L'article 223 du Code Civile stipule:

« Chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s'être acquitté des charges du mariage. »

L’article 1422 du Code Civil stipule :

« Les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté.

Ils ne peuvent non plus, l'un sans l'autre, affecter l'un de ces biens à la garantie de la dette d'un tiers. »

Les époux mariés sous le régime de la communauté voient qualifiés de communs les biens acquis pendant le mariage, qu’il s’agisse de biens mobiliers ou immobiliers.

Les gains et salaires sont communs dès leur perception.

 

La Cour de Cassation a rendu, le 20 novembre 2019 (Civ. 1ère FS-P+B+I n° 16-15.867), un arrêt très important qui tranche la question du sort d’une donation consentie à partir des gains et salaires d’un couple marié sous le régime de la communauté légale ou communauté de biens.

Dans le cas d’espèce, il s’agissait d’un époux marié sous le régime de la communauté universelle qui avait consenti deux libéralités à sa maîtresse retirées sur des comptes banacires ouverts à son nom.

Cette femme avait en outre été désignée comme bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie mixte.

Au décès de l’époux, sa veuve entame une action en justice en vue d’obtenir la nullité de ces libéralités et la restitution des sommes.

L’action a ensuite été poursuivie par l’héritier de l’épouse, consécutivement à son décès.

Les Juges du fond ont déclaré nulles les libéralités consenties.

La maîtresse bénéficiaire des libéralités litigieuses a alors formé un pourvoi en cassation.

Pour la première fois depuis de nombreuses années, la Cour de Cassation s’est prononcée sur la validité d’une donation accordée par un époux commun en biens au moyen de ses gains et salaires en termes suivants : « ne sont pas valables les libéralités consenties par un époux commun en biens au moyen de sommes provenant de ses gains et salaires lorsque ces sommes ont été économisées ».

Seul est ici examiné le volet relatif aux libéralités consenties à partir des gains et salaires du mari, le volet relatif au contrat d’assurance-vie mixte étant laissé.

En jugeant que les donations consenties par les gains et salaires économisés par le mari étaient nulles, la Cour de Cassation tranche la question de l’opposition entre les 2 articles du Code Civil ci-dessus cités.

En effet, l’article 233 du Code Civil pose le principe de la liberté, pour chaque conjoint, de disposer de ses gains et salaires après avoir contribué aux charges du ménage.

L’article 1422 du Code Civil pose le principe d’une cogestion du couple sur les biens communs.

Depuis des décennies, la jurisprudence qualifie de biens communs les gains et salaires et sont aini soumis à la cogestion (Civ. 1ère 8 févr. 1978, n° 75-15.731).

Toute la difficulté réside dans la combinaison de ces 2 articles du Code Civil, à priori antinomiques. 

Dans l’arrêt du 20 novembre 2019, la Cour de Cassation ne donne pas la primauté d’un article sur l’autre mais fait le choix de recourir à la notion d’économie qui n’est citée dans aucun de ces deux textes.

Sont ainsi nulles, les libéralités consenties par un époux, marié sous le régime de la communauté de biens, au moyen de sommes économisées provenant de ses gains et salaires.

Le critère de « sommes économisées » provennant des gains et salaires devient déterminant pour valider ou invalider des donations par un conjoint soumis au régime légal mais se révèle aussi source d’interrogations.

Les décisions à venir devront clarifier à quel moment les gains et salaires seront considérés comme économisés (placement, remise sur un compte particulier, montant etc…).