L’ouverture du procès de « l’affaire Morgan Keane » fut l’occasion de s’interroger sur le Droit de la Chasse. La matinale de France Info a interrogé notre cabinet, afin de répondre à certaines questions, à travers trois thématiques.

 

– L’ouverture du procès le 17 novembre 2022: « 2 chasseurs jugés pour un accident mortel » ces derniers étant poursuivis pour des faits d’homicide involontaire.

Sans évoquer le fond du procès, il était précisé les contours du délit d’homicide involontaire, qui est le fait de causer la mort de quelqu’un sans le vouloir.

L’élément matériel de l’infraction peut être un acte de commission (de celui qui aura créé ou contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage) ou d’omission (de celui qui aura négligé de prendre les mesures nécessaires pour que le dommage ne se réalise pas). En l’espèce le tireur et le directeur de battue étaient poursuivis devant le tribunal correctionnel de Cahors pour répondre de ces faits.

L’élément moral (l’élément intentionnel d’un délit non intentionnel) est constitué par l’existence d’une faute d’imprudence qui préside à la réalisation de l’acte matériel. Ce peut être :

  • soit une faute simple : « une faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait » au sens des dispositions de l’article 221-6 du Code pénal ;

    En ce cas l’homicide involontaire est puni d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.
     
  • soit une faute qualifiée : c’est-à-dire, une « violation façon manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » ou une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité que son auteur ne pouvait ignorer.

    En ce cas l’homicide involontaire est puni d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.

 

– « accident de chasse : faut-il un délit d’alcoolémie ?« 

Cette question est politique avant d’être juridique. Pour autant, le sujet de l’alcool à la chasse est l’occasion soit de caricatures, soit d’accusations de stigmatisation.

A ce titre, il peut être rappelé que, contrairement aux accidents de la route, les accidents de chasse liés à l’alcool sont très minoritaires (9% des accidents de chasse en moyenne, soit l’équivalent de 7 accidents en 2020-2021 et 8 accidents en 2021-2022) mais suffisent à notre sens à justifier l’interdiction de l’alcool à la chasse. NB: il ressort des dispositions de l’article L.3354-1 du Code de la santé publique que l’imprégnation alcoolique ou à la drogue est systématiquement recherchée en cas d’accident mortel et à chaque fois qu’un accident emportant des blessures est signalé suffisamment rapidement.

Juridiquement, rien ne le justifie. Factuellement non plus, puisqu’il n’est pas démontré qu’il existerait plus d’accidents de chasse le dimanche qu’un autre jour de la semaine. Cette demande était politique par des associations « anti chasse » qui n’apparaît aucunement justifiée.

A ce titre, le rapport d’information du Sénat sur la Chasse préconise d’aligner le taux d’alcoolémie retenu et l’interdiction des stupéfiants ainsi que leurs sanctions respectives sur les règles en vigueur en matière de Code de la route.

 

– « faut-il un jour de non chasse ?« 

Là encore, le rapport d’information du Sénat proposait de ne pas retenir de jour sans chasse au niveau national, mais proposait la mise en place un « cadre » de dialogue permettant des adaptations locales concertées entre les différents acteurs du territoire.

Juridiquement, il convient néanmoins de rappeler que sans qu’il n’y ait de jours définis au niveau national, il existe déjà un grand nombre de jours sans chasse ou sans tir. A ce titre, la Chasse ne peut se pratiquer que durant les périodes d’ouverture et sous certaines conditions.

A titre d’exemple:

  • La chasse est, par principe, interdite en temps de neige (article R.424-2 du Code de l’environnement).
  • La chasse à courre, à cor et à cri est ouverte du 15 septembre au 31 mars et la chasse au vol est ouverte à compter de la date d’ouverture générale de la chasse dans le département considéré jusqu’au dernier jour de février (R.424-4 dudit Code).
  •  La vénerie sous terre se termine par principe le 15 janvier (R.424-5 du même Code).
  • La chasse à tir est ouverte pendant les périodes fixées chaque année par arrêté du préfet, pris sur proposition du directeur départemental des territoires et après avis de la CFCDS et de la fédération des chasseurs, entre septembre et le dernier jour de février (R.424-6 et suivant dudit Code).

Dans les forêts domaniales, le titulaire d’un lot ne peut chasser collectivement plus de deux fois par semaine. Dans 40 % des forêts, la chasse est interdite le dimanche. Dans les forêts les plus fréquentées, elle n’est possible qu’à date fixe, entre dix et quinze jours en semaine par an.

De même, plusieurs fédérations départementales de chasseurs ont mis en place des jours sans chasse (dans l’Ain, la Haute-Savoie, le Cantal, etc.).

 

Un condensé de ces dispositions ont pu être évoquées sur la Matinale de Franc info, le jeudi 17 novembre 2022.

Pour voir la matinale: https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/franceinfo/6h30-9h30/7-heures/jt-le-jt-de-la-matinale-de-franceinfo-jeudi-17-novembre-2022_5482374.html