Le grand cormoran (Phalacrocorax carbo sinensis) est une espèce protégée conformément à l’arrêté ministériel du 29 octobre 2009, fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection. De ce fait, sa destruction, sa capture, sa perturbation, sa naturalisation, la destruction de ses œufs ou de ses nids sont par principe interdits.

Néanmoins, afin de prévenir notamment impact sur les activités piscicoles, des dérogations à l’interdiction de destruction de cette espèce sont accordées par arrêté ministériel, qui définit les conditions et les limites dans lesquelles les Préfets de certains départements peuvent délivrer des autorisations individuelles de tir de ces oiseaux.Les tirs du cormoran peuvent s’effectuer ainsi de la date d’ouverture de la chasse au gibier d’eau jusqu’à la fermeture générale, le Préfet du département pouvant, le cas échéant, étendre cette période jusqu’au 30 avril, en cas d’opération d’alevinage ou de vidange de pisciculture, voire jusqu’au 30 juin, dans les secteurs piscicoles contribuant fortement à la qualité et à l’entretien des milieux naturels, afin de limiter l’installation de cormorans nicheurs.

L’arrêté du 26 novembre 2010 (NOR : DEVL1025171A) prévoyait les zones dans lesquelles les opérations d’intervention sont autorisées, à savoir :

  • Les zones de pisciculture extensives, i.e les piscicultures en étang, et les piscicultures et les plans d’eau exploités pour la production de poissons (voir les dispositions des articles L.431-4, L.431-6 et L.431-7 du Code de l’environnement) ; 
    Sur les piscicultures, seuls les exploitants sont habilités à effectuer ces tirs, ou toute autre personne ayant reçu délégation d’un exploitant piscicole et détenteur d’un permis de chasser. 
     
  • Les eaux libres périphériques, définies comme les zones où la prédation de grands cormorans présente des risques pour les populations de poissons menacées. 
    Sur ces zones, les tirs ne peuvent être réalisés que par certaines personnes habilitées par le Préfet (propriétaires et fermiers riverains d’un cours d’eau, pêcheurs membres d’une association agréée et leurs mandataires titulaires d’un permis de chasser) et sous le contrôle technique d’agents assermentés à cet effet.

 

Ainsi, les bénéficiaires doivent adresser au Préfet un compte-rendu des opérations menées (lieu et nombre d’oiseaux tirés), à charge pour ce dernier de transmettre un bilan au Ministère de l’écologie, accompagné d’un compte rendu détaillé des mesures complémentaires de destruction.

En effet, les tirs sont plafonnés par le biais de quotas de prélèvement, fixés pour chaque département par un arrêté interministériel, publié tous les trois ans, qui donne le détail de ces quotas.

 

Un arrêté ministériel du 19 septembre 2022 (NOR : TREL2224750A) paru au Journal officiel le 1er octobre 2022 est venu, pour la première fois, supprimer les quotas en eaux libres.

Autrement dit, si ce sont au total 83.676 cormorans qui pourront être détruits sur cette période triennale 2022/2025, les opérations ne seront possibles que sur les seules piscicultures à l’exclusion des eaux libres périphériques, ce qui n’est pas sans poser difficultés.

Pour rappel, le nombre de cormorans pouvant être détruits était fixé, pour la période triennale précédente, soit 2019/2022 à 150.849 oiseaux, dont 87.012 en piscicultures et 63.837 sur les eaux libres périphériques (arrêté du 27 août 2019 – NOR : TREL1923927A).

En effet, si les plafonds proposés sont fondés sur le croisement de plusieurs données, dont le bilan des tirs, la demande formulée et justifiée par les services et l’évolution de la population (à partir des rapports des recensements coordonnés par M. Loïc MARION), force est de constater que une augmentation des populations  de cormorans, le rapport triennal recensant plus de 11.000 couples sur le territoire français, représentant une progression de 16 % depuis 2018 et une extension à de nouveaux territoires (Puy-de-Dôme, Creuse, Vienne, Charente et Isère).

Au-delà de l’augmentation de la population, il est également constaté une sédentarisation de l’espèce.

En effet, le 15e recensement des grands cormorans hivernants estimait la population à 115.127 oiseaux en janvier 2021, répartis en 1.463 dortoirs dispersés sur 93 départements, soit une hausse sensible de 8,32 % par rapport au précédent recensement de 2018 et une augmentation du nombre de dortoirs.

 

Alors que les structures de pêche de loisir multiplient les projets de préservation et de restauration des milieux aquatiques et de leur biodiversité, tant au niveau départemental que national, cet arrêté ne manque pas d’interroger sur la possibilité de réduire à néant les opérations effectuées au titre de la préservation et du développement d’espèces piscicoles, menacées par un prédateur dont il n’est plus permis de ralentir la progression sur le territoire nationale.

Dans un communiqué de presse du 06 octobre 2022, la Fédération Nationale de la Pêche en France (FNPF) a indiqué avoir décidé d’attaquer en Justice l’arrêté du 19 septembre 2022 fixant les plafonds départementaux dans les limites desquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant les grands cormorans (Phalacrocorax carbo sinensis) pour la période 2022/2025 (NOR : TREL2224750A).

La décision sera commentée lorsqu’elle aura été rendue.

En outre, la FNPF a approuvé la séquestration de la Redevance Milieux Aquatiques versée par les pêcheurs (montant approximatif de 8 millions d’euros) et du règlement des baux de pêche publics.

Les pêcheurs entendent aussi rencontrer le Président de la République.

la volonté politique d'enjeux environnementaux trouvera vraisemblablement sa réponse par une voie juridique et judiciaire.

Pour lire l’arrêté du 19 septembre 2022 :

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046349822