Le droit à un procès équitable stipulé à l'article 6 §1 de la convention européenne des droits de l'Homme, comporte deux volets, le volet civil et le volet pénal : 

"1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle...".

Spontanément, on pourrait penser que le respect du droit à un procès équitable, en matière de procédures disciplinaires, relèverait de l'article 6 §1 de la Convention dans son aspect pénal.

 

Une association d'idée lie aisément le disciplinaire au pénal.

 

C'est une idée trompeuse, car la CEDH juge que le disciplinaire et le pénal ne peuvent pas se confondre, même si on accepte d'entrer dans une dichotomie schématique entre le pénal et le civil comme celle tracée par l'article 6§1 de la Convention.

 

En effet, la CEDH dit qu'elle permet aux États, "dans l’accomplissement de leur rôle de gardiens de l’intérêt public, de maintenir ou établir une distinction entre droit pénal et droit disciplinaire ainsi que d’en fixer le tracé".

 

Pour éviter cependant que les États contractants puissent à leur guise qualifier une infraction de disciplinaire plutôt que de pénale pour échapper aux clauses fondamentales des articles 6 et 7 de la Convention, la CEDH se reconnaît exceptionnellement la compétence de s’assurer, sur le terrain de l’article 6, que le disciplinaire n’empiète pas indûment sur le pénal (Gestur Jónsson et Ragnar Halldór Hall c. Islande [GC], 2020, § 76).

 

Ainsi, les infractions à la discipline militaire, peuvent relever du volet pénal de l’article 6 de la Convention (par exemple l’affectation à une unité disciplinaire pour une période de quelques mois : Engel et autres c. Pays-Bas, 1976, § 85) ou non (les arrêts de rigueur pendant deux jours ont été jugés d’une durée trop courte pour relever de la sphère du pénale, même arrêt). 

 

Envisager le disciplinaire sous l'angle pénal est donc exceptionnel et comme toute exception, elle consacre surtout un principe : pour que la matière disciplinaire soit envisagée sous l'angle du droit au procès équitable il faut en principe réussir à la rattacher à l'exercice de "droits et obligations de caractère civil".

 

 

La CEDH accepte ainsi de rattacher la matière disciplinaire au volet civil du droit au procès équitable (pour éviter que l'article 6§1 ne s'applique pas du tout) en envisageant la sanction disciplinaire dans ses effets civils et/ou ses conséquences pécuniaires.

 

Ce paradoxe apparent se voit clairement dans une affaire récente, Thierry c. France, où le commissaire divisionnaire de police à la tête de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) contestait le retrait de son habilitation d'OPJ par suite d'une décision disciplinaire prise en conséquence d'une procédure pénale lancée contre lui.

 

Invoquant l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable), le requérant soutenait notamment que la procédure dont il avait fait l’objet était de nature pénale plus que de disciplinaire et n'avait respecté, ni l’exigence d’impartialité, ni celle de respecter l’égalité des armes et le contradictoire.

 

Invoquant l’article 6 § 2 (présomption d’innocence), le requérant soutenait aussi que la procédure disciplinaire avait été engagée sur la base d’éléments tirés de la procédure pénale dont il faisait également l’objet, toujours en cours au moment de l’introduction de la requête, ce qui aurait porté atteinte à son droit à la présomption d’innocence.

 

Sur l'article 6 §1, la CEDH a conclut à l’application de l’article 6 § 1 sous son volet civil, renvoyant à ses jurisprudence de principe sur le sujet, pour ensuite rejeter les griefs comme étant manifestement non fondé en l'espèce.

 

Sur l'article 6 §2, la CEDH a décidé que le requérant n'avait pas soulevé ce grief aupravant, ni devant la commission de recours, ni à l’appui de son pourvoi en cassation, de sorte que cette partie de la requête est irrecevable en raison du non-épuisement des voies de recours internes, ce qui n'a pas dû beaucoup plaire aux confrères ainsi visés.

 

Pour toute question éventuelle sur les subtilités de l'article 6 §1, n'hésitez pas à vous reporter à notre site d'avocats devant la CEDH.

Pour être moderne, n'oublions pas non plus de citer la page FB "avocats CEDH", ma page LinkedIn d'avocat à la CEDH , celle de mon associé qui est lui aussi avocat à la Cour européenne des droits de l'homme et celle de notre cabinet d'avocats en droits de l'homme à Strasbourg.