La Cour européenne des droits de l'Homme a publié hier six décisions d'irrecevabilité portant toutes sur le même sujet : des requêtes invoquant l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme (droit à un procès équitable), dirigées contre la France et se plaignant en somme d'une insuffisante motivation de la peine prononcée par une cour d’assises d’appel.

Dans chaque décision, la CEDH a renvoyé à sa jurisprudence constante et plus spécialement à l'arrêt Agnelet c. France, puis a constaté que le nombre et la précision des éléments factuels exposés dans la feuille de motivation étaient, en l'espèce, de nature à permettre au requérant de comprendre tant les raisons de sa condamnation que le quantum de sa peine, pour enfin déclarer le grief manifestement mal fondé et la requête irrecevable.

C'est sans doute un message à destination des confrères pénalistes qui lui adressent de nombreuses requêtes basées sur ce fondement.

Pour plus  de renseignements sur les subtilités de l'article 6 §1, vous pouvez contacter notre cabinet d'avocats pour la CEDH.

En addition, vous trouverez le raisonnement-type et bref repris par la CEDH dans les décisions dont il est question :

"10.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante estime que la motivation de l’arrêt de la cour d’assises d’appel ne répond pas aux exigences de cet article. Elle se plaint de l’absence de motivation spécifique de la peine de quinze ans de réclusion criminelle prononcée à son encontre.
11.  La Cour renvoie aux principes bien établis résumés dans l’arrêt Lhermitte c. Belgique du 29 novembre 2016 ([GC], no 34238/09) et, concernant la France, présentés dans les arrêts Agnelet c. France (no 61198/08), Oulahcene c. France (no 44446/10), Voica c. France (no 60995/09), Legillon c. France (no 53406/10) et Fraumens c. France (no 30010/10) du 10 janvier 2013. En particulier, elle rappelle avoir confirmé cette jurisprudence depuis l’adoption en France de la loi no 2011- 939 du 10 août 2011, insérant un nouvel article 365-1 dans le code de procédure pénale, qui prévoit dorénavant une motivation des arrêts rendus par une cour d’assises dans une feuille de motivation annexée à la feuille des questions (Matis c. France (déc.), no 43699/13, 6 octobre 2015).
12.  En l’espèce, la Cour constate d’emblée que la requérante a bénéficié d’un certain nombre d’informations et de garanties durant la procédure criminelle (Agnelet, Oulahcene, Fraumens, Legillon et Voica, précités, respectivement §§ 63, 47, 41, 59 et 47 ; voir également Haddad c. France, no 10485/13, § 16, et Peduzzi c. France, no 23487/12, § 18, du 21 mai 2015).
13.  Par ailleurs, elle constate que le nombre et la précision des éléments factuels exposés sur une page et demie dans la feuille de motivation (paragraphe 8 ci-dessus), qui correspondent d’ailleurs aux constats relevés dans l’acte de mise en accusation (paragraphe 4 ci-dessus), sont de nature à permettre à la requérante de comprendre tant les raisons de sa condamnation que le quantum de sa peine.
14.  La Cour relève également que les circonstances aggravantes, en relation avec la qualité d’ascendant et le très jeune âge des victimes, ont fait l’objet de questions individualisées (Cherpion c. Belgique (déc.), no 47158/11, 9 mai 2017, § 43), et sont rappelées dans l’arrêt. Elle note que ces circonstances aggravantes ont conduit les juges à prononcer une peine plus forte que la sanction normalement encourue pour des faits de violence volontaire, dans la limite légale fixée par l’article 222-8 du code pénal, expressément visé.
15.  La Cour, qui ne décèle aucun arbitraire dans la procédure et la motivation de la décision (Moreira Ferreira c. Portugal (no 2) [GC], no 19867/12, § 85, 11 juillet 2017), estime que la requérante, qui était assistée d’un avocat, a disposé de garanties suffisantes lui permettant de comprendre le verdict prononcé à son encontre.
16.  Il s’ensuit que le grief tiré de l’absence de motivation de la peine est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
17.  Enfin, la requérante soulève un autre grief tiré de l’article 6 de la Convention relatif à la présentation des modes de preuve.
18.  La Cour juge toutefois, à la lumière de l’ensemble des éléments en sa possession, que les faits dénoncés ne révèlent aucune apparence de violation des droits et libertés énumérés dans la Convention ou ses Protocoles.
19.  Il s’ensuit que ces allégations sont manifestement mal fondées et doivent être également rejetées en application de l’article 35 § 3 a) de la Convention."