Quand y a-t-il discrimination ? Vaste question.

En dernière analyse, n'est-ce pas quand on estime qu'un tiers est mieux traité que soi ?

Dans sa décision dans l'affaire Kubat et autres c. République Tchèque du 22 juin 2023, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé, à l'unanimité, qu'il n'était pas discriminatoire de refuser de verser rétroactivement aux magistrats la différence entre le salaire qu’ils auraient dû percevoir et celui réduit, de manière inconstitutionnelle, qu’ils avaient perçu pendant la crise financière, alors que d'autres fonctionnaires de l'Etat tchèque n'ont pu eu à souffrir d'une telle baisse de rémunération. 

De quoi s'agissait-il ?

 
Les requérants sont des juges en exercice dont les salaires ont été réduits de 2011 à 2014, à la suite d'amendements à loi sur les salaires, motivés par la crise financière, amendements qui ont été invalidés par la Cour constitutionnelle, mais avec un effet pour le futur seulement.
 
En février 2015, les représentants du gouvernement et du pouvoir judiciaire sont parvenus à un accord selon lequel l'État s'engageait à verser aux juges en partie la différence entre les salaires effectivement versés entre 2012 et 2014 et le montant qu'ils auraient perçu si le calcul correct du salaire de base avait été appliqué.
 
Les juges qui ont accepté cet accord ont renoncé à toute autre réclamation salariale à l'encontre de l'État pour la période 2011-2014.
 
Les juges qui n'ont pas accepté de conclure cet accord ont entamé une procédure contre l'Etat et n'ont pas obtenu gain de cause.
 
Devant la CEDH, les requérants se plaignaient, entre autre, d'avoir été discriminés par rapport à d'autres fonctionnaires ( en particulier des vice-ministres, des directeurs de département et d'autres personnes occupant des postes comparables dans des ministères) dont les salaires n'avaient pas été réduits au cours de la période en question.
 
Certains se plaignaient aussi d'une discrimination par rapport aux juges qui avaient accepté l'accord proposé par l'Etat.
 

La décision de la CEDH

 
La Cour note d'emblée que les requérants se plaignent d'avoir été discriminés par rapport à d'autres fonctionnaires occupant de hautes fonctions au sein de ministères et dont les salaires n'auraient pas été réduits au cours de la période litigieuse.
 
Dans la mesure où cette législation visant à réduire les salaires des juges a été abrogées pour inconstitutionnalité, toute différence de traitement en découlant a été éliminée.
 
Il n'en reste pas moins que les requérants ont subi des réductions de leurs salaires résultant d'un refus de paiement rétroactif de la différence entre le salaire perçu et le salaire dû.
 
C'est dans ce contexte que la Cour a examiné si ces juges peuvent être considérés comme étant dans une situation analogue, en ce qui concerne leurs salaires, à celle des fonctionnaires occupant de hautes fonctions au sein des ministères, qui servaient de références au grief des requérants.
 
La Cour note tout d'abord que les salaires des juges sont régis par une loi qui leur donne le droit de rester à leur poste jusqu'à l'âge de 70 ans et les protège, en règle générale, contre une révocation décidée contre leur volonté.
 
La Cour observe en outre que la position unique des juges en termes de salaires et leur droit de rester à leur poste jusqu'à l'âge de 70 ans est corroboré par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle tchèque, selon laquelle le législateur doit tenir compte de la particularité de la positions des juges par rapport à celles des représentants des pouvoirs exécutif et législatif, ce qui laisse donc à l'Etat une marge de manœuvre quant à l'application de restrictions aux salaires des juges, par rapport aux restrictions décidée pour les salaires des employés d'autres branches du secteur public.
 
La Cour conclut à cet égard qu'en raison du cadre juridique différent régissant leur emploi et leurs salaires, les fonctionnaires qui étaient à l'époque des faits employés au sein de la fonction publique selon les règles du droit commun ne peuvent pas être comparés aux juges dont les liens avec l'État sont caractérisés, d'une part, par les fonctions spécifiques qu'ils ont à exercer et, d'autre part, par le principe de l'indépendance judiciaire.
 
 
 
En conclusion, la Cour a estimé que les requérants n'ont pas démontré qu'ils se trouvaient, sur le plan salarial, dans une situation analogue à celle des fonctionnaires qu'ils prennaient comme référence et que leur griefs basés sur la discrimination étaient manifestement mal fondés.

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