Pour que la qualification d'abus de confiance soit envisageable il faut qu'il existe un titre en vertu duquel la chose a été remise et qui oblige à la rendre, à la représenter ou à en faire un usage déterminé.
Il appartient d’établir et de caractériser l'existence de ce titre, qui doit nécessairement comporter une remise à titre précaire, c’est-à-dire sans transfert de propriété de la chose ainsi remise.
L’exigence de remise à titre précaire est affirmée de manière constance par la jurisprudence, que ce soit sous l’empire de l’Ancien code pénal, ou des dispositions actuelles.
(V. notamment, Cass. crim., 14 févr. 2007, pourvoi n° 06-82.283. - Cass. crim., 19 sept. 2007, pourvoi n° 06-86.343 - Cass. crim., 3 déc. 2008, pourvoi n° 08-82.896).
Or, lorsque des fonds, c'est-à-dire des biens fongibles et consomptibles, sont remis à titre de prêt, l'obligation qui pèse sur l'emprunteur est seulement celle de rendre la valeur prêtée. Dans cette hypothèse, celui qui reçoit la chose à charge d'en rendre ainsi l'équivalent n'est pas détenteur précaire du bien reçu, mais en acquiert la propriété, de sorte que s'il refuse ou s'est mis dans l'impossibilité d'opérer la restitution, il ne peut être l’auteur d'un abus de confiance (Cass. crim., 5 sept. 2007 pourvoi n° 07-80.529).
La solution n'est pas différente lorsque la chose remise l'a été avec l'obligation d'en faire un usage déterminé ou d'être en mesure de la présenter puisque ce qui est déterminant est de savoir si celui qui a reçu la chose en est devenu propriétaire ou n'en est que détenteur précaire.
Ainsi, l'agent ayant acquis la propriété des biens reçus, il ne peut être auteur d'un abus de confiance même s'il bafoue les engagements contractuels pris en ne respectant pas l'affectation qu'il avait pourtant promis de donner à ces biens, tel que :
- celui qui obtient un prêt immobilier pour financer la construction de deux villas et qu’il les utilisent pour la construction d'une seule villa, le surplus servant à financer d'autres dépenses (Cass. crim., 14 févr. 2007, précité) même s’il est établi qu’il n’a pas respecté l’obligation contractuelle d’affecter les fonds remis ;
- le courtier en œuvres d'art qui bénéficie d’un prêt d’un particulier en vue de l'acquisition d’un fonds de commerce pour lui permettre d'exercer son activité et partager les bénéfices, et qu’il utilise à d'autres fins (Cass. crim., 5 sept. 2007, précité).
Enfin, on précisera que le juge répressif ne peut statuer sur les questions soulevées devant lui qu'en appliquant les règles de preuve spécifiques de la matière contractuelle en cause.
Ainsi la preuve du contrat civil dont l'abus de confiance présuppose l'existence doit, lorsque l'existence de ce contrat est déniée, être faite conformément aux règles du droit civil (Cass. crim., 3 janv. 1985 : Bull. crim. 1985, n° 3. - Cass. crim., 1er juin 1987 : Bull. crim. 1987, n° 224).
Il appartient ainsi au ministère public de rapporter la preuve du cadre juridique de la remise, impliquant nécessairement remise à titre précaire, conformément au droit civil.
Or, en vertu des dispositions de l’article 1341 du code civil, la preuve d’un contrat portant sur toutes choses excédant la valeur de 1 500 euros ne peut être rapportée qu’au moyen d’écrits.
Par ailleurs, aucun commencement de preuve par écrit ne saurait être constitué par des procès-verbaux contenant des déclarations de tiers, ou du prétendu co-contractant.
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