Dans le cadre d’une indivision, l’article 815-11 du Code Civil permet à tout indivisaire de demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses relatives à l’indivision.

L’avance en capital sur les fonds indivis peut être décidée entre les coindivisaires lorsqu’ils sont d’accord.

En cas de désaccord entre les coindivisaires, l’alinéa 4 de l’article 815-11 du Code Civil prévoit que peut être ordonnée en justice au profit de l’indivisaire qui en fait la demande, une avance en capital à concurrence des fonds disponibles sur ses droits dans le partage à intervenir.

Seuls sont ici envisagés, la demande d’une avance en capital faite en justice et la nature des fonds à prendre en compte pour l’obtenir.

Une avance en capital est envisageable lorsque l’indivision bénéficie de fruits et revenus provenant le plus souvent de la location de biens indivis ou de la vente d’un bien indivis.

Une avance en capital pour être obtenue en justice, doit obéir à des conditions afin de ne pas compromettre le fonctionnement de l’indivision, notamment le paiement des charges y afférentes.

Lorsque le président du Tribunal judiciaire est saisi par un indivisaire d’une demande d’avance en capital, il doit vérifier tous les fonds dont dispose l’indivision (liquidités, fruits et revenus des biens indivis, valeurs mobilières etc.). 

Il incombe à l’indivisaire qui souhaite obtenir une avance en capital de rapporter la preuve en justice d’une part, du montant des fonds dont dispose l’indivision et d’autre part, leur disponibilité. Est aussi prise en compte, la part de l’indivisaire dans le partage définitif.

Même si une indivision est détentrice d’un patrimoine immobilier important et de liquidités abondantes, il n’est toujours aisé d’obtenir une avance en capital à concurrence du montant sollicité.

C’est ce qu’illustre un arrêt rendu le 4 octobre 2023 par la Cour d’Appel de GRENOBLE (Chbre des Aff. Familiales n° 22/04045).

Dans ce cas d’espèce, Mme D V veuve K est décédée le 11 novembre 2020, laissant pour lui succéder ses trois enfants Mr S K, Mme E K et Mr N K, issus de son union avec son époux prédécédé G K. Par courrier d’avocat du 31 janvier 2022, Mme E K et Mr N K ont demandé à Mr S K son accord pour débloquer une avance à valoir sur le partage, à hauteur de 45 000,00 pour Mme E K, 45 000,00 € pour Mr N K et 90 000,00 € pour Mr S K. Une assignation a été délivrée le 17 mai 2022 à la requête de Mr N K et Mme E K à Mr S K devant le président du tribunal judiciaire de GRENOBLE (procédure accélérée au fond) sur le fondement de l’article 815-11 du Code Civil aux fins de voir ordonner à leur profit une avance de 90 000,00 € soit, la somme de 45 000,00 € chacun à valoir sur le partage de l’indivision. Parallèlement, les 11 et 13 avril 2022, Mr S K a fait assigner Mme E K et Mr N K devant le tribunal judiciaire de GRENOBLE aux fins de partage judiciaire.

Par jugement contradictoire du 26 octobre 2022, la présidente du tribunal judiciaire de GRENOBLE a débouté Mr N K et Mme E K de leur demande d’avance à valoir sur le partage de l’indivision. Mr N K et Mme E K ont alors fait appel de ce jugement 

La Cour d’appel de GRENOBLE a, dans son arrêt du 4 octobre 2023, infirmé le jugement précité en énonçant :

« Sur la demande d’avance à valoir sur le partage de l’indivision : Mr N K et Mme E K sollicitent d’infirmer le jugement les ayant déboutés de leur demande d’avance et de leur accorder une avance à valoir sur le partage de l’indivision, de 45 000,00 € chacun à titre principal et de 30 000,00 € chacun à titre subsidiaire.  Ils font état de l’actif successoral, constitué de liquidités et de plusieurs biens immobiliers, évalué dans la déclaration de succession à 1 332 229,17 € pour un passif de 25 418,54 €. Ils indiquent que le compte de la succession faisait apparaître des liquidités pour un montant de 200 937,92 € selon décompte du 17 novembre 2021, montant en augmentation selon décompte actualisé au 23 septembre 2022 en raison des revenus locatifs des biens immobiliers….  Pour rejeter la demande d’avance en capital sur le partage, le président du tribunal judiciaire de GRENOBLE a retenu que l’actif successoral était composé de liquidités, mais également de six biens immobiliers, lesquels étaient générateurs de charges pour l’indivision successorale...  Il a également relevé que la seule notification de décision d’attribution de l’allocation adulte handicapé à Mme K s’avérait insuffisante à démontrer l’intérêt commun de l’avance en capital sollicitée. Deux conditions sont nécessaires pour l’attribution d’une avance en capital en application de l’article 815-11 du code civil : elle ne doit pas excéder les droits de l’indivisaire et les fonds doivent être disponibles.  Mr N K et Mme E K produisent deux relevés de compte de la SCP F, notaires associés, relatifs à la succession de D K avec un solde créditeur de 212 812,96 € en date du 23 septembre 2022 et soulignent que ce montant est en augmentation, notamment en raison de loyers perçus provenant des biens immobiliers de la succession. Ils produisent également un courrier de Maître F, en date du 29 novembre 2021, selon lequel … la répartition des fonds peut se faire à hauteur de 93 478,21 € pour Mr S K, 49 156,36 € pour Mr N K et 58 303,35 € pour Mme E K. Il ressort de ces éléments que les fonds sont disponibles pour procéder aux avances demandées, même si le montant sollicité est proche du montant total des liquidités. Eu égard aux fonds disponibles et aux droits de Mr N K et de Mme E K dans l’indivision, c’est à tort que leur demande en avance de capital a été rejetée. Toutefois, comme l’a relevé à juste titre le magistrat dans la motivation du jugement déféré, l’indivision est composée notamment de ces liquidités mais également de six biens immobiliers, de valeurs qui peuvent être générateurs de charges … Au vu du montant total des fonds disponibles, des droits de chacun sur ces fonds et pour ne pas mettre en difficulté le fonctionnement de l’indivision actuellement en cours, il convient de limiter à 30 000,00 € chacun le montant de l’avance allouée à Mr N K et à Mme E K. Il sera également fait droit à la demande subsidiaire présentée par Mr S K en première instance et devant la cour et il lui sera aussi accordé une avance de 60 000,00 € ».

Il résulte de cet arrêt qu’une analyse précise des biens ainsi que des revenus et charges de l’indivision doit être effectuée pour pouvoir prétendre à une avance en capital. 

Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence classique à la matière qui permet au juge d’apprécier souverainement le montant de l’avance en capital au regard des droits des parties après avoir vérifié qu’elle n’excède pas les droits de son bénéficiaire.

Par ailleurs, s’agissant du patrimoine et des fonds disponibles de l’indivision lorsqu’ une demande d’avance en capital est formée, leur analyse fait l’objet d’une acception étendue.

En effet, toutes les richesses composant l’indivision sont prises en compte telles, les liquidités, les loyers générés par les biens indivis, les valeurs mobilières détenues à travers des placements, le produit résultant de la vente d’un bien indivis, la créance de l’indivision contre l’un des indivisaires dès lors que celui-ci est redevable de liquidités d’un montant manifestement supérieur à ses propres droits dans le partage à venir etc…

Enfin, si l’avance en capital au profit d’un coindivisaire paraît aisée à obtenir lorsque les conditions sont remplies, il ne peut être fait abstraction des conséquences qu’elle engendrera lors du partage de l’indivision (art. 856 c.c).