La création ou la révision d’un document d’urbanisme, tel un PLU, débute nécessairement par une délibération de l’autorité compétente (commune ou EPCI) prescrivant celle-ci et fixant « les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation ». Après une procédure complexe, longue de plusieurs années, le document d’urbanisme élaboré ou révisé, est enfin approuvé par une dernière délibération.

Dans le cadre du contentieux contre la délibération approuvant le document d’urbanisme, le Conseil d’Etat retenait classiquement comme moyen d’annulation l’absence ou l’insuffisance de définition des « objectifs poursuivis » par la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du document d’urbanisme, votée plusieurs années auparavant.

Il jugeait ainsi concernant la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du document d’urbanisme:

« la délibération du conseil municipal doit porter, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser un document d'urbanisme, d'autre part, sur les modalités de la concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées ; que cette délibération constitue, dans ses deux volets, une formalité substantielle dont la méconnaissance entache d'illégalité le document d'urbanisme approuvé, alors même que la concertation aurait respecté les modalités définies par le conseil municipal »

Conseil d’Etat, 10 février 2010, Commune de Saint-Lunaire, n°327149.

 

Par un arrêt du 5 mai 2017, le Conseil d’Etat opère un revirement de jurisprudence :

« le conseil municipal doit, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme, et, d'autre part, sur les modalités de la concertation ; que, si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l'excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d'urbanisme … »

Conseil d’Etat, 5 mai 2017, Commune de Saint-Bon-Tarentaise, n°388902.

 

Ainsi, la délibération prescrivant la révision du document d’urbanisme et définissant les objectifs poursuivis pourra faire l’objet d’un recours direct en annulation. Cependant une fois le délai de recours expiré, il ne sera plus possible d’en soulever l’illégalité, notamment à l’occasion d’un recours contre la délibération finale, venant approuver le document d’urbanisme.

Ce revirement sécurise un peu plus les documents d’urbanisme, dont bon nombre ont pu être annulés sur le fondement de la jurisprudence commune de Saint-Lunaire.

Toutefois, le Conseil d’Etat ne dit mot sur les conséquences de l’annulation de la délibération prescrivant l’élaboration du document d’urbanisme, lorsque qu’un contentieux contre la délibération l’approuvant est pendant. Cette situation se rencontrera vraisemblablement au regard des délais de jugement devant les juridictions administratives.

Le requérant pourra-t-il alors soulever l’annulation de cette première délibération pour obtenir l’annulation de celle approuvant le document d’urbanisme ? L’on serait tenté de répondre par l’affirmative au regard du principe d’autorité absolue de chose jugée qui impose à toute autorité administrative et à tous juges, de respecter l’annulation survenue.

Il est enfin à noter que cette nouvelle jurisprudence est d’application immédiate, de sorte qu’elle s’applique au contentieux en cours contre des documents d’urbanisme.