prononcée par le Préfet

Si le propriétaire n’a pu faire expulser dans les 48 heures l’occupant sans droit ni titre et qu’il ne s’agit pas de son domicile principal, alors il doit se résoudre à appliquer le droit commun.

L’article L411-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution dispose que « l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux ».

Concrètement, il va falloir rapporter la preuve de l’occupation sans droit ni titre et donc relever l’identité des squatteurs. Si celle-ci n’est pas connue, il faudra saisir le juge pour obtenir, sur requête, la désignation d’un huissier de justice qui aura pour mission de relever l’identité des occupants.

Une fois leur identité connue, la demande d’expulsion devra être présentée au juge des contentieux de la protection (Article L. 213-4-3 du Code de l’Organisation Judiciaire).

La difficulté réside dans le fait que le propriétaire doit souvent faire face à un squatteur de mauvaise foi faisant tout pour allonger la procédure.

Or, pendant la durée de la procédure (en première instance et en appel) l’occupation illégale se poursuit, parfois le logement se dégrade et le propriétaire doit avancer les charges (eau, électricité, impôts, etc.).

 

Peut-on expulser un squatteur pendant la trêve hivernale ?

Oui, le législateur a expressément prévu que la suspension des mesures d’expulsion du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante ne s’appliquait pas lorsque la mesure d’expulsion a été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui par voies de fait…

…ce qui signifie qu’en cas d’occupation d’une résidence secondaire le bénéfice de la trêve hivernale pourra être opposé au propriétaire (Article L412-6 du Code des Procédures Civiles d’Exécution).

 

Expulser soi-même les squatteurs, est-ce une bonne idée ?

Cette « solution » est très en vogue sur les réseaux sociaux et est relayée par un grand nombre de sites internet.

Il s’agit toutefois d’une « solution » illégale qui expose ceux qui s’y risque à une peine allant jusqu’à 30 000 € amende et 3 ans d’emprisonnement (Article 226-4-2 du Code pénal)… outre les conséquences d’éventuels dommages corporels, si la situation dégénère.

Le propriétaire ou le locataire du logement squatté s’expose donc à une sanction plus lourde que pour l’occupant sans droit ni titre !

 

La Loi va-t-elle évoluer ?

Guillaume Kasbarian, rapporteur du projet de loi « Accélération et simplification de l’action publique » (Asap) a proposé un nouvel amendement visant « à garantir la bonne application de l’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable ».

Dans le résumé sommaire, il est précisé que cet amendement à pour objet de venir « clarifier le champ d’application de l’article 38 et mettre fin aux ambiguïtés interprétatives relatives à la notion de « domicile », le présent amendement précise que le domicile correspond aussi bien aux résidences principales que secondaires ou occasionnelles, dans le but de rendre pleinement applicable la procédure d’expulsion aux personnes occupant de façon illicite ces résidences ».

Est également introduit « un délai d’instruction de 48 heures des demandes de mise en demeure des occupants présentées au préfet sur le fondement du premier alinéa de l’article 38 » ainsi que l’obligation de communiquer sans délai les motifs de la décision de refus.

L’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale serait alors ainsi modifié :

« En cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui y compris lorsqu’il s’agit d’une résidence secondaire ou occasionnelle à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire.

La décision de mise en demeure est prise par le préfet dans un délai de quarante-huit heures à compter de la réception de la demande. En cas de refus, les motifs de la décision sont communiqués sans délai au demandeur.

La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire.

Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure. »

Cet amendement a été adopté à l’unanimité en commission le 16 septembre 2020. Pour autant, il n’est pas encore applicable. Il doit encore être débattu et adopté par le Législateur.

Il sera en premier lieu évoqué durant la semaine du 28 septembre 2020 à l’Assemblée Nationale. Au fil des discussions, il est possible que cet amendement fasse l’objet d’évolutions.

Certains députés proposent en effet d’assimiler « l’occupation sans droit ni titre, de mauvaise foi, d’un bien immobilier appartenant à un tiers à un vol ». Il est également proposé d’augmenter les peines prévues à l’article 226‑4 du Code pénal, afin d’ouvrir la possibilité d’une comparution immédiate des squatteurs devant le Juge répressif. (Proposition de loi N° 3335, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 septembre 2020, qui semble être la version rectifiée de celle N° 1781 précédemment enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 mars 2019).

Il reste donc à savoir ce qui sera définitivement adopté.



ACTUALISATION : 

Le 2 octobre dernier, l’Assemblée Nationale a adopté l’amendement anti-squatteur (article 30 TER du projet de loi « Accélération et simplification de l’action publique » – Asap)

 

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