Les transmissions internationales de patrimoine sont de plus en plus fréquentes. Mais entre différences d’assiette, conventions fiscales rares et pratiques parfois restrictives de l’administration, le risque de double imposition est bien réel.

Le cadre juridique Français

En présence de donations dans un contexte international, la gestion du risque de double imposition soulève de nombreuses questions pratiques.

En effet, s’agissant du droit français et de façon synthétique, l’imposition aux droits de donation s’applique :

  • Lorsque le donateur est résident français que les biens donnés soient situés en France ou hors de France (article 750 ter 1° du CGI) ;
  • Lorsque le donateur n’est pas résident français sur les biens donnés situés en France (article 750 ter 2° du CGI) ;
  • Lorsque le donataire est résident français que les biens donnés soient situés en France ou hors de France (article 750 ter 3° du CGI).

Le champ d’application des droits de donation est donc particulièrement large.

Des conventions fiscales limitées

En outre, si les conventions fiscales visant à l’élimination des doubles impositions conclues par la France avec des Etats étrangers sont nombreuses s’agissant de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, elles sont beaucoup plus rares s’agissant des droits de mutation à titre gratuit (donation/succession). On ne compte que 7 conventions fiscales et quelques accords internationaux dont la portée est pour le moins limitée…

Cependant, l’article 784 A du Code général des impôts prévoit, qu’en l’absence de convention fiscale conclue par la France, « le montant des droits de mutation à titre gratuit acquitté, le cas échéant, hors de France est imputable sur l'impôt exigible en France. Cette imputation est limitée à l'impôt acquitté sur les biens meubles et immeubles situés hors de France ».

L’éclairage de la Cour d’appel de Paris (26 mai 2025)

Qu’en est-il lorsque l’assiette de calcul des droits de donation acquittés hors de France est différente de celle retenue par l’administration fiscale française ?

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 mai 2025 (CA Paris 26 mai 2025 n° 22/17216) apporte un éclaircissement.

Dans cet arrêt, des parents domiciliés en Suisse (Canton de Vaud) avaient consenti en 2019 une donation-partage avec réserve d'usufruit d'actions d’une société de droit luxembourgeois, à leurs trois enfants domiciliés en France.

Pour la liquidation des droits de donation en France, il a été fait application des dispositions relatives au pacte Dutreil permettant de rappeler que le dispositif Dutreil est susceptible de s’appliquer sur des titres de sociétés de droit étranger.

La donation a également été imposée en Suisse.

Compte tenu de cette double imposition, et en application de l’article 784 du Code général des impôts, une demande en restitution d'une somme équivalente à l'impôt acquitté dans le Canton de Vaud a été formulée auprès de l’administration fiscale française.

L’administration fiscale n’a accepté que partiellement la réclamation au motif que le Canton de Vaud a soumis aux droits de donation la valeur de la pleine propriété des titres alors, qu’en France, la base imposable est déterminée selon le barème fiscal de l’article 669 du Code général des impôts.

Ainsi, l’administration fiscale française a accepté la restitution d’une somme calculée de la façon suivante : droits payés en Suisse x valeur de la nue-propriété/valeur de la pleine propriété.

La Cour d’appel juge que « contrairement à ce qu'a retenu l'administration fiscale, compte tenu du texte des dispositions de l'article 784 A précité et de l'objectif de limiter les cas de doubles impositions qu'il poursuit, l'application de ce texte justifie de prendre en compte, pour l'imputation, le montant de l'impôt acquitté en raison même de la mutation des biens situés à l'étranger indépendamment de ses modalités de calcul ».

Cet arrêt ne peut être que saluer dans la mesure où la Cour d’appel de Paris retient l’objectif de l’article 784 A du CGI qui est d’éviter une double imposition.

Il démontre en revanche l’approche très sévère que retient régulièrement l’administration fiscale en matière de donations internationales.

La position de l’administration : une vision parfois très large

En revanche, quand il s’agit de soumettre à imposition en France des donations ou des dons manuels réalisés à l’étranger, l’administration fiscale retient une approche particulièrement large.

Une réponse ministérielle du 7 novembre 2024 en donne ici une parfaite illustration et nous permet de faire une digression.

Ainsi, dans cette réponse, le ministre indique que « en présence d’un don manuel réalisé à l’étranger qui est ultérieurement révélé par le bénéficiaire devenu résident de France, le don manuel entre dans le champ d’application de l’impôt français en vertu des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 750 ter du code général des impôts, abstraction faite de la date du transfert effectif à son profit du bien, ou de la somme, objet du don manuel ».

Or, le rappel fiscal du don manuel réalisé à l’étranger emporte révélation et donc… taxation.

Cette position ministérielle est néanmoins contestable dans la mesure où, d’un point de vue du droit interne, si l’article 757 du CGI prévoit effectivement qu’un don manuel est taxable au jour de sa révélation et que l’assiette des droits de donation correspond à la valeur du bien au jour de cette révélation, cet article ne prévoit en aucun cas une règle de territorialité spécifique qui s’appliquerait au jour de la révélation et non pas au jour de la donation.

L’approche de l’administration fiscale est donc extrêmement large et crée une insécurité juridique importante pour les nouveaux résidents fiscaux français.

Conséquences pratiques pour les contribuables

Certes, les non-résidents les mieux conseillés - et notamment les expatriés qui avaient vocation à revenir en France - ont pris l’habitude, par prudence, d’enregistrer les dons manuels avant leur retour en France mais il ne s’agit pas des situations les plus fréquentes…

Si l’on ajoute à cette approche contestable celle (tout aussi condamnable) consistant à considérer que la règle spécifique applicable aux dons manuels (imposition au jour de la révélation) s’applique également à certaines donations réalisées à l’étranger sous prétexte que ces donations n’ont pas été passées devant un notaire français, tout semble être mis en place pour éviter aux résidents fiscaux étrangers de se domicilier en France ou aux expatriés de revenir…

 

Yan Flauder

Avocat spécialisé en droit fiscal

Barreau de Toulouse

www.flauder-avocat-toulouse.fr