Début 2018, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur le régime des inventions des salariés prévu par l'article L.611-7 du code de la propriété intellectuelle.

En l’espèce, une société avait déposé en 2004 une demande de brevet français intitulée « dispositif portable de détection, d'alerte et de transmission d'informations relatives à une personne physique ». Un salarié - embauché en 2006 en qualité d'ingénieur développement - réalisait des travaux de développement de ce procédé, puis était licencié pour motif économique ; la société employeur faisant l'objet d'une liquidation judiciaire et son actif incorporel étant cédé. La société cessionnaire déposait en 2009 une demande de brevet intitulée « procédé de détection de chute ».

Il s'avère alors que ce brevet « reprenait les revendications issues des travaux, effectués avec ses propres moyens, de développement du procédé de détection de chutes, contenues dans l'enveloppe Soleau [...] déposée [en] 2008 à l'Institut national de la propriété industrielle » par le salarié licencié.

Ce brevet était ensuite cédé à une troisième société.

Le salarié invoquait alors ses droits sur l’invention et sollicitait le transfert à son profit de la propriété du brevet.

Dans ces conditions, la Cour de cassation devait se déterminer sur le sort à réserver à (i) une invention de mission (ii) en cas de cession de l’actif incorporel de la société employeur (iii) dans le cadre d'une liquidation judiciaire.

Les juges du fond avaient conclu que l’invention de mission avait été cédée en même temps que l’actif incorporel de la société employeur liquidée. Cette solution est somme toute fort logique au sens de l’article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, lequel dispose que les inventions de mission « faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées » appartiennent à l’employeur.

La Chambre commerciale casse (partiellement) l'arrêt au double visa des articles L.611-6 et 7 du code de la propriété intellectuelle au motif que « l'acquisition des éléments incorporels de l'actif d'une société, comprenant un brevet et le résultat de travaux effectués dans la continuité de ce brevet par un salarié investi d'une mission inventive qu'elle avait employé, ne confère pas au cessionnaire la qualité d'ayant droit de l'employeur, en sorte que ce cessionnaire, qui a déposé un brevet à partir de ces éléments, n'est pas fondé à opposer au salarié que l'invention, dont celui-ci est l'auteur et revendique la propriété, est une invention de mission lui appartenant ».

Cette position est surprenante puisque l’article L. 611-7 dispose sans équivoque qu'une telle invention appartient dès l’origine à l'employeur (bien que ce dernier ne soit effectivement pas le seul à pouvoir déposer un brevet sur une invention de mission). Par voie de conséquence, l'on pouvait raisonnablement en déduire que cette invention - faisant partie de son actif incorporel - avait été cédée avec l'actif.

Par ailleurs, sur le moyen unique du pourvoi incident, et au visa de l'article L.611-7 (sur la question de l'identité du débiteur de la rémunération supplémentaire du salarié "inventeur"), la Cour de cassation casse également l'arrêt d'appel lequel avait condamné la société cessionnaire à verser la rémunération supplémentaire au salarié "inventeur" au motif qu' « à supposer l'invention de mission caractérisée, le droit à rémunération supplémentaire du salarié ne peut être invoqué qu'à l’encontre de l'employeur et prend naissance à la date de réalisation de l'invention brevetable ».

Com., 31 janvier 2018, n° 16-13262 (Cassation partielle), Publié au Bulletin

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