La loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative au contrat de sous-traitance dispose en son article 14 :

« A peine de nullité du sous-traité les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1338 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant ». A noter, ce mécanisme ne concerne que les marchés privés de travaux et non les marchés publics.

L’article 15 de la même loi, pour en assurer l’application et protéger le sous-traitant vis-à-vis de l’entrepreneur principal, prévoit :

« Sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour effet de faire échec aux dispositions de la présente loi »

A la lecture de cet article, l’on comprend que toute manœuvre de l’entrepreneur principal destinée à se soustraire à l’application de la caution, en l’absence de délégation de paiement, est vouée à l’échec.

Toutefois qu’en est-il lorsque la manœuvre en cause, supprimant le cautionnement, a pour origine le sous-traitant lui-même, censé être le bénéficiaire de la protection édictée par la loi ? C’est la question à laquelle la 3e chambre civile de la Cour de cassation a répondu récemment.

 

En l’espèce, un entrepreneur principal avait souscrit une caution dans le cadre de la sous-traitance de travaux à une autre entreprise. Mois d’un mois après la signature du contrat de sous-traitance, le sous-traitant a donnée « mainlevée » à la caution. En d’autres termes, celui-ci a renoncé au bénéfice de la protection prévue à l’article 14 précité.

Le sous-traitant, n’ayant vraisemblablement pas été payé par l’entrepreneur principal pour ses prestations a mis en demeure celui-ci mais aussi la caution. Bien évidemment, cette dernière a refusé sa garantie, en arguant de la mainlevée donnée. L’affaire s’est donc retrouvée en justice, l’entrepreneur principal ayant entre-temps été mis en liquidation judiciaire…

Pour justifier son refus de garantie, la caution soutenait que le sous-traitant pouvait valablement renoncer au bénéfice de la protection de l’article 14 une fois le contrat de sous-traitance conclu. Il s’agit ici d’un principe classique applicable en présence d’un ordre public de protection.

 

Toutefois, la Cour, pour rejeter le pourvoi et confirmer la garantie de la caution retient :

« Mais attendu, d'une part, qu'ayant exactement retenu que la seule exception à l'obligation de fournir une caution était la délégation du maître de l'ouvrage, la cour d'appel, devant laquelle la Société générale n'a pas soutenu qu'une délégation de paiement avait été effectivement mise en place au profit de la société MPB ni qu'une autre caution avait été réellement substituée à la première, en a déduit à bon droit que les sommes dues à ce sous-traitant devaient être garanties par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur principal auprès d'un établissement qualifié ;

Attendu, d'autre part, que, les dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1975 interdisant toute renonciation ou remise conventionnelle accordée par le sous-traitant à la caution, la cour d'appel a exactement retenu que la « mainlevée » donnée le 12 avril 2012 par la société MPB était nulle et que la Société générale ne pouvait s'en prévaloir pour dénier sa garantie »

 

Dès 2003, la Cour de cassation reconnaissait que le sous-traitant ne pouvait pas renoncer aux dispositions d’ordre public de la loi du 31 décembre 1975 (Cass Civ3, 9 juillet 2003, n°02-10644).

Toutefois, cela ne semblait concerner que le stade de la formation du contrat de sous-traitance de sorte que le sous-traitant pouvait renoncer postérieurement et en connaissance de cause à la protection dont il bénéficiait. L’on était ici dans une application classique d’un ordre public de protection.

Il semblerait que la Cour revienne sur cette position et interdise purement et simplement au sous-traitant de renoncer à la caution dont il bénéficie, sauf à opter pour la délégation de paiement.

Ainsi, il convient maintenant pour les entrepreneurs principaux et les cautions, en l'absence de mise en place d'une délégation de paiement, d’écarter spontanément tout acte du sous-traitant par lequel celui-ci renonce au bénéfice du cautionnement.

 

Cass Civ 3, 14 septembre 2017, n°16-18146.