Le droit d'être assisté par un avocat dès les premiers interrogatoires est essentiel.

Dans un arrêt Lalik c. Pologne du 11 mai 2023, concernant les droits de la défense du requérant et la garantie contre l'auto-incrimination, la Cour européenne des droits de l'homme le rappelle en concluant à la violation de l'article 6 § 3 c) (droit à l'assistance d'un avocat de son choix) de la Convention européenne des droits de l'homme.

Résumé

En janvier 2016, en état d'ébriété, le requérant a mis le feu à la veste de son compagnon de boisson, ce dernier ayant subi de graves brûlures et en étant décédé par la suite. Le requérant a été reconnu coupable de meurtre aggravé et condamné à 25 ans de réclusion. Les jugements des juridictions nationales faisaient explicitement référence aux déclarations qu'il avait faites lors de son interrogatoire informel qui avait eu lieu avant qu'il ait consulté un avocat et, prétendument, alors qu'il était encore sous l'effet de l'alcool.

La Cour a notamment constaté que M. Lalik n'avait pas été correctement informé de ses droits de défense. Elle s'est inquiétée du fait que les juridictions nationales aient admis et évalué des éléments de preuve obtenus en violation de ces garanties fondamentales. Les déclarations faites par M. Lalik lors de son interrogatoire informel avaient servi de preuve clé pour établir son intention de tuer son ami, ce qui avait conduit à sa condamnation pour meurtre. Selon la Cour, un tel raisonnement allait à l'encontre du concept d'un procès équitable.

Faits principaux
Le requérant, Przemysław Lalik, est un ressortissant polonais qui purge actuellement une peine de prison à la prison de Zamość.

En janvier 2016, en état d'ébriété, M. Lalik a mis le feu à la veste de son compagnon de boisson alors que ce dernier était dans le coma, allongé sur le sol de son sous-sol. Ce dernier a subi de graves brûlures sur 60 % de son corps et dans les voies respiratoires supérieures, ce qui a entraîné son décès.

Quelques heures plus tard, M. Lalik a été arrêté et conduit au commissariat de police. Un test d'alcoolémie a révélé une concentration d'environ 0,65 mg/l d'alcool (1,3 gramme par litre) dans son organisme. Selon le gouvernement, il a été informé de ses droits peu après son arrivée au commissariat de police, bien qu'aucune preuve en ce sens n'ait été soumise à la Cour. Le lendemain matin, il a été interrogé de manière informelle pendant près de trois heures par trois policiers, sans subir un nouveau test d'alcoolémie et avant de consulter un avocat.

Aucun compte rendu formel de l'interrogatoire n'a été établi, mais l'un des policiers a consigné ce qui a été dit dans une note officielle qu'il a signée. Le lendemain, M. Lalik a été inculpé de meurtre avec une cruauté particulière. Son avocat de la défense n'était pas présent au tout début de son interrogatoire par le procureur, et M. Lalik a commencé par plaider coupable. Quelques minutes plus tard, après avoir parlé à son avocat, il a rétracté ses déclarations et a déclaré qu'il n'avait pas eu l'intention de tuer son ami.

Lors du procès, le requérant a admis avoir mis le feu à la veste de son ami, mais a expliqué qu'il n'avait jamais eu l'intention de le tuer et qu'il avait déjà fait une plaisanterie similaire en août précédent, en mettant le feu à un vêtement sans causer de dommage.

M. Lalik a ensuite été reconnu coupable de meurtre commis avec une cruauté particulière et condamné à 25 ans de réclusion. Les jugements des juridictions nationales faisaient explicitement référence aux déclarations qu'il avait faites lors de son interrogatoire informel, notamment au fait que son ami lui devait de l'argent. Les tribunaux considéraient ce qu'il avait dit comme particulièrement crédible, car il avait parlé spontanément et n'avait pas eu l'occasion de réfléchir à sa ligne de défense.

