L’article 311-12 du code pénal dispose que :

« Ne peut donner lieu à des poursuites pénales le vol commis par une personne :

1° Au préjudice de son ascendant ou de son descendant ;

2° Au préjudice de son conjoint, sauf lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément.

Le présent article n'est pas applicable :

a) Lorsque le vol porte sur des objets ou des documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d'identité, relatifs au titre de séjour ou de résidence d'un étranger, ou des moyens de paiement ou de télécommunication ;

b) Lorsque l'auteur des faits est le tuteur, le curateur, le mandataire spécial désigné dans le cadre d'une sauvegarde de justice, la personne habilitée dans le cadre d'une habilitation familiale ou le mandataire exécutant un mandat de protection future de la victime. »

L’article 314-4 du même code étend l’application des dispositions précitées à l’infraction d’abus de confiance. Cette immunité familiale s’applique, enfin, également à l’infraction d’escroquerie.

La jurisprudence rappelle régulièrement que l’immunité familiale est une exception aux règles générales et que, comme toute exception, elle doit être entendue de manière restrictive.

Mais l’article précité prévoit lui-même une exception à l’exception : même dans le strict cadre prévue par l’immunité familiale, celle-ci sera levée si le vol (ou les autres infractions visées) porte sur des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne.

En effet, d’une part, l’exception prévue par le texte, et dans laquelle sont cités les « moyens de paiement » concerne uniquement « des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime ». La liste d’exemples cités en suite n’a vocation qu’à illustrer que peuvent être de tels objets.

Il en ressort que cette liste n’est pas limitative, et que les objets listés ne seront exclus de l’immunité familiale que dans la mesure où il est établi par le juge qu’ils étaient indispensables à la vie quotidienne de la victime alléguée.

La Cour d’appel d’Amiens en a jugé ainsi, en retenant que :

« statuant sur le seul appel régulièrement interjeté par le Procureur de la République près le Tribunal correctionnel de COMPIEGNE, limité à la relaxe prononcée du chef de vol du carnet de chèques (ensuite utilisé) du fait de l’immunité familiale au préjudice de Bruneau C.

Attendu qu’effectivement la victime est le père du prévenu et que le vol de l’un de ses moyens de paiement ne l’a pas mis dans une situation de détresse susceptible de lever l’immunité familiale »

(CA Amiens, chambre correctionnelle, 25 avril 2008)

D’autre part, les « moyens de paiement » évoqués par l’article 311-12 précité recouvrent une notion bien précise : objet permettant d’effectuer des achats ou de régler des dépenses. On comprend dès lors que les « moyens de paiement » recouvrent notamment et principalement des cartes bancaires ou des formules de chèques.

(cf. pour des détournements de formules de chèque CA Rouen, chambre correctionnelle, 12 décembre 2012, ou CA Douai, Chambre correctionnelle 4, 30 mars 2012).

En revanche, un chèque dument rempli par la prétendue victime au bénéfice d’une personne déterminée, ne constitue pas un moyen de paiement, dès lors qu’une fois rempli, il ne permet plus de régler des achats ou de payer des dettes, mais permet uniquement la remise de fonds au bénéficiaire à l’exclusion de tout autre. Il devient alors un paiement et non un moyen de paiement.

Par ailleurs, au regard de ce qui vient d’être énoncé, a fortiori, un chèque dument rempli par la victime alléguée, autrement dit un paiement, ne constitue pas un objet indispensable à la vie quotidienne.