La CEDH est particulièrement sensible aux questions relatives à la protection des données.

 

Dans ce contexte, est-ce qu'un "name and shame" consistant à divulguer sur le site internet de l'autorité fiscale une liste de contribuables indélicats peut être considéré respectueux de l'article 8 de la Convention (droit à la vie privée) ?

 

Le 12 janvier 2021, un arrêt de Chambre avait jugé que le droit national hongrois, qui autorise la publication des données à caractère personnel des contribuables débiteurs poursuivait un but légitime : d'améliorer la discipline en matière de paiement des impôts, d'assurer ainsi le bien-être économique du pays et enfin de protéger les droits et libertés d’autrui en visant à garantir la transparence et la fiabilité des relations commerciales.

La Cour avait donc conclut à la non-violation de l'article 8.

 

La Grande Chambre a accepté de se saisir de la question en appel.

Le 09 mars 2023, dans l'arrêt L.B. c. Hongrie, la Grande Chambre a tranché le litige et en a profité pour dégager les principes qu'elle suivrait pour cela :

 

"la Cour considère que les États contractants jouissent d’une ample marge d’appréciation pour déterminer, aux fins notamment d’assurer le bon fonctionnement de la perception de l’impôt dans son ensemble, la nécessité d’établir un régime de divulgation de données à caractère personnel concernant les contribuables qui ne s’acquittent pas de leurs obligations de paiement. La latitude dont jouissent les États dans ce domaine n’est toutefois pas illimitée.

Dans ce contexte, la Cour doit se convaincre que les autorités nationales compétentes, au niveau législatif, exécutif ou judiciaire, ont correctement mis en balance les intérêts concurrents et dûment tenu compte, au moins en substance, non seulement i) de l’intérêt public à la divulgation des informations en question (paragraphe 116 ci-dessus), mais aussi ii) de la nature des informations divulguées (paragraphe 119 ci-dessus), iii) des répercussions sur l’exercice par les personnes concernées du droit au respect de leur vie privée et du risque d’atteinte à celui-ci (paragraphes 120 et 121 ci‑dessus), iv) de la portée potentielle du support utilisé pour la diffusion de l’information, en particulier celle d’internet (paragraphe 121 ci-dessus), ainsi que v) des principes fondamentaux de la protection des données, notamment ceux relatifs à la limitation des finalités, à la limitation de la conservation, à la minimisation des données et à leur exactitude (paragraphes 42, 44, 46 et 123 ci‑dessus).

Dans ce cadre, l’existence de garanties procédurales peut également jouer un rôle important (paragraphe 122 ci‑dessus).

La Cour examinera ainsi si les autorités nationales ont agi dans les limites de leur marge d’appréciation dans le choix des moyens propres à atteindre les buts légitimes poursuivis" (§128).

 

En l'espèce, la Grande Chambre n'a pas été convaincue :

"Tout en admettant que l’intention du législateur était de renforcer le respect des obligations fiscales et qu’ajouter l’adresse du domicile du contribuable permettait de garantir l’exactitude des informations publiées, il n’apparaît pas que le législateur ait envisagé de prendre des mesures pour concevoir des réponses adaptées eu égard au principe de la minimisation des données [...].

En résumé, l’État défendeur n’a pas démontré que le législateur a cherché à ménager un juste équilibre entre les intérêts individuels et publics concurrents afin de garantir la proportionnalité de l’ingérence.

[...] À la lumière de ce qui précède et compte tenu du caractère systématique de la publication des données relatives aux contribuables, notamment leur adresse personnelle, la Cour n’est pas convaincue [...] que l’ingérence litigieuse était «nécessaire dans une société démocratique» et que les autorités de l’État défendeur ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu".

Pour toute question relative au droit à la vie privée, notre cabinet d'avocats agissant devant la CEDH est disponible.

Pour être moderne, n'oublions pas non plus de citer la page FB "avocats CEDH", ma page LinkedIn d'avocat à la CEDH , celle de mon associé qui est lui aussi avocat à la Cour européenne des droits de l'homme et celle de notre cabinet d'avocats en droits de l'homme à Strasbourg.

Sinon, la décision en cause est attachée en pdf en annexe.