L'avocat de M. Lalik a soutenu de manière constante que si ces déclarations avaient été exclues, M. Lalik aurait encouru une peine maximale de 12 ans de réclusion pour avoir causé des lésions corporelles graves ayant entraîné la mort. En l'état, ces déclarations constituaient la principale preuve de l'intention et ont conduit à sa condamnation pour meurtre.

Plaintes, procédure et composition de la Cour

Le requérant a formulé une plainte en vertu de l'article 6 § 3 c) (droit à l'assistance d'un avocat de son choix), soutenant que sa condamnation reposait en grande partie sur des déclarations informelles qui avaient été recueillies sans garantir les garanties procédurales élémentaires de sa défense. Il a fait valoir que les policiers qui l'avaient interrogé de manière informelle après son arrestation ne l'avaient pas informé de ses droits, ni lui avaient offert la possibilité de consulter un avocat. Aucun compte rendu officiel de l'interrogatoire n'avait été établi, et son taux d'alcoolémie n'avait pas été retesté au préalable.

Décision de la Cour

Article 6 § 3
La Cour a constaté que M. Lalik n'avait pas été correctement informé de ses droits. Il n'était pas certain qu'au moment de son arrestation, M. Lalik avait été informé de son droit de garder le silence, de son droit de ne pas s'auto-incriminer et de son droit de consulter un avocat. En tout état de cause, il n'avait pas reçu les informations le lendemain matin avant d'être interrogé de manière informelle, et son taux d'alcoolémie n'avait pas été vérifié à nouveau. La première fois qu'il avait vu un avocat était après trois heures d'interrogatoire et en présence d'un policier dans la pièce.

La Cour s'est inquiétée du fait que les juridictions nationales aient admis et évalué des éléments de preuve obtenus en violation de ces garanties fondamentales. Le contenu des explications fournies par M. Lalik lors de son interrogatoire informel avait servi de preuve clé pour établir son intention de tuer son ami, ce qui avait conduit à sa condamnation pour meurtre. Bien que le Code de procédure pénale polonais ne prohibe pas l'utilisation de déclarations spontanées faites lors de l'arrestation, la Cour n'a pas considéré que ses déclarations étaient spontanées, étant donné qu'elles avaient été faites en présence de trois policiers lors d'un interrogatoire de trois heures. Elles avaient été consignées dans une note officielle signée par l'un des policiers. La Cour a estimé que l'utilisation de ces explications avait eu une incidence significative sur le déroulement de l'enquête et, finalement, sur les conclusions des juridictions nationales. Bien que M. Lalik ait explicitement contesté l'utilisation de ces explications devant les juridictions nationales, ses arguments avaient été rejetés.

La Cour a considéré que la tenue d'un interrogatoire informel après l'arrestation de M. Lalik sans l'informer de ses droits, combinée au fait que l'officier de police qui avait rédigé la note officielle avait été interrogé lors du procès, avait placé M. Lalik dans une position désavantageuse dès le début de l'enquête. Elle était préoccupée par le fait que les juridictions nationales non seulement avaient validé une telle approche, mais avaient également fait référence directe aux explications initiales du requérant données le lendemain de l'incident et les avaient considérées comme particulièrement crédibles, puisque - à ce moment-là - le requérant n'avait "pas encore eu le temps de réfléchir à ce qui serait bénéfique pour lui et ce qui serait préjudiciable". Selon la Cour, un tel raisonnement allait à l'encontre du concept d'un procès équitable. Par conséquent, la Cour a conclu que la procédure pénale, considérée dans son ensemble, ne pouvait pas être considérée comme équitable. Il y avait donc eu violation de l'article 6 § 3 c) de la Convention.

La Cour a noté qu'il était impossible de spéculer sur l'issue de la procédure en l'absence de violation de la Convention. Elle a souligné que l'article 540 § 3 du Code pénal polonais prévoyait la possibilité de rouvrir une procédure pénale lorsque cette nécessité résultait d'une décision d'un organisme international agissant dans le cadre d'un accord ratifié par la Pologne.

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