Il appartient aux juridictions françaises statuant sur une demande d’exéquatur de s’assurer notamment du respect de la décision en question avec l’ordre public international et notamment le respect des principes fondamentaux de procédure.
L'ordre public international se compose de l'ordre public de fond et de l'ordre public procédural. Il sera question, dans cet article, de l’ordre public procédural, en vertu duquel une décision ne pourra obtenir l’exequatur des juridictions françaises en cas de violation grave du principe du contradictoire et des droit de la défense.
Il pourra en être ainsi d’une décision de divorce rendue à l’étranger, au cours d’une procédure dans laquelle la délivrance de l’acte introductif de l’instance en divorce a eu lieu à une adresse qui n’était plus celle du défendeur, alors que le demandeur pouvait connaitre sa nouvelle adresse, et en conséquence, de son ignorance parfaite de toute la procédure de divorce, n’a pas été en mesure de faire valoir ses moyens de défense, et aucun débat contradictoire n’a pu s’instaurer. Il est ainsi porté atteinte aux principes essentiels du procès équitable.
Dans ce domaine, la jurisprudence a pu juger que :
« en ayant souverainement relevé que la décision était contradictoire, que les parties avaient été régulièrement citées et représentées, que M. X... qui avait formé un recours avait eu connaissance de cette décision qui était devenue définitive et exécutoire, la cour d'appel en a exactement déduit que les exigences posées par les articles précités de la Convention franco-djiboutienne du 27 septembre 1986 avaient été satisfaites et que la décision n'était pas contraire à l'ordre public international procédural français ».
Civ. 1, 22 novembre 2005, pourvoi n°03-10.361.
Les juges du fond ont eux-aussi eu l’occasion de juger que :
« Il ressort de ces deux traductions, que Mme El A. n'était ni présente ni représentée lors du jugement et qu'aucun élément ne figure dans le jugement sur les modalités de convocation à l'audience pas plus que sur son adresse que sur les démarches effectuées, et que le jugement a été signifié à sa mère Mme Fatma B. en personne ; qu'en l'absence de toute information sur ces éléments essentiels et déterminants pour le respect du principe du contradictoire, il s'avère que le jugement de divorce invoqué par M. K. est contraire à l'ordre public procédural international. »
CA Versailles, Chambre 2, section 2, 4 Juillet 2013, RG N° 12/05077, Abdel Rehim K. C/ Nehad EL A. épouse K.
En l’occurrence, il appartient au Tribunal de rechercher si les parties à l’instance qui a donné lieu à la décision dont l’exéquatur est sollicitée ont été mises en mesure d’intervenir et de faire valoir leurs arguments ainsi que rechercher si ces mêmes parties ont pu avoir connaissance des décisions dont l’exéquatur est demandée.
Pour pallier des manquements au principe du contradictoire, certaines pratiques consistent à solliciter de la juridiction étrangères des jugements rectificatifs, sous couvert de requête en interprétation.
Pourtant, une décision postérieure visant à pallier la violation des principes fondamentaux de procédure de la première procédure, ne saurait rendre rétroactivement et artificiellement un jugement conforme à l’ordre public international.
A cet égard, la jurisprudence juge que :
« Vu les articles 3 du code civil et 509 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour reconnaître en France les jugements californiens des 1er et 21 décembre 2005, l'arrêt retient que Mme Y..., ès qualités, a produit deux décisions interprétatives du 24 novembre 2010, émanant de la même juridiction, contenant une motivation des précédents jugements, ce qui suffit à répondre à l'exigence de l'ordre public international de procédure concernant la motivation des décisions de justice,
Attendu qu'en statuant ainsi, quand les jugements des 1er et 21 décembre 2005, dont la motivation était reconnue comme défaillante par le juge de l'exequatur, ne pouvaient être complétés par des décisions rendues postérieurement à la saisine de celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés »
Civ. 1, 7 novembre 2012, pourvoi 11-23871.
La décision interprétative ne peut donc, par définition, contenir les motifs du jugement initial, puisqu'ils constituent des éléments substantiels nouveaux apportés dans le cadre de la procédure d'exequatur.
En particulier, l'effet rétroactif d'une décision interprétative ne peut être admis si cette dernière apporte des motifs absents de la décision initiale.
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